Tout avait bien commencé. Pour l´édition 2016 du Festival Richard Strauss à Garmisch-Partenkirchen. On était accueilli à l´entrée de la salle des congrès par de souriantes jeunes filles et une haie d´enfants en costumes bavarois, tracht ou dirndl. Des masques sur échasses très commedia dell´arte amusaient les badauds et leur faisaient des niches. La bonne société bavaroise s´était parée de ses plus beaux atours et faisait concours d´élégance. La Directrice du festival, la Kammersängerin Brigitte Fassbaender, dans une tenue estivale blanche des plus seyante qui relevait son sourire éclatant et son bronzage, accueillait personnellement chaque festivalier en lui chaleureusement serrant la main. Son Altesse Royale le Duc Franz von Bayern était attendu, ainsi que la Kammersängerin Edita Gruerova, dite Editissima, la prima donna assolutissima, la meilleure Zerbinetta que la terre ait jamais porté. Le Ministre Spaenle avait fait le déplacement pour faire la fête à Richard Strauss, lui qui a écrit à Partenkirchen la plupart de ses opéras, 40 années de résidence à Partenkirchen, jugez du peu. Edita Gruberova allait recevoir la plaquette d´honneur Richard Strauss dans ce Festival qui attire les straussiens depuis 1989.
Et la fête de commencer avec l´ensemble d´instruments à vent de la Haute Ecole de Théâtre et de Musique placé sous la direction d´Ulrich Nicolai qui joue la Sérénade en mi bémol majeur pour treize instruments à vent, opus 7, de Richard Strauss, une oeuvre de jeunesse, -le compositeur l´a écrite alors qu´il avait à peine 17 ans, elle date de 1881 ou 1882-, mais une oeuvre importante pour la carrière du jeune Strauss puisque c´est à travers elle que Hans von Bülow le découvrit et contribua aussitôt à le faire connaître. Si la sérénade est encore de forme classique et traditionnelle, on y entrevoit déjà la puissance lyrique et passionnée du compositeur. Dix minutes de bonheur printanier!
Dr Sigrid Meierhofer |
Ks. Brigitte Fassbaender |
Arrive ensuite le discours de la Directrice du Festival, qui dès son prologue annonce l´orage à venir. Elle n´a pas que des mots sympathiques à dire, loin de là. Brigitte Fassbaender s´élève d´abord contre les propos d´un parlementaire Goppel au Landtag bavarois (cliquer ici pour entendre son intervention, au point 17), qui s´est permis d´affirmer que le Festival Strauss s´est développé plus lentement que d´autres festivals et manque de concept. Les propos de cet ancien Secrétaire général de la CSU qui fut aussi Ministre de la Culture sont consternants. On croit rêver, on reste sans voix. D´ailleurs, quand bien même aurait-il raison sur la question du développement du Festival, comment le pourrait-il alors qu´il est sous-financé de manière chronique?
Le discours de la Kammersängerin va alors aller crescendo et prendre des allures jupitériennes, elle va lancer un éclair après l´autre accompagnés de coups de tonnerre oratoires assourdissants. Les foudres fassbaendériennes sont chiffrées: un orchestre symphonique de Strauss exige la présence de 80 à 120 musiciens en scène, c´est plus qu´il n´en faut pour Wagner ou Mahler. Tous ces musicines doivent être convoyés et payés. Mais l´Etat de Bavière n´accorde que des subsides des plus insuffisants. Pourtant cet Etat accorde ses largesses, presque sans compter, au Festival Mozart de Würzburg ou au Festival d´Herrenchiemsee, pour ne citer qu´eux. Mozart a passé quelques heures de sa vie à Würzburg et s´y est reposé en y prenant un café, et la ville organise en juin et juillet ses fêtes mozartiennes (Mozartfest) pendant trois semaines (cela commence d´ailleurs aujourd´hui), qui aux dires de Brigitte Fassbaender reçoivent un beau paquet de subventions. Aux quelques heures du séjour du divin Mozart, elle oppose les quarante années passés par le plus grand musicien bavarois à Partenkirchen et le fait qu´il y ait composé la plupart de ses oeuvres majeures. Garmisch mérite beaucoup mieux que cela et la Bavière ne peut laisser Strauss dans l´ombre!
Les chiffres pleurent: la ville, qui ne comporte que 27000 habitants dégage un budget de 280.000 euros pour le Festival, le gouvernement bavarois a augmenté sa contribution de 40.000 à 70.000 euros. Et même avec le sponsoring, on n´arrive pas loin. Brigitte Fassbaender préfère en âme forte la colère aux larmes. Reste à espérer que son appel vibrant sera attendu! Il faut qu´enfin le politique comprenne que l´homme ne vivra pas de pain seulement, mais de culture. Garmisch-Partenkirchen n´est pas qu´une station de montagne faite pour le sport et la villégiature, mais la ville qui a accueilli la composition de l´oeuvre de Richard Strauss. Bravo, Madame pour cette sain(t)e colère!
Le public acclamera ce discours d´une standing ovation et de vibrants applaudissements. Après la pluie et l´orage vient cependant le beau temps. Place à la musique et à l´hommage. L´ensemble de vents de la Haute Ecole de Théâtre et de Musique placé sous la direction d´Ulrich Nicolai, entame la Suite en si bémol majeur pour 13 instruments à vent, Op. 4, de Richard Strauss. Après le deuxième mouvement, que la Kammersängerin Brigitte Fassbaender remit la médaille Richard Strauss à une Edita Gruberova rayonnante. Ce fut un privilège et un moment de grande émotion de pouvoir assister à la remise de la médaille. Et les deux derniers mouvements de terminer la séance d´inauguration de l´édition 2016 d´un Festival des plus prometteurs!
Pour lire le compte-rendu de la remise de la plaquette d´honneur à Edita Gruberova, cliquer ici.
Pour lire le compte-rendu de la remise de la plaquette d´honneur à Edita Gruberova, cliquer ici.
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