Introduction
"La phrénologie est la théorie du neurologue autrichien Franz Joseph Gall (1757-1828) concernant la localisation différenciée des fonctions cérébrales dans le cerveau. Il l'énonça dans son ouvrage majeur, par ailleurs novateur sur la notion de cérébralité animale, publié à partir de 1810 à Paris : Anatomie et physiologie du système nerveux en général, et du cerveau en particulier, avec des observations sur la possibilité de reconnaître plusieurs dispositions intellectuelles et morales de l'homme et des animaux par la configuration de leur tête.
Cette théorie localise les fonctions cérébrales dans des régions précises du cerveau. Or le développement du cerveau influe sur la forme du crâne. Une capacité particulièrement développée (gaieté, causalité, bienveillance, etc.) inscrirait donc sa trace sur la « carte » qui apparaît sur le crâne phrénologique de Gall." (Extrait de l'article Phrénologie sur Wikipedia)
La phrénologie, disqualifiée, disparut du paysage scientifique français dés la fin de la première moitié du 19ème siècle.
Gustave Flaubert se moque de la phrénologie dans son roman Bouvard et Pécuchet (inachevé, publication posthume en 1881). Ce roman, "encyclopédie de la bêtise humaine", narre les aventures de deux amis qui passent le temps de leur retraite fortunée à explorer avec zèle tout le champ des savoirs humains. C'est ainsi qu'ils découvrent successivement l'agronomie, la chimie, l'anatomie, la physiologie, la médecine, l'hygiène, la géologie et les fossiles. Au chapitre X, ils abordent la phrénologie:
" [...] Un matin que Bouvard et Pécuchet commençaient leur manœuvre, le curé tout à coup parut et, voyant ce qu’ils faisaient, accusa la phrénologie de pousser au matérialisme et au fatalisme.
Le voleur, l’assassin, l’adultère, n’ont plus qu’à rejeter leurs crimes sur la faute de leurs bosses.
Bouvard objecta que l’organe prédispose à l’action sans pourtant y contraindre. De ce qu’un homme a le germe d’un vice, rien ne prouve qu’il sera vicieux.
— Du reste, j’admire les orthodoxes ; ils soutiennent les idées innées et repoussent les penchants. Quelle contradiction !
Mais la phrénologie, suivant M. Jeufroy, niait l’omnipotence divine, et il était malséant de la pratiquer à l’ombre du saint-lieu, en face même de l’autel.
— Retirez-vous, non ! retirez-vous !
Ils s’établirent chez Ganot, le coiffeur. Pour vaincre toute hésitation, Bouvard et Pécuchet allaient jusqu’à régaler les parents d’une barbe ou d’une frisure.
Le docteur, un après-midi, vint s’y faire couper les cheveux. En s’asseyant dans le fauteuil, il aperçut, reflétés par la glace, les deux phrénologues qui promenaient leurs doigts sur des caboches d’enfant.
— Vous en êtes à ces bêtises-là ? dit-il.
— Pourquoi, bêtise ?
Vaucorbeil eut un sourire méprisant ; puis affirma qu’il n’y avait point dans le cerveau plusieurs organes. [...] "
Aux Etats-Unis, la phrénologie connut à ses débuts le même succès qu 'en Europe. D'éminentes sociétés phrénologiques se constituèrent et des journaux furent consacrés à la nouvelle science. Ainsi de l'American Phrenological Journal and Miscellany (Philadelphia, 1838 à 1850). A partir de 1851, ce journal devint l'American Phrenological Journal and Repository of Science, Literature and General Intelligence, publié à New York, qui fusionna en 1861 avec Life Illustrated, pour devenir l'American Phrenological Journal and Life Illustrated, qui fut publié jusqu'en 1869, toujours à New York.
Le voleur, l’assassin, l’adultère, n’ont plus qu’à rejeter leurs crimes sur la faute de leurs bosses.
Bouvard objecta que l’organe prédispose à l’action sans pourtant y contraindre. De ce qu’un homme a le germe d’un vice, rien ne prouve qu’il sera vicieux.
— Du reste, j’admire les orthodoxes ; ils soutiennent les idées innées et repoussent les penchants. Quelle contradiction !
Mais la phrénologie, suivant M. Jeufroy, niait l’omnipotence divine, et il était malséant de la pratiquer à l’ombre du saint-lieu, en face même de l’autel.
— Retirez-vous, non ! retirez-vous !
Ils s’établirent chez Ganot, le coiffeur. Pour vaincre toute hésitation, Bouvard et Pécuchet allaient jusqu’à régaler les parents d’une barbe ou d’une frisure.
Le docteur, un après-midi, vint s’y faire couper les cheveux. En s’asseyant dans le fauteuil, il aperçut, reflétés par la glace, les deux phrénologues qui promenaient leurs doigts sur des caboches d’enfant.
— Vous en êtes à ces bêtises-là ? dit-il.
— Pourquoi, bêtise ?
Vaucorbeil eut un sourire méprisant ; puis affirma qu’il n’y avait point dans le cerveau plusieurs organes. [...] "
Aux Etats-Unis, la phrénologie connut à ses débuts le même succès qu 'en Europe. D'éminentes sociétés phrénologiques se constituèrent et des journaux furent consacrés à la nouvelle science. Ainsi de l'American Phrenological Journal and Miscellany (Philadelphia, 1838 à 1850). A partir de 1851, ce journal devint l'American Phrenological Journal and Repository of Science, Literature and General Intelligence, publié à New York, qui fusionna en 1861 avec Life Illustrated, pour devenir l'American Phrenological Journal and Life Illustrated, qui fut publié jusqu'en 1869, toujours à New York.
Un article sur le roi Louis II au regard de la phrénologie
Dans son numéro d'août 1868, l'American Phrenological Journal and Life Illustrated, le journal s'intéresse aux bosses de la boîte crânienne de toute une série de personnalités à lui contemporaines, dont le roi Louis II de Bavière, Garibaldi, Bismarck ou Napoléon III , dans un article intitulé Foreign celebrities (p. 63 et suivantes). Voici, dans l'original anglais, l'analyse du crâne de Louis II (l'analyse phrénologique occupe le troisième paragraphe, que nous mettons en gras):
"LUDWIG II.
Ludwig II., Otto Friederich Wilhelm, the young king of Bavaria, was born at Nymphenburg on the 25th of August, 1845, and succeeded his father, Maximilian II., on the 10th of March, 1864. His mother was Queen Friederike Franzisca Auguste Maria Hedwig (born 15th October, 1825), the daughter of Prince William of Prussia. The grandfather of our subject, Ludwig I., lately deceased, did more for Bavaria than any preceding ruler. He was passionately fond of art, and cultivated it at an enormous expense. The Painting Academy, the School of Sculpture, and the Architectural Academy of Munich, all owe their existence to him. At the late Paris Exposition [1867], Bavaria had a large building entirely to herself in the grounds of the Exposition, where she exhibited a magnificent collection of paintings—in fact, one of the best in the whole series. It is from this progenitor that the young king appears to inherit his extraordinary love of the ideal and the beautiful. He has had as yet but little opportunity to show his practical ability as a ruler; but it is said that his passion for music is so strong that in its pursuit he neglects the most important affairs of state. His subjects number nearly five millions, three millions and a half of whom are Catholics, a million and a third Protestants, sixty thousand Jews, and the rest of various denominations. The greater portion of these are descended from three original Germanic tribes, the Boiodrians or Bavarians, the Francs, and the Swabians. Of these, the Bavarians, though least gifted, are the stimulators of the country’s industry. The young king has many improvements to make ere his country can be called perfect. The system of education is far from good; beggary and intemperance are very common; the children of illegitimacy number a third of the whole births, and in the city of Munich reaches one half.
In 1732 there was a large emigration of the Bavarian Protestant element to America, where they settled in the Carolinas, in Georgia, and Virginia. Bavaria was the southern most stronghold of Protestantism at the time of the Reformation. Many of the great battles of the Thirty Years’ War raged in this part of Bavaria, as those of Augsburg, 1631, Furth, 1632. Bavaria has produced many eminent men. The Franconian school of painters produced men of the rank of Albert Durer, Lucas Cranach, and Holbein, and many others equally celebrated.
The king of Bavaria has a strongly developed head in its upper portion; it is somewhat stronger than the lower. The king is more subjective than objective; he thinks more than he observes. But above all, his_Ideality denotes an unusual development. The sense for the ideal is the leading feature in the king‘s whole character, and it will remain through his whole life. The king will ‘feel happy in his fancy for what is good, honorable, and beautiful; doubly happy as a prince, because he can do so much toward the fulfillment of his ideals; and unhappy if he can not, in comparison with his wishes and hopes, obtain their fulfillment. He will never condescend to the bad, the low, and the vulgar, but will always battle against them. He will belong to the few mortals who remain young even down to old age."
Si, dès la fin de la première moitié du 19ème siècle, plus personne en France ne prend plus au sérieux la phrénologie, scientifiquement disqualifiée, cette petite analyse de la boîte crânienne de Louis II n'en reste pas moins amusante parce qu'elle paraît pertinente à première vue. Mais en 1868, ces caractéristiques psychologiques du roi étaient déjà bien connues, il suffisait aux phrénologues de les rapporter au vocabulaire établi de leur pseudo-science.
18 ans plus tard, en Allemagne, des médecins firent l'autopsie de Louis II et s'intéressèrent à nouveau à sa boîte crânienne et à son cerveau pour y chercher les traces de la folie dans des circonstances beaucoup moins élégantes et beaucoup plus tristes. Avant le décès du roi, quatre médecins avaient diagnostiqué la folie du roi sans l'examiner, un autre épisode, extrêmement sinistre, de la pseudo-science.
The king of Bavaria has a strongly developed head in its upper portion; it is somewhat stronger than the lower. The king is more subjective than objective; he thinks more than he observes. But above all, his_Ideality denotes an unusual development. The sense for the ideal is the leading feature in the king‘s whole character, and it will remain through his whole life. The king will ‘feel happy in his fancy for what is good, honorable, and beautiful; doubly happy as a prince, because he can do so much toward the fulfillment of his ideals; and unhappy if he can not, in comparison with his wishes and hopes, obtain their fulfillment. He will never condescend to the bad, the low, and the vulgar, but will always battle against them. He will belong to the few mortals who remain young even down to old age."
Si, dès la fin de la première moitié du 19ème siècle, plus personne en France ne prend plus au sérieux la phrénologie, scientifiquement disqualifiée, cette petite analyse de la boîte crânienne de Louis II n'en reste pas moins amusante parce qu'elle paraît pertinente à première vue. Mais en 1868, ces caractéristiques psychologiques du roi étaient déjà bien connues, il suffisait aux phrénologues de les rapporter au vocabulaire établi de leur pseudo-science.
18 ans plus tard, en Allemagne, des médecins firent l'autopsie de Louis II et s'intéressèrent à nouveau à sa boîte crânienne et à son cerveau pour y chercher les traces de la folie dans des circonstances beaucoup moins élégantes et beaucoup plus tristes. Avant le décès du roi, quatre médecins avaient diagnostiqué la folie du roi sans l'examiner, un autre épisode, extrêmement sinistre, de la pseudo-science.
American Phrenological Journal and Life Illustrated, page 64. |
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