Il reste encore cinq soirées pour aller voir l'excellente production du Theater-am-Gärtnerplatz qui joue au Prinzregententheater, et c'est, ces jours-ci, le spectacle à ne pas manquer sur les scènes munichoises.
La metteur en scène viennoise Emmy Werner place toute l'action dans l'hôtel Polonia, un hôtel en ruine que l'occupant saxon a transformé en prison où sont incarcérés les patriotes polonais. Seule une chambre est occupée par trois dames, une comtesse polonaise appauvrie et ses deux filles, toutes les trois sans le sou. La scène est occupée par le hall central de l'hôtel et entourée de galeries où se trouvent les chambres dont les portes s'ouvriront opportunément pour laisser sortir les prisonniers ou les trois dames.
Emmy Werner, qui dirige le Volkstheater de Vienne, maîtrise parfaitement l'art de l'opérette, connaît les goûts d'un public populaire qu'elle entraîne dans l'action avec une succession ininterrompue de tableaux animés parfaitement chorégraphés grâce à la collaboration complice du maître de danse de la maison, Karl Alfred Schreiner. Les décors et les costumes sont de Rainer Sinell. Tout cela valse et bouge sans arrêt, Emmy Werner nous entraîne dans le monde primesautier de Carl Millöcker qui traite des faits graves, l'occupation saxonne d'une Pologne asservie à la botte de l'occupant, avec la légèreté de cet esprit viennois qui croit que tout peut se résoudre par l'étourdissement des valses et du champagne et qui se refuse à prendre quoi que ce soit trop au sérieux. Le simple fait de placer une tentative de baiser repoussé par un coup d'éventail au départ du drame (le célèbre air "Ach ich hab sie ja nur auf die Schulter geküsst") en dit long sur la frivolité amusée du monde de l'opérette: on est là pour s'amuser et s'émouvoir, pas pour se lamenter sur les horreurs de la guerre, même si justice sera faite, l'occupant sera repoussé, le gouverneur saxon trompé et vaincu, l'étudiant pauvre deviendra riche et sera anobli, et la Pologne sera rendue aux Polonais!
Au centre, Daniel Prohaska, le Bettelstudent |
On est là pour s'amuser, et Emmy Werner utilise les ficelles du théâtre de régie pour pimenter l'action: ainsi de l'utilisation des allusions aux scandales du moment, le texte du livret est, c'est coutumier, partiellement réécrit. Le public rit énormément des allusions aux 'affaires' de l'actualité politique allemande. Ainsi les changements d'identité imposés à l'étudiant pauvre permettent de se moquer des politiciens qui effectuent des faux ou font de l'abus de biens publics, l'Allemagne a récemment connu plusieurs scandales du genre.
Et puis, et surtout, c'est la fête à la musique. On entre très vite dans les rythmes de l'opérette, et on a très vite envie de reprendre des refrains facilement assimilables, les polkas, les mazurkas et les valses donnent des fourmis dans les jambes et on entend parfois les pieds du public battre la cadence. C'est une musique participative. On se laisse entraîner par les nombreux choeurs, admirablement dirigés par Jörn Hinnerk Andersen, on a envie de fredonner. Les solistes donnent toute la mesure de leur art. Symon, l'étudiant pauvre est chanté par le beau ténor léger de Daniel Prohaska, un excellent Mathias Hausmann donne une interprétation empreinte de noblesse virile du faux étudiant Jan Janicki, avec son baryton chaleureux et puissant qui lui fait remporter des bravi mérités. Une Elvira Hasanagic éblouissante incarne Laura en maîtrisant toutes les ficelles du chant d'opérette avec une vivacité d'actrice et une présence en scène des plus animées, un régal. Simona Eisinger chante une Bronislawa enamourée tout en douceur et en finesse, avec une légèreté délicate et subtile. Hans Gröning donne un Gouverneur Olledorf honorable en déployant toute sa technique de scène pour se gagner l'audience, avec pas mal d'effets de manchette qui font bien rire. Le public munichois retrouve avec bonheur la Kammersängerin Gisela Ehrensperger en comtesse Palmatica Nowalska, elle a fait partie de la troupe du Gärtnerplatztheater pendant pas moins de 40 ans. Il en va de même de l'Enterich de Thorsten Frisch, un autre ancien de la troupe, très en forme, et très applaudi.
Post précédent sur cette production: cliquer ici
Les 2, 3, 4, 10 et 12 mai 2013 au Prinzregententheater
Et il reste de la place!
Réservations: cliquer ici
Crédit photographique: Thomas Dashuber
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