Sidoine Apollinaire, saint Avit et saint Mamert |
Tout le monde parle des saints de glace, certains en connaissent les noms, — saint Mamert, saint Pancrace et saint Gervais, — certains connaissent encore un dicton météorologique qui reprend leurs noms mais plus personne ne connaît leur histoire. Cette inculture, si typique du temps superficiel dans lequel nous avons eu l'heur de naître, a éveillé ma curiosité (pas encore légendaire, mais je m'applique à la rendre célèbre).
Mais qui était saint Mamert, que l'on fête le 11 mai ? Wikipedia en donne une note sommaire qui ne pouvait me satisfaire... Ma traduction de la Légende dorée de Jacques de Voragine (— par Théodore de Wysewa quand même, les vrais wagnériens français apprécieront —) n'en fait pas mention. Je me suis donc tourné vers les Vies des Saints des petits Bollandistes et bingo, le Jackpot ! j'ai trouvé une petite biographie de la vie de Saint Mamert de derrière les fagots dont je suis sûr que vous me direz des nouvelles. La voici, mes amis du lyonnais apprécieront !
S. MAMERT, ARCHEVÊQUE DE VIENNE EN DAUPHINÉ
477 — Pape Saint Simplice —Invasion des Gaules par les Francs.
Si les fléaux sont entre les mains de Dieu la verge qui châtie les hommes, la prière est entre les mains de l'homme la force qui peut apaiser Dieu et faire descendre ses bienfaits sur la terre.
Si les fléaux sont entre les mains de Dieu la verge qui châtie les hommes, la prière est entre les mains de l'homme la force qui peut apaiser Dieu et faire descendre ses bienfaits sur la terre.
L’antiquité nous a laissé peu de détails sur la vie de saint Mamert. Mais il s'est rendu fort célèbre par l'établissement des Rogations. Ce n'est pas qu'il soit le premier auteur de ces processions saintes, que l'on fait pour attirer les bénédictions de Dieu sur les fruits de la terre mais, de son temps, elles étaient presque tombées en désuétude, ou bien se faisaient sans dévotion. Mamer les rétablit, et, y ajoutant la jeûne à la prière, il ordonna qu'on les ferait les trois jours qui précèdent l'Ascension. Cette pieuse réforme fut d'abord reçue de toutes les Eglises de France, suivant le décret du premier Concile d'Orléans, tenu sous Clovis le Grand, et le fut ensuite de l'Eglise de Rome, par l'autorité de Léon III.
Voici à quelle occasion saint Mamert eut cette pieuse pensée il occupait dignement le siège archiépiscopal de Vienne, dans lequel il avait succédé à saint Simplicius, dans le milieu du V siècle. Outre les calamités publiques de toutes les Gaules, qui étaient alors exposées aux irruptions des nations barbares, spécialement des Huns et des Goths, la ville et le pays de Vienne se virent affligés par des malheurs particuliers qui les menaçaient d'une désolation universelle : cette ville était souvent ébranlée par de si effroyables tremblements de terre, que ses habitants étaient contraints de l'abandonner, de peur d'être accablés sous ses ruines ; d'ailleurs, certains feux s'embrasaient sous terre, et, faisant fumer les montagnes et les forêts, en chassaient les cerfs, les ours, les sangliers et les autres bêtes sauvages, qui se sauvaient tout épouvantés dans les bourgs et dans les villes, où leur présence répandait la terreur. Le vigilant pasteur consola, encouragea son peuple par d'éloquents discours : il fit voir dans ces malheurs autant de coups de verges d'un père courroucé, dont il fallait implorer la clémence par la soumission et par des prières ferventes et continuelles. Il arriva de plus que, la nuit de Pâques, le feu prit à un édifice public de Vienne, et y continua avec tant de violence, que chacun s'attendait à un embrasement général. Mamert, qui avait déjà opéré des prodiges semblables, se prosterna devant l'autel, et ses larmes, ses prières, arrêtèrent l'incendie. Saint Avite dit expressément que les flammes s'éteignirent d'une manière miraculeuse.
