Dans La Presse du 24 juin 1914, je trouve cette critique de la pièce Louis de Bavière de Loïs Cendré, une oeuvre théâtrale qui m'était jusqu'ici inconnue et qui, à moins de mettre la main sur le livret, risque bien de le rester:
"La "Presse" et le Théâtre
Théâtre Malakoff. Louis de Bavière, pièce en 3 actes, de M. Loïs Cendré.
Je ne suis pas très fixé sur ce qu'est le Double Bouquet, sous les auspices duquel le théâtre Malakoff nous donnait, hier, la première représentation d'une pièce inédite d'un jeune auteur, M. Loïs Cendré.
Je suppose que c'est une de ces petites sociétés d'encouragement à l'art dramatique qui fleurissent de tous côtés, nous promettant de belles moissons de dramaturges et, de vaudevillistes. Pourvu que l'orage ne passe pas là-dessus et que le bon grain ne soit pas trop mélangé d'ivraie La récolte, cette année, ne fut pas assez brillante, en vérité, pour que nous n'espérions point dans les jeunes.
L'existence. un peu mystérieuse du roi Louis II de Bavière était bien faite pour tenter la plume d'un écrivain: nous avions déjà eu Le Roi Vierge de Catulle Mendés, où la figure de l'ami de R. Wagner fut littérairement évoquée.
Ce Louis Il était fou. Il se promenait sur le lac de Starnberg dans la nacelle de Lohengrin et il entendait assister aux représentations de Parsifal en unique spectateur. Il mourut noyé, d'ailleurs, et il est présumable que les cygnes ne furent point tout dans cet accident. Mais, cela, ̃c'est de l'histoire.
M. Loïs Cendré, lui, n'a pas admis cette folie. Son Louis II est simplement un esthète, un idéaliste qui rencontre des dames cultivant des lys et anéantit dans les eaux d'un lac sa neurasthénie.
Tout cela, quant au reste, est assez confus et à peu près aussi obscur que la scène où les personnages s'agitent dans une imprécise pénombre. Mais on ne saurait dénier à M. Loïs Cendré une langue harmonieuse et une recherche de style de bon aloi. En attendant qu'il soit devenu un auteurs dramatique, M. Loïs Cendré est un lettré délicat dont il importe de louer l'effort
.
L'interprétation n'est pas mauvaise. Mlle Roseraye, au nom poétique ( La dame aux lys) est charmante à souhait. La tâche de M. Georges Prieur (Louis II) était difficile; il s'en est tiré avec assez d'honneur. Citons encore Mmes Jeanne Guéret, Verneuil, Nomet; MM. Perdoux, Krimer, Blancard, Lacressonriière, et Mlle Rosay qui n'entrera jamais à l'Opéra.
Au moment de terminer ce rapide compte rendu, je crois bien me souvenir que le Double Bouquet est une revue, ce qui ne modifie en rien ce que j'ai dit au commencement."
Commentaire
Commentaire
Loïs Cendré est un pseudonyme utilisé par André Germain (1882-1971), le fils du fondateur du Crédit lyonnais, Henri Germain. André Germain disposa d'une grande fortune, qu'il mit au service des arts et des lettres. Amoureux des lettres, il épousa la fille d'Alphonse Daudet, mais le ménage ne fut pas heureux et le mariage fut annulé en 1908.
Ecrivain et essayiste, on lui doit des essais sur Marcel Proust et Renée Vivien. Il finança également des revues littéraires, dont le Double Bouquet, dans laquelle il écrit sous son nom propre ou sous le pseudonyme de Loïs Cendré, qui y apparaît surtout pour des compositions poétiques. Après la guerre, il fut le fondateur de la Revue européenne.
Germanophile, il parlait parfaitement l'allemand. On le vit beaucoup à Berlin dans les années 1920-1930. Il côtoya Bertold Brecht, Klaus ou Erika Mann, pour ne citer qu'eux. Il eut des sympathies pour le régime nazi, mais sous l'occupation prit nettement ses distances avec le régime de Vichy,
Il avait une grande villa sur les hauteurs de Florence dans laquelle il invitait ses amis écrivains ou artistes, notamment allemands.
Quelques titres
La Cousine et l'ami. 1907.
Portraits parisiens. 1918.
De Proust à Dada. 1924.
Chez nos voisins, par André Germain. 1927.
La révolution espagnole: en vingt-cinq tableaux. 1931.
Chants dans la brume. 1932.
Hitler ou Moscou? 1933.
Egisto, Paolo Fabbri in Memoriam. 1934.
Goethe et Betina. 1939.
Maria Popesco: amoureuse et criminelle? 1947.
Le mort dans le cresson. 1956.
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