Madame Decours s'était jusque ici taillé une flatteuse réputation grâce notamment à un prix de la Biographie de l’Académie française. Mais voilà qu'avec sa biographie du roi de Bavière elle vient de ternir fâcheusement l'éclat de son étoile montante. Le titre, qui fait dans la retape par hameçonnage réducteur sur le thème de la folie, donne le programme.
Catherine Decours fait elle-même l'aveu de son manque de connaissance suffisante de la langue de Schiller et de Goethe puisque elle remercie « ceux qui ont mis à sa disposition leur connaissance de la langue et de la culture allemande » ce que confirme par ailleurs par défaut sa bibliographie qui cite essentiellement des ouvrages francophones consacrés au roi. Dans cette bibliographie, on trouve également la mention du livre que Françoise Giroud commit sur Cosima Wagner, un livre écrit à la hâte et qui n'est qu'un ramassis d'erreurs impardonnables. A propos d'erreurs impardonnables, Catherine Decours fait naître Richard Wagner à Dresde ... alors qu'il est né à Leipzig. La question se pose aussitôt de savoir comment il se peut que le comité de lecture de Fayard, un éditeur dit sérieux, ait laissé passé une telle bourde. Le journal de Louis II n'est cité que par l’intermédiaire de la traduction très édulcorée des deux seuls volumes existant en français. Quant à la bibliographie wagnérienne, elle est réduite à sa portion congrue.
Catherine Decours emprunte, - au moins le fait-elle en les citant -, de nombreuses idées à des auteurs bien connus des spécialistes de Louis II de Bavière, mais, outre le fait qu'il s'agit là de resucées, elle réalise ses emprunts sans approche critique. Ainsi se réclame-t-elle beaucoup de l'ouvrage de Paul Rauchs et de celui de Jean Adès, grand pourfendeur de l'anti-psychiatrie, qui a toujours penché pour la maladie mentale de Louis II. Elle s'appuie aussi régulièrement sur les ouvrages de Marianne Wörvag-Parisot, une auteure idolâtre du roi qui passe tout au souverain sans discernement aucun et de plus avec de larges oeillères, et d'Élisabeth Fontaine-Bachelier, toutes deux réfractaires à l'homosexualité de Louis II. Les emprunts à l'éminent chercheur wagnérien Martin Gregor-Dellin, fort nombreux, sont de meilleur aloi.
Ensuite, quant à la mort du roi, Catherine Decours fait abondamment recours aux documents officiels dont on sait pourtant bien qu'ils ne sont que l'oeuvre du parti du régent Luitpold et de ses protégés, des documents ( expertise psychiatrique, compte rendu d'autopsie, jusqu'au journal intime -falsifié et réécrit- elle le reconnaît ) passés par le filtre du parti en place après la mort du roi, et qui ne peuvent donc pas être utilisés comme preuves objectives de quoi que ce soit concernant ce qui s'est réellement passé le 13 juin 1886. Les meilleurs historiens allemands qui ont fouillé et pesé toutes les sources disponibles ne sont quant à eux jamais arrivés à des conclusions définitives.
A la lecture de ce livre biaisé, basé uniquement sur des sources secondaires pas toujours des plus heureuses, les connaisseurs n'apprendront rien de neuf, sinon à se méfier dorénavant des publications de Fayard. Pour les autres, s'ils ne lisent pas l'allemand, mieux vaut passer d'agréables heures à lire les biographies de Jacques Bainville, Guy de Pourtalès, Jean des Cars ou les notes de Ferdinand Bac ou de se délecter du Roi vierge, le roman à clé de Catulle Mendès. Pour les deux premiers et le dernier cité, cela se trouve même en lecture gratuite sur le site Gallica de la Bibliothèque nationale de France et sur d'autres serveurs.
Nous ne pouvons conseiller cet ouvrage à l'achat.
Sources : mon post s'appuie notamment sur les commentaires critiques de connaisseurs wagnériens et ludwighiens sérieux qui se reconnaîtront dans les phrases que je leur ai empruntées sans les citer par leurs noms de famille pour des raisons qu'ils comprendront. Merci à Pascale, Pascal et Loïc !
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