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vendredi 23 août 2019

Berta Zuckerkandl-Szeps à Bayreuth en 1882


Dans ses Souvenirs d'un monde disparu, Berthe Szeps Zuckerkandl* évoque brièvement un séjour bayreuthois à l'été 1882. La jeune femme avait alors 18 ans.

Extraits des Souvenirs d'un monde disparu

[...] nous sommes invités à aller entendre Parsifal à Bayreuth. Richard Wagner est si reconnaissant à mon père [le journaliste Moritz Szeps] de l'avoir défendu dans le Tagblatt à une époque où tous les autres critiques l'attaquaient. Je sais à présent qui a servi de modèle pour Beckmesser dans les Maîtres chanteurs, c'est le critique musical de la Neue Freie Presse [Eduard Hanslick]. Pendant bien des années, il ne critiquait pas seulement Wagner, il se moquait de lui, exactement comme Beckmesser raille Walter Stolzing dans les Maîtres chanteurs.

Bayreuth. 21 juillet

L'atmosphère de Bayreuth vous en impose. Sophie et  moi nous retenons notre souffle et nous avons l'impression qu'il ne faut approcher que sur la pointe des pieds du temple sacré de la musique.

La représentation d'hier a été magnifique. Wagner et madame Cosima étaient dans leur loge. Le public s'est levé et incliné devant eux comme devant des Souverains. Une seule chose m'a beaucoup déplu, c'est qu'à l'entr'acte, les gens se sont jetés comme des bêtes sur des chapelets de saucisses et des tonneaux de bière.

 Bayreuth, 23 juillet.

Nous avons été invités à une  réception chez Wagner à Wahnfried, en l'honneur du prochain mariage de la fille du maître. Nous avons également pu aller à la cérémonie religieuse. Le père de la fiancée, debout près de l'autel, portait son légendaire court pardessus jeune et tenait à la main le chapeau auquel il a donné son nom. Il avait l'air très las. Près de lui se tenait Liszt, son beau-père, plein de vie, très droit malgré son âge. Je n'oublierai jamais la minute où je lui ai été présentée et où j'ai tenu dans la mienne son admirable main, longue et nerveuse qui a joué et composé tant de chef-d'œuvres.

Wagner m'a parlé de mon père, disant combien il lui était reconnaissant du dévouement avec lequel il l'avait défendu « à l'époque, ajouta-t-il, où j'avais presque tout le monde contre moi ».

* Berthe Szeps Zuckerkandl (Vienne, 1864 – Paris, 1945). Femme de lettres et journaliste. Épouse de l’anatomiste Emil Szeps. Émigre en 1938 à Paris, puis en 1940 à Alger. 

Souvenirs d’un monde disparu. Autriche 1878-1938 (Ich erlebte fünfzig Jahre Weltgeschichte, Stockholm Bermann-Fischer Verlag, 1939), autobiographie, traduit de l’allemand par Maurice Rémon. [Paris], Éditions Calmann-Lévy, « Nouvelle collection historique », 1939, 256 pages, illus., épuisé.










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