Standing ovation et enthousiasme frénétique mercredi soir au Deutsches Theater où le public munichois a pu redécouvrir les fabuleux danseurs pour la plupart afro-américains de la compagnie américaine Alvin Ailey. Après 18 ans d'absence, la compagnie a repris ses quartiers dans la capitale bavaroise pour deux programmes comprenant pour partie des chorégraphies différentes, mais qui se terminent tous deux par Révélation, le ballet le plus connu du célèbre chorégraphe américain décédé en 1989. Revelation avait été avait créé en 1960, en plein combat contre la ségrégation raciale qui était encore légale aux Etats-Unis. Les Noirs américains luttaient pour l'égalité des droits, soutenus dans leur combat pour la libération par une foi chrétienne qui avait notamment trouvé à s'exprimer dans l'intensité des negro spirituals.
Le ballet Révélation s'articule en trois volets de chacun trois au quatre negro spirituals: Pilgrims of sorrow, Take me to the water et Move, members, move. Un ballet où les danseurs expriment les souffrances et les frustrations des Noirs américains et l'espoir que donne la foi et la confiance dans le Seigneur. La chorégraphie évoque la douleur et la joie d’une communauté qui confie à dieu son destin, exprimé à travers de magnifiques négro spirituals. La danse suit la mélodie et le rythme des spirituals et su gospel dont elle cherche à exprimer la quitessence. Pour sa chorégraphie, Alvin Ailey s'était inspiré de la joie de vivre et de l'expression de la spiritualité de la danse africaine en faisant appel à la technique créée par Lester Horton, une technique qui met l’accent sur le corps dans son ensemble et qui cherche à libérer sans restriction l'expression dans une approche de la souplesse, la force, la coordination et la maîtrise de son propre corps dans l’espace.
Lors de la première, on a pu d'abord découvrir le ballet Grace, dans une chorégraphie de Ronald K.Brown datant de 1999, un des ballets les plus appréciés de la compagnie. Un ballet ancré dans la spiritualité qui exprime le cheminement d'individus en voyage vers la Terre promise. R.K. Brown y a mêlé de manière éblouissante le langage de la danse américaine moderne et celui des danses d'Afrique de l'Ouest. Le ballet commence par un solo d'une danseuse hiératique baignée dans la lumière du spirituel qui est ensuite rejointe par douze danseurs dont le rythme devient de plus en plus endiablé. Leurs mouvements cadencés découpent rapidement l'espace, leurs mains s'envolent et leurs doigts pointent le ciel dans un rapport évident au sacré, sur des musiques de Duke Ellington, de Roy Davis Gabriel ou de Feta Kutis.
En deuxième partie on peut voir deux ballets, Home de Rennie Harris (2011) et In/side de Robert Battle (2008).
Home avait été présenté en 2011 à l'occasion de la journée mondiale du sida, une journée qui a une signification particulière pour la compagnie car son fondateur est décédé des suites de cette maladie. Rennie Harris est un chorégraphe hip-hop qui s'inspire des histoires de personnes qui sont affectées par le virus du sida. L'oeuvre cherche à évoquer à la fois le terrible isolement des personnes confrontées à la maladie et le soulagement qu'apporte cependant le soutien de la communauté. La musique de Dennis Ferrer et de Raphael Xavier propulse la compagnie dans une danse extrêmement rapide avec des jeux de pas de danse complexes et intriqués. La maladie est contemporaine du hip hop qui lui sert ici d'expression, cette danse inventée dans la rue devient le moyen d'extérioriser leur vécu pour des personnes vivant souvent dans les dénuements de la pauvreté et de la solitude.
Home de Rennie Harris Crédit photographique: Pierre Wacholder |
Enfin In/Side est un ballet pour danseur solo spécialement conçu par Robert Battle pour Samuel Lee Roberts qu'on a eu la chance de voir sur scène en ce soir de Première. Six minutes d'un prodigieux travail de danse sur la musique Wild is the wind de Nina Simone. Six minutes d'un cri corporel qui semble sans fin où le danseur semble repousser les limites de l'expression de la douleur physique et morale. Une danse comme un long hurlement aux mouvements paroxystiques qui à elle seule vaudrait le déplacement.
Un spectacle où la danse exprime la souffrance et la transcende.
Un spectacle où la danse exprime la souffrance et la transcende.
Le premier programme est encore présenté jusqu'au 3 août, le second du 5 août au 10 août.
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