Alexander Franzen en Pangloss, choeur et ensemble Photo Thomas Dashuber |
Le Theater-am-Gärtnerplatz termine l´année par une superbe production du Candide de Leonard Bernstein mis en scène et chorégraphié par Adam Cooper dont on avait déjà pu apprécier le travail lors de sa collaboration à la mise en scène des Liaisons dangereuses montées en début d´année 2015 au Théâtre Cuvilliés. C´est la dernière version musicale de l´oeuvre qui est présentée à Munich, retravaillée en 1988 par Bernstein et qu´il dirigea lui-même au Scottish Opera en 1989, avec le livret réécrit par Hugh Wheeler dès 1974, plus fidèle au conte philosophique de Voltaire que le livret original. Une version dans laquelle on retrouve les textes des chansons originales du parolier Richard Wilbur, avec les contributions de John La Touche, Dorothy Parker, Lillian Hellman, Stephen Sondheim et Leonard Bernstein. Si les chansons sont chantées en anglais (avec surtitres allemands), les dialogues ont été transposés en allemand et accommodés à la sauce piquante contemporaine, comme c´est souvent le cas dans les opérettes. Une solution hybride qui combine les avantages du respect de la version originale et le souci de la proximité et de la connivence avec le public.
Adam Cooper et le décorateur Rainer Sinell, ont utilisé au mieux l´espace de la Reithalle. Le grand orchestre dirigé par Marco Comin en alternance avec Andreas Kowalewitz est placé derrière un écran qui occupe toute l´arrière-scène et que le jeu des lumières peut rendre translucide pour faire apparaître les musiciens. Sur l´écran se déploie une mappemonde ancienne juxtaposant deux cartes marines, respectivement des Amériques et de l´Europe-Afrique-Asie. Les parois de la Reithalle sont entièrement recouvertes de grandes toiles naïves retraçant les divers lieux visités par Candide, Pangloss et Cunégonde pendant leurs péripéties, depuis le château westphalien de Thunder-ten-Tronckh jusqu´au village proche de Venise où se termine l´action. Une estrade en U encadre la scène où sont également placées deux tribunes latérales qui accueillent des spectateurs, avec une volonté avouée d´inclure le public dans la représentation, sans aller jusqu´à le faire participer activement, une manière de rappeler que les questions posées par le conte de Voltaire, dont on se rappellera que le titre complet est Candide ou l´Optimisme, relèvent de la philosophie populaire et nous concernent tous, et sans doute davantage encore à notre époque si sombre où la question de l´optimisme et de son contraire s´impose comme une évidence.
Adam Cooper a relevé le défi de réaliser à la fois la mise en scène et les chorégraphies de la production. Son métier de danseur et de chorégraphe lui donne l´avantage de disposer d´un sens développé des installations dans l´espace et de leurs transformations par le mouvement. Il possède au plus haut degré l´art de placer les protagonistes et les choeurs, et de les faire défiler, et de donner du naturel et de la souplesse á l´enchainement des scènes. Il nous donne, surtout en première partie ou pour le grand final d´impressionnants tableaux d´ensemble encore rehaussés par le très beau travail du costumier Alfred Mayerhofer, qui a créé une impressionnante série de costumes tous originaux, et très réussis, qu´il réinterprète au départ d´éléments empruntés aux modes populaires locales. Si l´on peut relever quelques faiblesses de mise en scène pour les scènes de navigation et de naufrage du retour vers Buenos Aires puis vers l´Europe,où les tempêtes sont représentées par des comédiens agitant sans trop de coordination de longues pièces de tissus, elles n´entachent guère l´énorme enthousiasme rencontré par la production lors de la première.
On se laisse emporter par la musique de Leonard Bernstein interprétée avec engouement et brio par l´Orchestre du Theater-am-Gärtnerplatz au grand complet sous la direction allègre et précise de Marco Comin qui, dès l´ouverture, charme par son sens raffiné du rythme et des tempi. Les choeurs entrainés par Felix Meybier donnent une prestation tout aussi enjouée et vivace, et d´une grande qualité musicale. Une grosse tuile est tombée sur le spectacle: la soprano Csilla Csövari qui devait chanter Cunégonde est tombée malade et s´est veut contrainte de déclarer forfait. Par chance, le théâtre a pu lui trouver une remplaçante qui avait déjà interprété le rôle en la personne de Cornelia Zink. La chanteuse, qui se produit ces dernières saisons sur des scènes d´opéra à Berlin ou Hambourg, qui avait chanté Candide à Cottbus, n´a disposé que de deux jours pour intégrer la production et a réalisé l´exploit de fournir lors de la première une prestation éblouissante avec de superbes effets de colorature notamment dans le grand air de Cunégonde "Glitter and be gay!". Gideon Poppe donne un fabuleux Candide, avec une voix chaleureuse et puissante, et fort bien projetée. Alexander Franzen anime toute la soirée dans sa fonction de présentateur en jouant l´ homme- orchestre pour interpréter tour à tour Voltaire (au costume et à la perruque très ressemblants), Pangloss, Cacambo et Martin, avec un beau jeu d´acteur. Erwin Belakowitsch interprète un frère de Cunégonde au narcissisme maniéré et méprisant. Dagmar Hellberg brûle les planches avec un art théâtral consommé en vieille dame.
Le public de la première unanimement enthousiaste a acclamé avec chaleur et trépignements cette production très réussie.
A voir à la Reithalle de Munich jusqu´au 3 janvier 2016. Places restantes. Pour réserver, cliquer ici.
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