Archiduchesse Stéphanie, Lacroma, Vienne, Kunartz, 1892 |
« Sous l’heureux ciel de Naples, richement parée des charmes d’une végétation presque tropicale, en face de l’antique ville de Raguse, s’élève des flots bleus tranquilles et doux de l’Adriatique une île ravissante. On la nomme Lacroma. La dépeindre est le but de ces feuillets modestes. »
« C'était par un beau soir du mois de mai 1859. Dans le port de Raguse régnait une paix profonde. Dehors, à la haute mer,croisaient les navires de la flotte française, pendant qu’en rade, dans le canal de Raguse, le brick de guerre le Triton, préposé a la surveillance du port, était à l’ancre. Tout à coup un assaut d’éclairs, un craquement semblable à celui de la foudre secouant la terre fit s’effondrer le silence qui planait sur l'eau : le brick n’existait plus ; une explosion de la chambre aux poudres — explosion dont on ne connaîtra jamais la cause — avait déterminé l’épouvantable catastrophe. De l’éparsèmement des épaves flottantes projetées par l’explosion du navire sortait maintenant la déchirante lamentation des blessés qui allaient trouver leur tombe en face de Lacroma.L’archiduc Ferdinand-Maximilien, alors commandant supérieur de la marine, fut aussitôt averti de la terrible catastrophe, et peu de jours après, malgré le blocus de l’Adriatique par la flotte française, le noble prince arriva à bord du yacht Fantaisie pour visiter l’endroit de la catastrophe, apporter du courage et des consolations aux blessés et rendre les derniers honneurs aux morts nombreux...On sait comme tout ce qui intéressait sa chère marine le touchait.Vis-à-vis la place où le brick avait sombré dans la profondeur froide, l’archiduc Maximilien fit élever, en souvenir des braves officiers et matelots, « la croix du Triton », sur le montant de laquelle furent inscrits les noms de tous les marins qui avaient péri là.Ce fut dans ces circonstances tristes qne celui qui devait devenir l’empereur Maximilien visita pour la première fois l'île de Lacroma. Le cœur délicat de l'archiduc, son sens inné du beau furent séduits par ce paysage en éblouissante parure de printemps. Il acheta l'île pour son épouse.Avec une compréhension tendre, un goût plein de sens — un goût imaginatif,— avec la même promptitude que cet ami de la nature devait mettre à créer les magiques jardins de Miramar, il changea les pointes rocheuses de Lacroma en un paradis de plantes et de fleurs et se créa de ces ruines un home intime et ravissant, un refuge introublé offrant, même aux jours de tempête, la joie, la paix, la jouissance d’être."
« Dans le libre, dans le libre au dehors ! — quittons vite la chambre, — le printemps gonfle les ramures autour de la maison — le désir nous emporte.— La forêt bourgeonnante respire — dans l’or de la germination.— La joie et la souffrance d’aimer — retentissent en une seule harmonie à travers les flots. — Le myrte odoreusement se déclôt ;— les orangers parfumés fleurissent; — le lis s’érige vers le ciel; — les grenades sont ardentes de pourpre.— Les flots infinis de la mer s’étirent au bonheur des yeux. — Et, glorieuse, toute la nature semble bénir de la joie. — Le divin printemps se réveille. — Le soleil « béni » fait fuir la nuit pâlissante et rafraîchit les cœurs des fatigués.»
Invitation à la lecture
J'invite mes lectrices et lecteurs que l'histoire des Habsbourg et des Wittelsbach passionne à découvrir les textes peu connus que j'ai réunis dans Rodolphe. Les textes de Mayerling (BoD, 2020).
Suicide, meurtre ou complot ? Depuis plus de 130 années, le drame de Mayerling fascine et enflamme les imaginations, et a fait couler beaucoup d'encre. C'est un peu de cette encre que nous avons orpaillée ici dans les fleuves de la mémoire : des textes pour la plupart oubliés qui présentent différentes interprétations d'une tragédie sur laquelle, malgré les annonces répétées d'une vérité historique définitive, continue de planer le doute.
Comment s'est constituée la légende de Mayerling ? Les points de vue et les arguments s'affrontent dans ces récits qui relèvent de différents genres littéraires : souvenirs de princesses appartenant au premier cercle impérial, dialogue politique, roman historique, roman d'espionnage, articles de presse, tous ces textes ont contribué à la constitution d'une des grandes énigmes de l'histoire.
Le recueil réunit des récits publiés entre 1889 et 1932 sur le drame de Mayerling, dont voici les dates et les auteurs :
1889 Les articles du Figaro
1899 Princesse Odescalchi
1900 Arthur Savaète
1902 Adolphe Aderer
1905 Henri de Weindel
1910 Jean de Bonnefon
1916 Augustin Marguillier
1917 Henry Ferrare
1921 Princesse Louise de Belgique
1922 Dr Augustin Cabanès
1930 Gabriel Bernard
1932 Princesse Nora Fugger
Le dernier récit, celui de la princesse Fugger, amie de la soeur de Mary Vetsera, est pour la première fois publié en traduction française. Il n'était jusqu'ici accessible qu'en allemand et en traduction anglaise.
Luc-Henri Roger, Rodolphe. Les textes de Mayerling, BoD, 2020. En version papier ou ebook.
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