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samedi 13 juin 2020

Lohengrin est-il une oeuvre misogyne ? Elsa, une version de Psyché ?

 

   Le personnage d'Elsa n'est-il qu'une version de l'archétype de la femme curieuse que l'on retrouve incarnée en Psyché ou encore dans leur cousine-germaine Mme Barbe-Bleue : toutes ces personnifications de la femme curieuse et punie de sa curiosité; toutes ces filles de notre aïeule initiale Eve, qui fut la première de la série des curieuses fatales ? C'est la thèse de H. Astier dans la chronique intitulée Lohengrin qu'il publia dans le quotidien la  Souveraineté du 6 mai 1887, alors que Charles Lamoureux venait d'en donner une première exécution parisienne à l'Eden-Théâtre.

Lohengrin

 Le choix qu'a fait le grand ami du roi de Bavière du sujet du Lohengrin était déjà un symptôme de misogynie. Pas flatteur du tout pour les femmes, ce thème-là ! 
   Ortrude, qui remplit dans le drame wagnérien le rôle du traître est une infecte scélérate, la plus soir des coquines. Passe pour une vilaine femme dass la pièce, si on l'y a introduite à titre de repoussoir, destiné à faire ressortir, dans sa splendeur immaculée, le type d'Elsa, l’héroïne.
   Mais l'héroïne Elsa, quelle héroïne de carton se détrempant misérablement dans une passion puérile, celle de la curiosité !
   Dans cet opéra, l'élément féminin est sacrifié sans merci à l'élément masculin, représenté par l'éphèbe Lohengrin, le fils de Parsifal, le Chevalier du Cygne. C'est sur la scélératesse atroce et la fragilité niaise de la femme, personnifiée en ces deux figures d'Ortrude et d'Elsa, que la nature supérieure de l'homme-type s’élève orgueilleusement comme sur un piédestal.
   Lohengrin, demi-homme, demi-ange, a quitté son empyrée pour sauver Elsa et venger son innocence calomniée par des méchants. Il épouse Elsa, après avoir vaincu le chevalier félon qui avait juré sa perte, mais impose comme condition à sa jeune épouse de ne jamais chercher à savoir qui il est. Elsa n'a rien de plus pressé que de se laisser endoctriner par la perfide Ortrude et de manquer à sa promesse. Lohengrin dévoile son secret, mais il disparaît, emmené par son cygne, et Elsa meurt de désespoir.

   C'est, a-t-on dit, la fable de Psyché. Eh oui ! Elsa, comme Psyché, perd, par vaine curiosité, le bien suprême, le bien réel qu'elle possédait et qu'elle n'était pas digne de posséder.Le poète inconnu qui, à la cour du roi Artus, le premier, chanta cet épisode du cycle celtique de la Table Ronde, et à qui le teuton Wagner devait emprunter le sujet de Lohengrin et celui de Tristan et Yseult, connaissait-il la fable de Psyché ? Avait-il lu le poème d'Apulée ? C'est bien invraisemblable.
   Ce qui est vraisemblable, c'est que, dans les traditions armoricaines et galloises, il existait des mythes rapportés du berceau de la race arienne — mythes absolument consanguins de ceux que les poètes grecs ont chantés et qui provenaient de la même source, mais qui, en se transmettant d'âge en âge à travers des races différentes et sous des climats divers, avaient revêtu des figures diverses et pris des noms différents : ici, Eros et Psyché, par exemple; là, Elsa et Lohengrin. [...]

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