Ce fut dans cette nuit épouvantable que Mamert conçut, devant Dieu, le projet des Rogations, en régla les psaumes et les prières ; il y ajouta le jeûne, la confession des péchés, les larmes, la componction du cœur. Quant au but de ces processions salutaires, le voici, d'après une homélie que l'on croit être de saint Mamert, et qui se trouve parmi les sermons attribués à Eusèbe d'Emèse. « Nous y prierons », dit-il, « le Seigneur, de nous délivrer de nos infirmités, de détourner ses fléaux de dessus nous, de nous préserver de tout malheur, de nous garantir de la peste, de la grêle, de la sécheresse et de la fureur de nos ennemis ; de nous donner un temps favorable pour la santé des corps et pour la fertilité de la terre, de nous faire jouir de la paix et du calme, et de nous pardonner nos péchés ». Tel est à peu près tout ce que l'on sait de saint Mamert. Saint Avite le nomme son parrain : spiritualem a baptismo patrem. Il bâtit à Vienne une nouvelle église en l’honneur de saint Ferréol, martyr, dont il avait transféré le corps, après l'avoir découvert. On voit un évêque Mamert au concile d'Arles de 475. C'est vraisemblablement notre Saint. Il mourut, dit-on, en 477. Son corps, inhumé à Vienne, fut ensuite, par l'ordre du pape Jean III et du roi Gontran, transporté à Orléans et déposé en la cathédrale de cette ville, où il était en grande vénération. Les protestants le brûlèrent dans le XVIe siècle.
[ Notons encore que Saint Mamert avait un frère plus jeune que lui. Ce fut Mamert Claudien, moine, puis prêtre et coopérateur fidèle de l'évêque de Vienne. Il vivait au milieu du Ve siècle et mourut entre 470 et 474. Sidoine Apollinaire le regardait comme le plus beau génie de son siècle.]
Les Rogations
À propos de saint Mamert et des Rogations, voici ce qu'en dit Grégoire de Tour :
À propos de saint Mamert et des Rogations, voici ce qu'en dit Grégoire de Tour :
« Il (Avitus) rapporte, dans une homélie sur les Rogations, que ces mêmes Rogations que nous célébrons avant le triomphe de l’ascension du Seigneur, furent instituées par Mamertus, évêque de Vienne, dont Avitus était alors lui-même le pontife, à l’occasion d’un grand nombre de prodiges qui épouvantaient cette ville. Il y avait souvent des tremblements de terre, et les loups et autres bêtes féroces, entrant par les portes, erraient, sans rien craindre, par toute la ville. Comme ces choses se passaient dans le cours de l’année, l’arrivée de la fête de Pâques fit espérer au peuple fidèle que la miséricorde de Dieu mettrait, le jour de cette grande solennité, un terme à leur épouvante. Mais la veille même de cette glorieuse nuit, pendant qu’on célébrait les cérémonies de la messe, tout à coup le palais royal, situé dans la ville, fut embrasé du feu divin. Tous furent saisis de terreur, et abandonnèrent l’église, craignant que cet incendie ne consumât toute la ville, et que la terre ébranlée ne s’entrouvrît. Le saint évêque, prosterné devant l’autel, supplia, en gémissant et pleurant, la miséricorde de Dieu. Que dirai-je ? la prière de l’illustre pontife pénétra jusqu’aux cieux, et le fleuve de larmes qu’il répandait éteignit l’incendie du palais. Pendant que ces choses se passaient, le jour de l’ascension du Seigneur approchant, comme nous l’avons dit plus haut, il prescrivit un jeûne aux peuples, et régla la forme des prières, l’ordre des lectures pieuses, ainsi que la manière de célébrer les Rogations. Tous les sujets d’épouvante s’étant alors dissipés, la nouvelle de ce fait se répandit dans toutes les provinces, et porta tous les évêques à imiter ce qu’avait inspiré à Mamertus sa profonde foi. On célèbre encore aujourd’hui, au nom de Jésus-Christ, ces cérémonies dans toutes les églises, avec componction du cœur et contrition d’esprit. »
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