Robert von Hornstein par Fritz Kriehuber |
Le compositeur bavarois Robert von Hornstein (1833-1890) est issu de la famille noble souabe de Hornstein et hérite en 1861 de son père Ferdinand von Hornstein de ses possessions à Hohenstoffeln. Sa mère Emilie Kirsner est une sœur du pharmacien et homme politique Ludwig Kirsner, du Grand-duché de Bade.
Robert von Hornstein a grandi principalement à Donaueschingen. Son talent musical est rapidement reconnu par le politicien et mélomane Karl Egon II. zu Fürstenberg. Il complète sa formation musicale pendant quelques années à Stuttgart, Dresde, Francfort et finalement à Munich. On le connaît comme un compositeur prolifique de chansons, ballets, opérettes et opéras. Parmi les auteurs de ses livrets on compte Paul Heyse, qui vit temporairement à Munich chez les Hornstein.
Hornstein se marie en 1860 avec Charlotte. Ils vivent en alternance à Munich et dans la maison familiale à Winkel, sur le Rhin moyen.
Son fils Ferdinand von Hornstein publie en 1911, une réponse à deux lettres de Richard Wagner qui critiquait son père : Zwei unveröffentlichte Briefe Richard Wagners an Robert von Hornstein, München, 1911. [Source Wikipedia]
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En 1908, Ferdinand von Hornstein publia à Munich les Mémoires de son père (Robert von Hornstein, Memoiren, München, Süddt. Monatshefte, 1911). Le Supplément littéraire du dimanche du Figaro du 18 juillet 1908 donna le compte-rendu de cet ouvrage dans un article que nous reproduisons ici intégralement. Dans la première partie de son récit, Robert de Hornstein mentionne notamment ses rencontres à Bad Kissingen avec la comtesse Marie Kalergis, avec laquelle il fait de la musique. Dans la seconde partie de son récit, il évoque ses rencontres avec Wagner et Schopenhauer.
Notes et Souvenirs
Ferdinand de Hornstein vient de publier, à Munich, les Mémoires de son père, le célèbre instrumentiste et compositeur Robert de Hornstein. Robert de Hornstein ne fut pas seulement un musicien remarquable ; il entretint encore des relations intimes avec d'étonnantes personnalités littéraires et politiques, ce qui donne un attrait de plus à son livre, d'un tour vif et enjoué. Son père était « cavalier de cour » du prince Charles Egon de Furstenberg, grand ami de l'art. Le prince de Furstenberg avait installé à sa résidence un théâtre de cour dont le père de Robert Hornstein était l'acteur le plus brillant et le chanteur le plus applaudi.
La maladie obligea trop tôt l'éminent artiste à suspendre ses travaux. C'est sur les bords du lac de Garde, qu'à peine âgé de cinquante ans, Robert de Hornstein ressentit les premiers symptômes du mal qui l'obligea à prendre du repos et le détermina à écrire ses Mémoires. Il déclare, en terminant ce livre, qu'il ne sait pas encore s'il pourra les continuer. « Ma vie, dit-il, a subi déjà de nombreuses vicissitudes, mais les illusions de l'homme durent jusqu'à sa mort. »
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J'étais âgé de cinq ans, lorsque mon père résigna sa charge à la cour du prince Egon de Furstenberg et vint, pour des questions de succession, se fixer d'abord à Weiterdingen, où se trouvait le château de mon grand-père. Deux ans après, mon père se transporta à Fribourg, où je commençai mes études. Je faisais de rapides progrès dans l'art du chant et dans la musique, qui ne me plut jamais autant. On me considérait, dans la société de Fribourg, comme une sorte d'« enfant prodige », car de tout temps j'eus une tendance à m'abandonner à ma fantaisie en jouant du piano.
Un an et demi après, mon père quittait Fribourg pour se fixer à Constance. Quel monde nouveau pour moi! Le grand lac, le mouvement des bateaux à vapeur, la silhouette des Alpes dans le lointain, et des promenades en Suisse, en pays libre, dans une république. L'arrivée des sœurs Milanollo me causa une impression très particulière. Mon père, qui connaissait l'admiration des princes Charles et Max de Furstenberg pour les deux sœurs, les avait invitées à se rendre à Constance. Je fis personnellement connaissance avec les deux virtuoses, et je me trouvai en rapports constants avec elles durant toute une semaine.
Je n'éprouvais aucun embarras auprès de la plus jeune, Marie, vive et rieuse. Mais il n'en était pas de même auprès de l'élégiaque Thérèse. Je ne sais pas encore aujourd'hui si je l'aimais, mais elle avait produit sur moi une impression forte et durable. Durant mes heures de liberté, je me rendais dans la forêt voisine et, assis sous un arbre, je pleurais à chaudes larmes. Quelques semaines après leur départ, je quittais la classe pour me rendre a la maison, et Tonele eut la cruauté de m'apprendre que les princes d'Heiligenberg étaient venus, qu'ils avaient emmené mon frère à Zurich, et que leur projet était aussi de me prendre avec eux. Les soeurs Milanollo y donnaient des concerts. Ce fut l'un des jours les plus malheureux de ma jeunesse.
A côté de nombreuses familles légitimistes, la présence des Napoléonides avait attiré à Constance un grand nombre de bonapartistes. La reine Hortense et Louis-Napoléon étaient les figures les plus populaires de la contrée. Hortense exhibait chaque après-midi, à Rahns, de nouvelles toilettes, et Louis, qui avait chaque jour un napoléon " d'argent de poche ", rendait la contrée peu sûre. Les prouesses qu'il accomplissait avec l'enragé baron Mainau étaient connues de tous. Souvent, ils galopaient, à des heures indues, dans les rues de la ville, et jetaient, par avance, sous les pieds des agents, le montant des amendes qu'ils encouraient. Dans les bals, Louis introduisit les tours de cotillon. Après le bal, il se rendait avec la belle baronne Mainau, une Autrichienne, à l'île Mainau, en canot découvert, et la belle dame resta boiteuse à la suite de celte imprudence. `
Le prince Louis visitait souvent le théâtre, et la jeunesse de la ville avait coutume de le saluer, à l'entrée et à la sortie, par les cris de: « Vive le prince Napoléon ».
Peu de temps après, le médecin de mon père, le docteur Kœllreutter, m'envoya à Kissingen. Mon père m'accompagnait. Kissingen offrait plus d'intérêt, en ce moment, parce que certains diplomates éminents, à la tête desquels se trouvait le vieux chancelier Nesselrode, y tenaient un congrès. M. de Pfordten s'y trouvait aussi. La nièce de Nesselrode, la belle et intéressante Mme de Kalergis, faisait les honneurs de la maison. Elle joignait aux manières les plus distinguées un éminent talent de pianiste. C'était une élève de Chopin et de Liszt, une amie de Cavaignac et de Louis-Napoléon. Le prince aurait sérieusement voulu l'épouser, et il n'a pas dépendu de lui que ce projet se réalisât. Je faisais chaque jour de la musique avec Mme de Kalergis. Elle faisait grand cas de moi, et j'appris, alors, à connaître le vieux chancelier. On ne se serait pas douté que ce petit homme, au sourire aimable, tenait dans sa main les destinées l'Europe.
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Ce fut en l'année 1855 que je rendis visite à Richard Wagner, au Seelisberg. Les quelques semaines que je passai là, avec lui, firent de moi un fervent admirateur de Schopenhauer.
Peu de temps après, je me rendais à Francfort, à l'hôtel Anglais ; je savais que Schopenhauer y prenait son repas à une heure. Bientôt, un homme d'un certain âge, d'une vive allure et fort élégant, vint s'asseoir auprès d'un hôte plus jeune qui le salua amicalement. Bien qu'il ressemblât fort peu à l'idée que je m'étais faite d'un " Sage indou [sic] " sa personnalité annonçait tant de vivacité et d'intelligence que ce ne pouvait être un autre. C'était bien, en effet, Schopenhauer qui venait de prendre place à côté de son ami le peintre Lunteschutz. Ma résolution fut prise aussitôt de lui rendre visite le jour suivant, ce qui eut lieu. Ma première pensée, en l'abordant, fut de lui présenter les compliments de Wagner. Schopenhauer commença alors à malmener la musique de Wagner. « Il m'a envoyé sa Trilogie, dit-il. Le drôle est un poète, ce n'est pas un musicien. »
L'idéal musical de Schopenhauer était Rossini. « J'admire et j'aime Mozart, dit-il, et .je visite tous les concerts dans lesquels on joue les symphonies de Beethoven mais quand on a beaucoup entendu la musique de Rossini, on est frappé de la lourdeur des autres compositions. »
Quand il parlait de Rossini, il levait pieusement les yeux vers le ciel.
« Rossini a passé quelques jours ici, ajouta-t-il, à l'hôtel Anglais. Il dînait à une table voisine de la mienne, mais je n'ai pas voulu faire sa connaissance. J'ai dit au maître d'hôtel : « II est impossible que ce soit là Rossini ; c'est quelque épais Français. »
Et cependant, Schopenhauer possédait toute la collection des opéras de Rossini, arrangés pour la flûte.
L'époque du carnaval était arrivée j'y avais assisté une première fois à Mayence. Je voulus y retourner. Je passai ma dernière soirée avec Schopenhauer, qui me dit en me quittant : « Continuez à charmer le monde avec votre musique. »
Je me lançai dans le tourbillon du carnaval. A l'un des bals donnés au théâtre, je fis la connaissance des sœurs Lehne, Marie, l'aînée, Lotte et Toni. Lotte avait quitté depuis peu son pensionnat de Worms. Ma vie de garçon était finie. Cette Lotte devint ma femme. Je m'épris d'elle si vivement que je me rendis immédiatement à Stuttgart, auprès de son père, pour demander sa main, qui me fut accordée. Notre mariage suivit de près nos fiançailles.
Durant un séjour que je fis à Munich, je me rendis un matin à la vieille Pinacothèque. J'y fis la rencontre de Wagner qui était accompagné d'Emile Ollivier de Paris, avec sa femme, la sœur de Cosima Liszt (Bülow). Wagner me présenta à Ollivier et lui parla longtemps de moi, dans son "vague saxon-français ", en lui faisant l'éloge de mes aptitudes philosophiques. Je dînai avec les voyageurs à la table de l'hôtel de Bavière. Après dîner, nous fîmes une promenade. Au retour, à l'hôtel, Wagner était fort gai, et se mit à faire des glissades sur le parquet ciré. Le correct Ollivier assistait avec stupeur à ce singulier exercice. Leur sympathie réciproque était assez faible. Wagner m'en chuchota quelques mots à. l'oreille. Mme Ollivier était précisément le contraire de sa sœur Cosima, même dans son apparence extérieure. Elle ressemblait d'une façon aussi frappante à sa mère la comtesse d'Agout, que Cosima ressemblait à son père Liszt. Comme nous visitions, au palais de l'Industrie, une collection de tableaux de peintres modernes, un jet d'eau violent vint nous frapper au visage. Wagner se détourna en faisant une mine comique. « Les chutes d,'eau, nous dit.il, me rappellent toujours la chute du Tannhäuser, à Paris. »
On donnait, au Théâtre du Roi, Robert le Diable ; Wagner me pria de l'y accompagner. Nous en écoutâmes un acte au parterre. Il y avait probablement bien des années qu'il n'avait pas entendu une note de Meyerbeer. La musique lui produisit une impression désagréable, et il m'en parla vivement. Le théâtre le surprit beaucoup et il lui trouva l'apparence d'un grand Opéra italien. En vrai Français qu'il était, Ollivier ne se faisait pas la moindre idée de Munich. Il me dit plusieurs fois, sur la place Grecque : « Quels admirables architectes vous avez ! Combien toutes ces constructions sont pleines de goût à côté de notre lourde église de la Madeleine. » II était temps de gagner le chemin de fer. Ollivier prenait le train de nuit pour Salzourg, d'où sa femme voulait se rendre aux eaux de Reichenhall. Wagner partait pour Vienne, où il espérait faire représenter Tristan. Je restai avec Wagner jusqu'au départ du train. Ce fut le dernier jour que je passai auprès de lui dans des relations cordiales, hèlas Je lui avais fait part de la mort de mon père, de mon mariage, de mon projet d'élire domicile à Munich. C'est de là que six mois après notre dissentiment devait se produire.
