Ce petit pamphlet malicieux signé par le Dr Cuniculus est attribué au compositeur français Charles Lecocq (1832-1918). D'autres prétendent que c'est à Nuitter (Charles Truinet) que revient la paternité de l'opuscule.
Des maladies wagnériennes
Le mal wagnérien ou mal allemand (malus germanicus) a pris naissance en Allemagne [...]. D'abord stationnaire en ce pays, il n'a pas tardé à se répandre au dehors, et, à l'heure actuelle, le monde entier est menacé de ses ravages. Notre belle France n'a pas été épargnée, hélas, et le terrible fléau fait chaque jour, parmi nous, de nouvelles et nombreuses victimes.
On sait que les maladies wagnériennes ont pour cause l'usage abusif de la liqueur toxique inventée par R. Wagner, et connue vulgairement sous le nom de Wagnériane. Cependant, ce stupéfiant n'a pas toujours présenté les mêmes dangers qu'aujourd'hui, car ce n'est qu'après de longs tâtonnements et des expériences répétées que son inventeur est parvenu à lui donner ce degré de puissance extraordinaire dont les résultats sont si pernicieux et si redoutables. Il est certain que les premiers flacons de Wagnériane importés en France, sous les étiquettes Tannhauser et Lohengrin, étaient relativement inoffensifs et que l'on pouvait, sans grand risque, en faire une consommation journalière. Mais bientôt après, sont venus successivement l'élixir tétralogique, les capsules opiacés de Tristan, et enfin, le plus terrible de tous ces poisons, la Parsifaline, dont quelques gouttes suffisent parfois pour détraquer les cerveaux les mieux équilibrés.
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Les adultes et les vieillards des deux sexes sont seuls sujets aux maladies wagnériennes, et l'on n'a pas encore signalé tin seul cas de Wagnérie infantile. On a fait la remarque que les sourds en sont également garantis, ce qui donne à penser que l'oblitération du conduit auditif est le meilleur des préservatifs. Les personnes craintives et qui veulent à tout prix échapper aux atteintes du mal, doivent donc avoir recours à la surdité complète, qu'elles peuvent obtenir au moyen d'une opération chirurgicale des plus simples.
Les maladies wagnériennes se divisent en Wagnériole, Wagnéromanie, Wagnéralgie et Wagnérite.
La Wagnériole n'est le plus ordinairement qu'une indisposition légère qui disparaît facilement lorsqu'elle est prise à temps.
Celui qui écrit ces lignes a eu, il y a quelques années, une attaque de Wagnériole, heureusement asseçzbénigne ; un simple emplâtre au baume de Mozart, appliqué sur l'estomac, a suffi pour chasser le mal qui n'a jamais reparu depuis.
La Wagnéromanie est, en général, peu dangereuse ; les Wagnéromanes sont de moeurs douces et portés à la mélancolie. Mais rien d'anormal n'apparaît dans leur manière d'être, et aucun trouble ne se manifeste dans leurs fonctions. Néanmoins, il faut éviter de les contrarier dans leurs convictions, sans quoi leur cas peut s'aggraver et tourner à la Wagnéralgie.
La Wagnéralgie est presque toujours chronique et ses accès, dont la fréquence augmente avec le temps, sont parfois d'une violence extrême. Les calmants les plus efficaces sont les bains de sons consonants, le sirop d'accords parfaits, et l'eau pure de mélodie prise en lavements. On peut y ajouter des compresses d'eau de Godard sur les tempes, et des cataplasmes émollients de farine de Massenet sur l'abdomen. Lorsque le malade est à peu près rétabli, on le met au régime du macaroni Rossini, des pâtes Meyerbeer, et surtout de la délicieuse revalescière Gounod, dont l'effet est infaillible. Un verre de vin mousseux d'Auber après chaque repas lui redonne de la bonne humeur. Dans les cas graves, nous conseillons les frictions au baume de Bach et de Haëndel. Il est quelquefois nécessaire de faire quelques piqûres sous-cutanées avec le chlorate d'Offenbach. Si l'on parvient, par ce dernier moyen, à provoquer le rire, le malade est sauvé.
L'analyse chimique de la Wagnériane donne du bicarbonate de leit-motiv, de l'acétate de dissonance, des parcelles infinitésimales de mélodie, une forte dose d'huile essentielled'ennui, et une substance épaisse, trouble et indigeste que nous croyons être la poesis germanica.
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Le dépôt général de la Wagnériane est à Bayreuth, et les amateurs affirment même que c'est là seulement qu'on peut en ressentir tous les effets ; car il est reconnu que ce produit perd une partie de ses qualités en voyageant. Aussi est-on forcé, en France, pour en faciliter la consommation, de substituer à la poesis germanica l'affreuse teinture de Wilder, dont le goût est si détestable. Nous avons pu constater chez plusieurs malades, retour de Bayreuth, l'hébétude du regard, le trouble dans les idées et la démarche chancelante particulière aux intoxiqués ; nous en avons conclu que la plupart des cas de Wagnérite aiguë proviennent d'un séjour trop prolongé dans la ville allemande, pendant les grandes chaleurs.
On voit, par ce qui précède, à quel point la santé publique est compromise, aussi venons-nous de demander, en haut lieu, l'autorisation d'ouvrir une souscription publique, dont l'objet est la création, à Paris, d'un hospice des Wagnériens.
Nous osons espérer que le gouvernement,, et le public voudront bien nous venir en aidé dans l'accomplissement de notre oeuvre philanthropique et humanitaire.
DOCTEUR CUNICULUS.
Bonjour. J'ai un exemplaire de ce pamphlet signé du Dr Cuniculus A Mr Paul Jolivet. Pensez-vous que cela pourrait identifier son auteur ? Bien cordialement; Jérôme
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RépondreSupprimerMerci de votre message. Si vous m'envoyez des photos de la couverture et de la dédicace, je puis l'ajouter au post. Merci.
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