La grande façade photographiée par Hugues Kraftt. La photo ne fait pas partie de l'article publié dans La vie parisienne. |
Herrenchiemsee vu de France dans la presse féminine parisienne de la fin du 19e siècle. La Vie parisienne de l'époque peut se lire gratuitement en ligne sur le site Gallica de la BNF
LES CINQ CHATEAUX DU ROI DE BAVIÈRE (SUITE)
SAMEDI. — CHIEMSEE :
Tout près de Munich, à une heure de chemin de fer, quelques minutes de bateau. Le château est encore situé près d'un lac, dans une île celui-là. Comme grandeur, comme importance, le plus vaste de tous. Une copie à peu près exacte du Palais de Versailles, avec la grande pièce d'eau au bout du tapis vert, les charmilles, les quinconces, les statues de dieux et de déesses, les bassins de la Fortune, de la Gloire, de Latone, la cour de marbre, la cour d'honneur, la salle des gardes, l'œil-de-bœuf, les salles du conseil, la galerie des glaces le salon de la Paix, le salon de la Guerre.
Il ne manque que la salle des Perruques, la salle de spectacle et la chapelle. On voit une copie de la célèbre horloge de Versailles, du bureau de Louis XIV. Pas une pièce sans une statue ou au moins un buste du roi Soleil. C'est à ses pieds que le roi Louis faisait ses dévotions, c'est à ses pieds qu'il s'agenouillait pour implorer sa pitié, son pardon, lorsqu'il avait commis quelque faute... que son illustre modèle n'aurait pas commise: « (), mon maître, pardonne-moi ». Et en même temps ses yeux se portaient sur les portraits des maîtresses du roi qu'il venait d'outrager. On ne peut, paraît-il, se faire une idée de la manière dont ce malheureux a vécu pendant ses dernières années. Ses domestiques, ses gardes, seuls pouvaient l'approcher. Aucun ministre ne pouvait arriver jusqu'à lui. C'était ses valets ou le favori du jour qui passaient ses ordres ou ses signatures aux représentants des grands corps de l'Etat. Quand il est mort, il y avait sept ans que le grand maître du palais ne l'avait vu. La grandeur, la splendeur du château de Chiemsee, — la chambre de parade n'a pas coûté moins de trois millions de marcks, — semblent mal s'accorder avec l'humeur misanthropique et l'amour de la solitude que le roi avait au plus haut point. Se croyant Louis XIV, il fallait qu'il fût logé comme lui ; s'il avait vécu plus longtemps, il se serait fait bâtir des petits appartements à la Louis XV qu'il n'aurait pas quittés.
Une salle de bain extraordinaire, digne d'un empereur romain, une piscine de marbre, les murs décorés de fresques représentant la naissance, la toilette de Vénus. Le roi y descendait de sa chambre par un petit escalier. A côté est le. monte-table qui existe dans tous les châteaux. A côté de ces splendeurs, toujours des choses de mauvais goût : sa toilette est en bois doré, les cuvettes, pots à eau, etc., etc., en imitation de porcelaine de Sèvres bleue, avec médaillons décorés à la Boucher et montés en bronze doré. Tous les plafonds couverts de reproductions des peintures de Versailles : les campagnes de Louis XIV. Le peu d'objets d'art qui reste fait moins regretter la disparition, la dispersion de ceux qui se trouvaient dans le palais à la mort du roi, tout ce qui n'a pas été volé par les domestiques ayant été vendu par la liste civile. On avait bien exagéré le montant des dettes du malheureux souverain, — environ treize millions, — elles ont été vite payées. De son vivant, il avait enrichi tous les artistes, tous les corps de métier qu'il avait fait travailler; aujourd'hui ses folies sont devenues un des éléments de la richesse de la Bavière, elles font la fortune des petits pays où sont situés tous ces châteaux, des aubergistes, des voituriers, des chemins de fer. Aussi, jamais la popularité du roi Louis Il n'a été aussi grande. Sa mémoire est l'objet d'un véritable culte.
E.C.
(A suivre)
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