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mardi 28 novembre 2017

Théâtre: " Louis de Bavière" de Loïs Cendré , la critique de Comoedia (2)

J'avais déjà évoqué cette pièce datant de 1914 en reproduisant une critique du journal La Presse dans un post précédent. Je découvre à présent un  article passionnant la concernant, publié par le journal Comoedia du 23 juin 1914, qui donne également la distribution complète de la pièce. Je reste sur ma faim car je n'ai à ce jour découvert ni le texte de la pièce ni l'affiche, pas plus que des photos des répétitions ou de la représentation, et cela d'autant plus que les journalistes de Comoedia font rêver...

Cette caricature de Georges Prieur ,
dessin de Paul Charles Delaroche réalisé 
pour  une  autre pièce,
nous donne  une idée de son profil
(Source Gallica, BnF)

Distribution


AUJOURD'HUI Au THÉÂTRE MALAKOFF, à 8 h., sous les auspices de la revue Le Double Bouquet, première représentation de Louis de Bavière, drame en trois actes, de M. Loïs Cendré :

Mlles Roseray, La Dame aux Lys; Rosay, Louisa Schefsky; Jeanne Quéret, Mlle Anna; Verneuil, Hilda; Henriette Namet, La vieille nourrice;

MM. Georges Prieur, Louis de Bavière; Jean Froment, Werner; 
José Savoy, Wagner; Perdou, Le prince de Tour-et-Taxis; Krimer, Rias; Blancard, Le comte Holnstein; Lacressionère, L'aide de camp; Adet, Fritz; Waldo, Heinz; Landier, Ewald; Novy, Adalbert; René Dagnel, Willhelm; Luxeuil. Hermann; G.. Totiliet, De Pflistemeister.

Partie musicale de M. Jean Salland.

***


AU THÉÂTRE MALAKOFF,
'Louis de Bavière"
Pièce en trois actes de M. Lois Cendré


L'existence mystérieuse et fantasque de Louis II, roi de Bavière, devait tenter un dramaturge. M. Loïs  Cendré s'en est ingénieusement inspiré pour constrtuire une oeuvre poétique aux idées généreuses encore qu'un peu confuses. 

En trois actes, d'une écriture d'un lyrisme imprécis et précieux, mais où parfois une scène d'une grandeur réelle se dégage de l'ombre volontaire des images, l'auteur nous a présenté un Louis II qui est à la fois un personnage byronien et un héros de Villiers de l'Isle-Adam.

Vous pensez bien que M. Loïs Cendré s'est attaché à démontrer que la folie du souverain de Bavière n'était qu'apparente et que seul le vulgaire pouvait s'y tromper. Le parfait dilettantisme conduit à l'isolement et à la comtemplation intérieure. Louis II, un des plus parfaits amateurs d'art qui aient existé, le fidèle et le fervent wagnérien, le créateur de Bayreuth., s'efforçait de fuir la vie matérielle et se réfugiait dans la plus mystique tour d'ivoire. L'idéal est un noble asile, mais il est interdit. hélai! à ceux qui ont reçu pour mission de diriger les hommes. Louis II, ne s'intéressant qu'à ses sensations profondes, devient malgré lui une manière d'égoïste monstrueux.

Rien ne ressemble autant au dédain que l'orgueil d'un isolé. Or, le Louis II de M. Loïs Cendré est paré de toutes les grâces humaines. Il est beau, il est séduisant, il est magnifique. Les femmes de son royaume en sont éprises. Elles voudraient remplacer et matérialiser ce Rêve inaccessible que le prince poursuit avec une extase d'illuminé. La grande cantatrice qui sait l'émouvoir par le divin chant wagnérien croit soudain qu'elle symbolise à ses yeux l'Elsa rayonnante vers laquelle le cygne conduisit Lohengrin. Elle tente d'effleurer, les lèvres du rêveur qui, ramené sur terre par ce geste, regarde avec  épouvante cette femme qu'il n'avait pas vue, captivé par la seule magie d'une Voix. Un tel être, préoccupé uniquement des immenses problèmes religieux qui régissent l'univers, devient vite néfaste à ceux qui l'entourent. Richard Wagner sent que son génîe qui a besoin d'air libre et de lumière s'enlise doucement dans cette atmosphère dormante. Il s'évade, après une entrevue qui n'est pas sans noblesse et au cours de laquelle M. José Savoy fut très remarquable. 

Enfin le Prince croit que 1'amour a touché son cœur. Une dame qui cultive les lys lui fait porter chaque jour des fleurs symboliques. Et le. souverain s'exalte à la pensée que cette amante inconnue doit avoir le visage même de son destin. Il veut la rencontrer et lui demande un entretien qu'elle refuse, sachant que la réalité risquerait de détruire le beau rêve unique qu'ils vivent loin de l'autre. Et le Prince se désole, et découvre enfin la douleur humaine. Il n'a, pas d'amis véritables: « Il y a, soupire-t-il, des lèvres assez ardentes pour l'amour, maiS. pas un cœur assez pur pour l'amitié ». Tout cela, vous le devinez, doit finir très mal., Le Prince s'aperçoit-il avec désespoir que les visions qui l'entourent ne sont pas nées de lui, mais des maîtres qu'il admire, sent-il l'affreuse angoisse de ne pouvoir rien créer, ni une image, ni son propre bonher?. Vous savez, en tous cas, que la folie d'Hamlet envahit son cerveau et qu'il va chercher le dernier refuge dans la mort.

