En 1911, la revue La Vie Parisienne égratignait Siegfried Wagner avec un humour bien français, cette forme d'esprit qui souvent privilégie l'esprit ou le bon mot sur la réalité. Le titre de la page qui rapporte notre anecdote s'intitule On dit...On dit..., ce qui en dit long sur l'exactitude journalistique. Mais voilà, le bon mot n'est pas trop mauvais, aussi le rapportons-nous à notre tour.
Où la vanité de la particule ne va- t-elle pas se nicher? On comprend que des bourgeois veuillent être gentilshommes; il est tout naturel qu'un notoire épicier veuille s'appeler, un jour, « Monsieur le Baron » : une couronne, pour certaines gens, n'est qu'une enseigne aristocratique, et quand on a peiné toute sa vie pour faire reluire sa "raison sociale", il n'est guère surprenant qu'on ait la passion d'un titre nobiliaire. Mais les littérateurs, les artistes, dont le front est chargé de lauriers, quel sot amour-propre les pousse à vouloir se coiffer encore d'un tortil?...
Siegfried Wagner, qui à la gloire mondiale de son père a ajouté une estimable renommée personnelle, ne juge pas que son nom soit assez ronflant. Il le juge commun. Il trouve qu'il y manque je ne sais quoi qui en relève la sonorité. Bref, le fils de Richard et de Cosima, a demandé à l'empereur d'Allemagne d'ajouter un "de" à son nom.
Guillaume II, qui a de l'esprit, a accueilli la requête de son illustre solliciteur avec un sourire ironique:
— Ma foi, dit-il, vous avez peut-être raison; j'aime mieux Siegfried, de Wagner, que Siegfried Wagner.
Image et texte in La Vie parisienne : moeurs élégantes, choses du jour, fantaisies, voyages, théâtres, musique, modes , Paris, 14 janvier 1911, page 3.
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