Jacques Bainville |
Le 8 novembre 1935, le Journal des débats politiques et littéraires rendait compte de la réception de Jacques Bainville à L'Académie française. Le quotidien parisien reproduisit l'entièreté du discours du nouvel académicien, puis la réponse de l'auteur dramatique et poète Maurice Donnay, de laquelle nous avons extrait le commentaire sur le Louis II de Bainville que fit cet académicien:
[... ] Dès la sortie du lycée, vous aviez un caractère marqué, une personnalité. Vous aimiez la littérature, vous lisiez beaucoup, vous dévoriez. Maurice Barrès avait publié ses premiers romans. Comme beaucoup de jeunes gens de votre génération, vous étiez attiré par cet écrivain singulier, par cet artiste incomparable; vous étiez séduit par ce mélange d'idéologie et de dandysme qui donne une si inquiétante saveur à ses premiers ouvrages. Vous aviez lu L'Ennemi des lois dont Maurice Barrès disait lui-même, dans un avertissement provisoire: "Ce petit livre d'une sécheresse et d'une difficulté dont je souffre plus qu'aucun lecteur." Vous aviez lu et vous n'aviez pas souffert, vous étiez resté sous le charme et dans l'enchantement. A travers le voyage idéologique que fait Anfaire un voyage aux châteaux de Louis II, la figure "du jeune Bavarois doux et grave, avec son beau regard de rêve, son expression amoureuse du silence et cet ensemble idéal d'étudiant assidu aux séances de musique", cette figure vous avait sollicité de la peindre à votre tour et, libre, à vingt ans, loin des collèges et des Sorbonnes, vous étiez allé faire un voyage, aux châteaux de Louis II. C'est à la suite de ce voyage que vous avez écrit l'histoire de ce roi vierge, idéaliste et wagnérien. Votre premier livre dans lequel vous n'essayiez pas de cacher ce que le principe de succession peut faire monter sur le trône de ses pères un roi sinon complètement fou, tout au moins original, fantasque, bizarre, un tel livre n'était pas précisément un plaidoyer en faveur de la royauté. Mais qu'importe! Quand le livre parut, M. Charles Maurras portait ce jugement sur l'auteur: "Il a fait à vingt ans et du premier coup ce qui réussit difficilement à quarante ans, moyennant beaucoup de talent et de peine, un solide livre d'histoire". A vingt ans, à l'âge où tant d'autres cherchent, tâtonnent, hésitent, balancent, vous aviez trouvé votre voie. Trait de précocité encore! Un seul détail, tout petit, pouvait faire penser à un lecteur subtil et assez âgé que l'auteur n'avait que vingt ans c'est lorsque vous écrivez ces lignes : "Déjà la quarantaine commençait d'alourdir ce prince charmant. mais l'éclat de ses yeux continuait à animer cette face blême encadrée de cheveux restés très noirs." Restés noirs, à quarante ans! Sujet d'étonnement. Ah! jeunesse, jeunesse pour laquelle la quarantaine est le seuil de la sénilité!
Au cours de ce voyage, en même temps que vous preniez des notes pour votre Louis II, vous aviez rassemblé les composantes de vos convictions prochaines et de vos doctrines, et le jeune homme de vingt ans cultivé et patriote, capable d'écrire un solide livre d'histoire à propos d'un fragile roi de Bavière, était bien capable aussi de juger ce qui se passait dans son propre pays. [...]
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