Marie Gyselbrecht |
Beaucoup de spectateurs arrivent au Théâtre Cuvilliés comme des explorateurs en territoire vierge pour venir assister à la représentation de The Land, le nouveau spectacle de la metteure en scène Gabriel Carrizo et de sa compagnie Peeping Tom qui connaît à Munich sa première mondiale.
En entrant dans la salle, on voit aussitôt le décor, conçu par Franck Chartier: un paysage de douces collines vertes en partie boisées avec quelques habitations et une église miniatures. Il n´y pas de circuit de train miniature dans ce paysage, sans quoi on aurait pu croire à une installation Märklin. Des acteurs à genoux sur les prairies semblent en enlever les mauvaises herbes. On pense à des géants au regard de la taille des maisons minuscules aux fenêtres éclairées et aux cheminées fumantes. Cela évoque immanquablement Gulliver chez Lilliput, mais au cours du spectacle on prendra conscience que ces hypothèses ne rencontrent pas la réalité de la pièce qui se déroule sous nos yeux. Ni Märklin, ni Lilliput, ces géants qui évoluent dans ce village miniature en sont les habitants et ce petit village si mignon n´est peut-être que la vision idéalisée qu´ils voudraient en avoir, car on se rendra vite compte que la réalité de ces personnes et de leurs interactions est lugubre, sinistre et horrifique. Homo homini lupus. Ces gens qui prennent tant de soin de leurs terres sont agités de tremblements qu´accentuent encore le vrombissement assourdissant d´hélicoptères qui surveillent peut-être ce territoire qu´ils scrutent au moyen des faisceaux lumineux de leurs projecteurs.
Valery Tscheplanowa, Lukas Turtur, M. Gyselbrecht |
L´aliénation des personnages est patente, ils ne s´expriment quasi que par gestes, plaintes ou grognements, les rares répliques sont le plus souvent peu compréhensibles, dans des langues aussi diverses qu´inarticulées, on reconnaît ici les sonorités de l´allemand, un personnage s´exprime en anglais, une femme en flamand, une autre chante une chanson espagnole. Une femme arrache un petit arbre qui semble être rattaché á la terre par le cordon ombilical de longues racines sanguinolentes. Un homme coupe du bois, et lorsqu´il s´attaque à une plus grosse bûche, il la blesse et du sang semble en sortir. Bientôt la hache lui servira d´arme d´attaque. Des acteurs se mettent à creuser la terre qu´ils extraient à mains nues, et finissent par en extirper une morte. Ailleurs, derrière une des petites collines, se trouve un lac qu´on ne verra pas mais qu´on imagine parce qu´un acteur y plonge à diverses reprises et en sort dégoulinant. Il cherche désespérément à sauver une enfant qui s´y noie, ou s´y est noyée. De lourds secrets pèsent sur ce village, des histoires de haines, de meurtres et de suicides, que le villageois exorcisent parfois lors d´un cortège carnavalesque. Vers la fin de la représentation, les parois d´une pièce d´habitation descendent du cintre pour encadrer la scène, les acteurs sont à présent vêtus de vêtements de deuil, l´ambiance d´enterrement n´étant interrompue que par les mouvements clownesques d´un couple retenus par les pieds, le talon aiguille d´une femme traversant le pied de son compagnon. La fin rejoint le début, la pièce se termine avec le vombrissement des hélicoptères qui survolent et surveillent ce monde désespéré et fou de personnages aux egos surdimensionnés qui pourraient bien être issus d´une toile de Jérome Bosch.
Le spectacle de Gabriela Carrizo et de la compagnie belge Peeping Tom a éré coproduit avec des acteurs du Residenztheater.
Prochaines représentations les 20 et 21 ami 2015 au Théatre Cuvilliés.
Infos en allemand et réservations: cliquer ici
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire