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mardi 26 novembre 2019

Quand 'Wagner' rimait avec 'gagner' et se prononçait [vaɲe]...


Robert de Montesquiou, dans la section Gondoles de son recueil de poèmes Le parcours du rêve au souvenir *, publiait un poème sans titre commençant par le vers "Les luttes d'Amsterdam deviennent difficiles...", dont les deux dernières strophes s'intéressent au palais Vendramin-Calergi et rappellent que Richard Wagner y mourut.

Vendramin-Calergi, palais aux cent dix salles, 
Sans doute tu devais tes veilles colossales 
Au dernier battement du coeur de l'Emigré 
Qui, te l'abandonnant, t'en a tout consacré.

Avec tes huit pieux noirs écussonnés de rouge, 
Signifiais-tu donc, en Venise la gouge, 
Que la mort, dans tes murs, allait nous le gagner, 
Vendramin-Calergi, là que mourut Wagner ?

Remarquons l'étrangeté de la rime 'gagner / Wagner' qui oblige à prononcer le nom du compositeur en le francisant à la manière du mot français "vanier".  Cette manière de prononcer le patronyme de Wagner à la française n'est pas une invention de Montesquiou, puisqu'elle est attestée au moins dès juillet 1869 dans une lettre écrite par Villiers de l'Isle-Adam où ce dernier rapporte qu'alors qu'il séjournait à Lucerne en compagnie des époux Mendès et qu'ils y rencontraient Richard Wagner au quotidien. Villiers s'amusait à appeler Wagner "Vanier" [vaɲe] et racontait que cela faisait rire le compositeur-poète, grand amateur d'allitérations, faut-il le rappeler ?

Phonétiquement, le nom de Wagner est alors prononcé avec une consonne palatale voisée ɲ et une voyelle mi-fermée antérieure non arrondie e ... [vaɲe] en alphabet phonétique international.

Il semble évident que Villiers comme Montesquiou se sont amusés à ce jeu phonétique qui relève  du processus d'emprunt aux langues étrangères, un processus qui dans l'Hexagone s'accompagne quasi systématiquement d'une francisation de la prononciation

Mais à y bien réfléchir, comment prononçons-nous le nom de Wagner ? À l'allemande ? Avec l'accentuation de la première syllabe ? Ou avec une prononciation bâtarde germano-française avec l'accent porté sur la deuxième syllabe ? Ou encore à la parisienne où l'on entend parfois ouaghnèreu... 

Bon je sors....

* publié à Paris chez G. Richard en 1908.

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