Giovanni Antonini |
Giovanni Antonini et Il giardino armonico ont donné hier soir un concert aussi raffiné qu´émouvant dans la sompteuse Salle des Géants de la Hofburg d´Innsbruck, une des plus belles salles des fêtes d´Autriche, dont la décoration rococo blanche et or remonte à Marie-Thérèse et François-Étienne de Lorraine. Les musiques de la Renaissance et du premier baroque ont résonné sous le regard du couple impérial et et de leurs 16 enfants, représentés dans des portraits en pied par Martin van Meytens et ses élèves et sous les fresques dynastiques Habsbourg-Lorraine de Franz Anton Maulbertsch. Le bonheur visuel a précédé le bonheur acoustique avant même que ne commence le concert.
Josquin Desprez, Alexander Agricola, John Dunstable, Claudio Monteverdi, Giovanni Gabrieli, Girolamo Frescobaldi, Dario Castello, Tarquinio Merula, Lodovico Grossi da Viadana, Bellerofonte Castaldi, Jacob van Eyck, Samuel Scheidt et bien d´autres compositeurs connus, mais surtout moins connus, étaient au programme de ce concert découverte qui s´est déroulé comme un exposé musical chronologique du passage de la renaissance au baroque, puis de son développement.
Le concert est placé sous le motto de la pavane que Giovanni Antonini a choisie comme morceau d´introduction. La pavane, écrite par une main restée anonyme, provient d´une collection de danses italiennes du 16e siècle. Elle a pour titre „La morte della Ragione“ (“La mort de la raison"), un titre que les musiciens du Giardino armonico ont interprété comme une définition approchant le coeur de la musique baroque, et dont ils ont fait le leitmotiv de leur magnifique concert: la mort de la raion, c´est la victoire musicale. Pour le Giardino armonico, cette pièce d´introduction célèbre la victoire musicale de la sensibilité sur la raison. Le parcours de la soirée au travers des époques musicales de la Renaissance et du Baroque illustrera cette victoire dans des musiques choisies, où l´expression de l´extrême et l´éloquence émotionnelle se superpose à l'art du contrepoint.
Le voyage temporel auquel nous invite le concert du Giardino armonico nous entraîne à la fois dan un voyage au travers des principales cours d´Europe, les cours italiennes bien sûr avec Venise, Rome et Florence, mais aussi dans une moindre mesure, Naples, puis la cour londonienne de Henri VIII, et la France, avec une attention marquée pour l´influence de la France du Nord et des Flandres sur le développement du baroque.
Le programme du Giardino armonico marie le plaisir musical à une démonstration quasi pédagogique. Il nous convie à un voyage dans une Europe musicale des 16 et 17e siècle qui rompt avec le canon traditionnel et consacre le triomphe des "affetti" sur le contrepoint et qui conduit au maniérisme avec ses changements abrupts de clés qui créent des surprises donnant le frisson. On reste parfois stupéfait de la contemporanéité de certains des morceaux dont les syncopes audacieuses, les dissonances brutales et la nervosité exaltée surprennent et font se rencontrer l´hier et "le vierge, le vivace et le bel aujourd´hui". On n´en croit pas ses oreilles, ces compositions ont-elles toutes vraiment quatre ou cinq cents ans?
Même si leur réputation n´est plus à faire et est établie depuis plus de vingt ans, il faut souligner la qualité hors pair de chacun de ces instrumentistes spécialistes de la musique ancienne, et de leur dirigeant, l´incomparable flûtiste Giovanni Antonini, époustouflant de maestria et de raffinement dans le rendu de la palette émotionnelle avec les divers instruments à vent qu´il pratique. Ces musiciens restituent toute la magie des siècles du baroque. Un pur bonheur!
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