Danielle de Niese en nymphe Calisto |
Le parti pris de David Alden consiste à privilégier le divertissement et à mettre l'accent sur les aspects comiques de l'oeuvre plutôt que sur le pathos ou sur une réflexion sur les destinées de l'humanité. Malgré cela, sa façon de mettre en avant la représentation de l'humaine, et dans le cas de la Calisto, de la divine comédie, participe cependant d'une vision philosophique pessimiste, celle qui considère la vie humaine comme un jeu dérisoire auquel on est bien obligé de participer. D'autres lectures de l'oeuvre sont bien sûr possibles, mais une fois l'option arrêtée, les choix d'Alden tiennent la route et procurent au public trois heures d'un enchantement scénique extrêmement coloré et animé.
Jupiter travesti en Diane surpris par une Junon furieuse |
Life is a cabaret, old chum. L'Empyrée d'Alden tient davantage d'une grande boîte de nuit interlope, d'un grand bordel de luxe avec son spectacle d'artistes de qualité que du séjour mythique des dieux. Un décor des années 60 ou 70 conçu par Paul Steiberg, avec ses vagues psychédéliques à la vulgarité tapageuses et ses innombrables lampes de salle de bain au plafond. Les trois personnages du Prologue, la Nature, l'Eternité et la Destinée, avec leurs costumes fantastiques qui donnent le ton de l'ensemble, discutent de l'immortalité de Calisto dont ils souhaitent faire une nouvelle étoile. Mis en abyme, le spectacle est dans le spectacle, Calisto chante au micro sur une scène de cabaret, Jupiter descend le grand escalier en animateur de spectacle, Junon est habillée comme pour un défilé de mode tape-à-l'oeil, le travestissement semble de rigueur: la Nature est une drag queen grotesque avec sa longue barbe, Jupiter se métamorphose en Diane pour séduire Calisto, Linfea, chantée par un homme, est extraordinaire dans son travesti ridicule. La Calisto devient une histoire d'amours lesbiennes, avec l'amour de la nymphe pour la fausse déesse ou de Linfea pour Diane et d'amours perverses, avec une déesse dont l'idéal de vertu se fissure avec son amour cachée pour Endymion , qu'elle endort avant de l'aimer car elle ne veut pas perdre sa réputation de vierge effarouchée. C'est un festival de toutes les sexualités, bestialité incluse, entre les dieux, les humains et les personnages mythologiques composites qui tiennent à la fois de l'humain et de l'animal. Les costumes participent largement du spectacle, Buki Shiff a produit des créations aussi fantastiques que remarquables, c'est un pur régal avec d'extraodinaires trouvailles, tels les deux paonnes qui accompagnent la déesse Junon dans tous ses déplacements, un magnifique centaure ailé, un Pan majestueux au masque de bélier, la cour des chasseresses qui entourent Diane, plus putes que vierges, le délicieux grimage de Satirino, il faudrait tous les citer. Un défilé incessant de costumes, une animation visuelle constante et toujours surprenante dans des décors volontairement criards. Les sens sont constamment sollicités avec un crescendo qui s'accentue au fil des actes. L'exposition du premier acte semble parfois un peu longue, avec la présentation d'un grand nombre de protagonistes aux relations parfois compliquées et aux motivations souvent troubles, mais David Alden parvient à faire prendre cette sauce complexe et les deux actes suivants sont un enchantement scénique, avec à la fin du troisième acte un tableau de jeunes femmes habillées en de féeriques longues robes blanches, viennent figurer la disposition des étoiles de la Grande Ourse.
On peut imaginer qu'au temps de Cavalli, l'orchestre était limité à 6 musiciens, avec Ivor Bolton et son continuo-ensemble ce nombre est aujourd'hui triplé, ce qui permet de répondre aux nécessités acoustiques des salles d'opéra contemporaines.
Anna Bonitatibus et Tim Mead |
La Calisto se joue encore les 19 et 21 janvier au Théâtre national de Munich
Crédit photographique Wifried Hösl
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire