Là où règne la haine, que je mette la musique, aurait pu écrire François d´Assise. C´est ce qu´a en tout cas réalisé le groupe Respect us hier soir dans la grande salle de la philharmonie au Gasteig de Munich en mettant sur pied un extraordinaire concert de trois heures réunissant plus de 100 chanteurs et instrumentistes en provenance d´Allemagne, de Turquie et d´Israel. Le pari du concert Music for the One God, Musique pour le Dieu unique a été remporté haut la main pour ce concert de trois heures en forme de dialogue entre les trois grandes religions monothéistes, qui a littéralement soulevé le public dans une standing ovation finale.
Mais en deçà de ce dialogue interreligieux, le concert en appelle à l´unité de l´humain, à trouver ce qui réunit les hommes là où, aujourd´hui hélas comme jamais, l´intolérance, les dogmatismes et les fanatismes cherchent à établir la dictature de la terreur et de la domination. Rien n´est plus aléatoire que l´origine d´un être humain et que la religion dans laquelle il a pu être éduqué, rien ne peut justifier le racisme et le rejet de l´autre. Là où règne la discorde, que je mette la musique sacrée: pour mieux communier dans la célébration musicale, le public a été invité à ne pas applaudir pendant la première partie du concert. Que l´on soit croyant ou non, et quoi que ce soit ce que l´on croie, la musique invite à l´unité des coeurs.
Mehmet C.Yeşilçay a dirigé un concert en forme de parcours dans les expressions musicales de la foi dans les différentes traditions. Une trentaine de morceaux de musiques ont été assemblés et joués sans transition dans un enchaînement des plus réussis avec un tempo et un rythme remarquables.
La première partie du concert est d´abord placée sous le signe de l'âge d´or, avec l´évocation de la période mauresque, cette longue période de l´histoire du sud de l´Espagne où musulmans, juifs et chrétiens étaient parvenus à cohabiter ensemble et à contribuer à l´élaboration d´une culture raffinée. Suivent ensuite quelques morceaux évoquant les expériences de l´extase mystique de l´union avec la divinité.
Le récitant soufi Bekir Büyükbaş a ouvert la soirée en psalmodiant quelques versets de la sourate Al-I Imram du Coran (3, 43-47), une sourate qui narre l´histoire de la famille Imram, á laquelle appartient la Vierge Marie. C´est la version coranique de l´annonce faite à Marie et de l´immaculée conception. Viennent ensuite des extraits des chansons galiciennes du temps d´Alphonse le sage, les Cantigas de Santa Maria, elles aussi consacrées à la Vierge Marie, dans lesquelles s´intercale un extrait d´un chant séfarade de Dunash ben Labrat interprété par la chanteuse Michal Elia Kamal, une des voix les plus intenses de la soirée. Michal Elia Kamal, née à tel Aviv de parents juifs iraniens, donne une interprétation vibrante et inspirée d´un texte du fondateur de la poésie judéo-andalouse. Sarah Ego chante ensuite avec une grande douceur un chant d´église araméen. Puis, apès un passage instrumental, la soprano Francesca Lombardi Mazzuli a interprété un chant marial extrait du Livre vermeil de Montserrat. Dans un second temps on a pu entendre des choeurs et des chants mystiques tels ce O ignis spiritus paraclitii d´Hildegard von Bingen ou un texte soufi sur la musique d´Itri, un des meilleurs compositeurs de la période ottomane. L´ensemble Palestrina de Munich a donné un madrigal de ce compositeur, extrait su Spirito santo, Amore, suivi d´un texte du Sultan Mura Han III sur une musique d´Ali Ufli , chanté par le chanteur turc Harun Gürbüz, qui est bientôt rejoint par le contre-ténor italien Filippo Meneccia, pour un extraordinaire duo au cours duquel le psaume 5 du psautier genevois de 1565 est chanté en turc et en allemand sur une musique de Claude Goudimel, suivi d´un poème de Clément Marot, Aux paroles que je veux dire, en français et en allemand.
En deuxième partie de concert, l´accent se déplace sur la période baroque avec des musiques des 17ème et 18ème siècle dans un dialogue Orient-Occident. L´orchestre et les choeurs présentent des extraits de la Missa Assumpta est Maria de Marc-Antoine Charpentier avec un intermède en araméen par Sarah Ego, suivi du psaume 121 de Salomone Rossi: Michal Elia Kamal revient avec une chant de Shalom Shabazi. Ensuite le contre-ténor Mineccia et la soprano Lombardi-Mazzuli rivalisent de vocalises dans Vivaldi, Pergolèse et Porpora, avec par cette dernière une interprétation trépidante de fureur baroque du motet In furore Iustissimae irae du maître vénitien. Les choeurs s´élèvent ensuite pour l´Alléluia de Haendel et l´Amen du Judas Maccabeus, et le concert se termine par de la musique soufie, qvec une nouvelle récitation de Bekir Büyükbaş et une danse des derviches tourneurs, que l´on avait déjà pu admirer en première partie.
Ce concert s´est déroulé comme dans un rêve. On est stupéfait par l´harmonie et l´unisson qu´est parvenue à créer en un temps nécessairement limité Mehmet C.Yeşilçay entre ces instrumentistes, ces solistes et ces choeurs d´origines et de localisations si diverses. La musique, et ici la musique sacrée, réussit à rassembler et à unifier les humains là où les mondes politiques, économiques et religieux ont tant de mal à trouver des terrains d´entente.
Ont entre autres participé au concert
Pera Ensemble
La soprano Francesca Lombardi Mazzulli, de Milan
Le contre-ténor Filippo di Mineccia, de Florence
La chanteuse Michal Elia Kamal, deTel Aviv
Aziz Hardal, chant soufi, d´Istanboul
La chanteuse araméenne Sarah Ego
Ensemble Estampie
BelCanto Kammerchor
Palestrina Ensemble
Des membres du Münchner Motettenchor
L´ensemble vocal Münchner Dommusik
Le choeur du Gymnase Pestalozzi
Chanteurs et danseurs soufis
Un enregistrement vidéo du concert est temporairement visible sur le site de la médiathèque de BR-Klassik. La photo ci-dessus provient de cette vidéo.
BR Klassik retransmettra le concert en différé à la radio le 24 janvier à partir de 19H05
Programme
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