Les sylphes du lac de Starnberg avaient fait dire au roi de Bavière: « Tu te promènes trop avec les paons ! » Et le prince sut anéantir dans les eaux du lac mystérieux son orgueil et ses rêves. 

Assurément ces trois actes contiennent nombre de maladresses, mais le dialogue est d'une langue harmonieuse et délicate. M. Lois Cendré est un très jeune homme, et cela se voit. Devons-nous lui en faire grief? Peut-être perdra-t-il trop tôt cette confiance qui lui a permis de tenter de donner, tout de go, une suite à Morgane ou à Axël, en ne retenant que ce qui doit élever l'homme au-dessus de lui-même Le rôle de Louis de Bavière était fort difficile. M. Georges Prieur s'en est tiré avec bonheui — et il faut louer son effort. M. Jean Froment est un excellent Werner.

Mlle Roseray est charmante dans les apparitions de la dame hiératique éprise des lys. Mlle Rosay joue aimablement et chante avec confiance, d'une voix qui ravit le seul prince Ludwig. (Après avoir entendu cela, on comprend qu'il se soit tué). Mlle Jeanne Guéret est parfaite dans le rôle de Mlle Anna, et Mlles Verneuil et Namet sont agréables. 

Je m'en voudrais de ne pas complimenter MM. Perdoux. Krimer, Blancard, Lacressonnière, Adet, Waldo, Landier, Novy, René Dagnel, Luxeuil et Totiliet qui tinrent consciencieusement les rôles secondaires, - et la revue, le Double  Bouquet, qui nous révéla rle jeune talent de Loïs Cendré .

Georges CASELLA

La mise en scène et les décors


Le défaut du décor trop simplifié est qu'il exige une lumière restreinte pour ne pas, souligner certaines invraisemblances. C'est donc dans un demi-jour propice au rêve et qui prête aux objets comme aux personnages des contours imprécis que se jouent les trois actes de Louis de Bavière.

Le premier tableau est en plein air, une forêt indiquée par une toile de fond et par des arbustes. véritables habilement disposés sur le plateàu. Au second tableau la toile seule est changée: elle représente un lac nocturne et des lys ont été ajoutés aux arbustes. 

Le troisième tableau nous conduit dans le parc de Louis de Bavière; un nouveau lac dort paisible et pur parmi les arbres. Une fontaine et un banc de pierre ornent le premier plan.

Le quatrième tableau représente, une salle du palais du roi qui n'est pas sans analogie avec l'intérieur de Coûfontaine admiré dans L'Otage : draperies bleues, murs gothiques de chêne massif. Le rideau légèrement relevé figure une fenêtre par où pénétrera un rayon lunaire dont Louis sera auréolé!

Et cette simplicité de bon aloi n'est pas déplaisante.

Louis SCHNEIDER.

La Matinée


M. Loïs Cendré,, l'auteur de Louis de Bavière,  est un très jeune homme. Si j'en crois son apparence; vingt à vingt-deux printemps ont passé sur son front que casque une savante coiffure où l'enroulement doré de ses cheveux donne l'impression d'une chose longuement méditée.

M. Loïs Cendré a le visage complètement rasé et ce visage rappelle un peu celui de M. Maurice Rostand.

Les tourterelles ont arraché leurs plumes les plus ineffablement grises pour en tisser le complet où se cambre la taille du jeune auteur ; un œillet, que dis-je... deux œillets de taille respectable, l'un blanc et l'autre rose, marient leurs pétales et fleurissent sa boutonnière, comme à la fin d'un cotillon. Très attentif, M. Loïs Cendré suit le feu des acteurs clamant sur scène leur amour pour les lys, et, pour mieux voir leurs jeux de physionomie, l'auteur de Louis de Bavière braque au-dessus de son nez légèrement busqué, devant ses yeux aigus, un joli face-à-main d'écalile. Pendant les entr'actes M. Loïs Cendré tient cour dans une loge, et sa voix est plus menue et plus douce que celle même des admiratrices qui le viennent féliciter.

C'est très gentil les gens qui ne sortent qu'à l'aurore ou bien au clair de lune, mais pendant  les trois actes où la lumière est, sur scène, très poétiquement douce, encore qu'un peu monotone, c'est fort peu commode pour distinger leurs visages. Alors, lorsqu'on va faire son petit tour de coulys. pardon de coulisses (c'est ce diable de lys symbolique et candide chanté par M. Loïs Cendré qui me hante) on risque fort de confondre, faute d'avoir vu leur figure, Mlle Jeanne Guéret avec M. Prieur, M. Jean Froment avec Mlle Roseray et Mlle Rosay avec M. Savoy. J'exagère peut-être un peu, mais guère, je vous assure.

Mon âme est devenue blanche.., lunaire et éthérée, et j'en rends grâce à Louis de Bavière, cause de cette transformation.

Je gage que, comme moi, notre soubrette classique, j'ai nommé Rachel Boyer, que notre Pétrone André de Fouquières, que la belle Trouhanowa, la séduisante Isa Linska, que MM. Rondel et Maurice Manuel et tous les chers confrères répandus dans la salle du Théâtre Malakoff ne rêvaient plus que de lacs limpides mais trop attirants, d'elfes et de sylphes immatériels et de cygnes immaculés. Ne vous étonnez donc pas si j'arrête ici ma prose. Je souffre à la pensée de souiller d'encre noire la blancheur d'une feuille de papier.

PIERRE LE VASSOR.

Source du texte


Texte retranscrit de Gallica (BnF)

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