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J'ai souvent regretté amèrement de ne pouvoir rester l'ami de Wagner jusqu'à la fin de sa vie. Mais il ne pouvait en être autrement. Il est advenu pour moi ce qui était arrivé à beaucoup d'autres. Je ne pouvais échapper au sort que Karl Ritter m'avait prédit à Zurich. Peut-être, s'il avait eu plus tôt une Cosima à ses côtés. Aux jours de sa situation princière à Bayreuth, il était comme un monarque qui donne des fêtes et tient une cour. Mais je le connaissais comme peu d'hommes l'ont connu, et mieux que tout autre je l'avais compris. Je savais de quelles facultés créatrices il était doué, à la force de l'âge, lorsqu'il était déjà célèbre, mais non encore adoré. Il est bien peu d'hommes qui profitent de l'adoration dont ils sont l'objet. Wagner vint à Munich. Une cousine de ma femme, Mathilde Maier, entretint des relations étroites avec lui et avec Mme de Bülow. Mathilde habitait chez nous, Wagner lui rendait visite. De temps à autre, nous nous rencontrions, nous échangions des paroles amicales, mais l'intimité avait cessé d'exister entre nous. Il en à été ainsi pour la plupart de ceux qui ont eu des relations d'amitié avec lui. Je pourrais presque dire : aucune, encore, de ces amitiés, ne s'est terminée heureusement.
Robert de Hornstein.
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Et pour les lecteurs de ce blog qui savent l'allemand, voici ce que Eduard Hanslick, le critique viennois bien connu des wagnériens, écrit dans ses mémoires à propos de Robert von Hornstein et Richard Wagner :
„Mit dem eben erwähnten jungen Komponisten, Freiherrn Robert von Hornstein, war ich von Wien her bekannt, wo er eine recht graziöse Operette »Die Pagen von Versailles« ohne Erfolg zur Aufführung gebracht hatte. »Ich bin durchg’falle!« rief er lachend in seinem treuherzigen schwäbischen Dialekt, als er nach der Vorstellung in unser Gastzimmer eintrat, wo wir etwas verlegen seiner Ankunft entgegensahen. Er setzte sich gleich vergnügt zu Tische und zerpflückte ein Brathuhn mit allen zehn Fingern, wobei seine Äuglein in dem jungen breiten Sokratesgesicht schier verschwanden. Sein Äußeres und seine formlosen verwilderten Manieren ließen nicht leicht weder den Freiherrn noch den Mann von Geist erkennen. Er brachte mir einige Hefte melodiöser, frischer Lieder, die mich durch die jetzt so selten gewordene Eigenschaft der Naivität und natürlichen Sangbarkeit anmuteten. Warum konnte es Hornstein doch niemals zu einem rechten Erfolg bringen? Hat er zu wenig Talent oder zu viel Geld gehabt? Ich glaube letzteres. Hornstein war eine bequeme Natur und von Haus aus sehr wohlhabend. Er ließ bald die Flügel hängen und scheint in den letzten dreißig Jahren seines Lebens nichts mehr veröffentlicht zu haben. Sehr unterhaltend wußte er von seinem Umgang mit R. Wagner in Zürich zu erzählen. Als Wagner seines Aufenthalts bei Wesendonk in Zürich überdrüssig geworden, schrieb er an Hornstein, er wünsche auf dessen Landgut mit Muße an seinen »Nibelungen« zu arbeiten. Hornstein hatte nicht bloß, wie Gregorovius in Zürich, von Wagners »Heldentaten des Egoismus« erzählen hören, er kannte sie aus eigener Anschauung. Die Ehre, einen so kostspieligen und explosiven Gast zu beherbergen, mochte er seiner Familie doch nicht zufügen und entschuldigte sich in artigster Weise. Hierauf erwiderte ihm Wagner in einem kurzen, gereizten Brief, Hornstein werde es noch bitter bereuen, daß er diese Gelegenheit, durch Wagners Aufenthalt berühmt zu werden, sich habe entgehen lassen.“
Eduard Hanslick, Aus meinem Leben (1894), Fünftes Buch, Kapitel 4
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