Oscar Strasnoy |
Avec la création munichoise hier soir du Bal au Prinzregententheater, l' opéra en français d'Oscar Strasnoy créé à Hambourg en 2010, en est à sa troisième production, mais à sa deuxième mise en scène puisque lors de sa récente présentation au Châtelet lors du festival Présences, il s'agissait d'une version concertante mise en espace par le librettiste Matthew Jocelyn. La création munichoise s'est déroulée en présence du compositeur, qui a fait le déplacement depuis Bordeaux où il est en train de créer son nouvel opéra, intitulé Slutchaï.
Au Prinzregententheater, Le Bal était présenté en deuxième partie d'un spectacle organisé par l'Académie de théâtre August Everding en collaboration avec le Münchner Rundfunkorchester. En première partie, les élèves de l'Académie théâtrale ont présenté I pazzi per progetto de Gaetano Donizetti. La mise en parallèle des deux oeuvres au cours d'une même soirée fait sens, puisque les deux livrets mettent en scène des personnages dont l'histoire touche de diverses manières à la folie: alors que chez Donizettti les protagonistes se rendent dans un asile sans être véritablement fous mais en simulant parfois la folie, les personnages de l'opéra de Strasnoy déjantent et ont des comportements qui dépassent l'acceptable: une mère hystérique, une gouvernante irlandaise timbrée, des adultes ayant des comportements sexuels débridés en présence d'une adolescente naturellement effarouchée blessée dans son intimité et sa pudeur. Ainsi la folie sert-elle de fil thématique conducteur à la soirée. Dans le Donizetti, on remarque particulièrement l'impressionnante performance de la soprano Sumi Hwang qui domine une distribution de qualité dans une époustouflante interprétation du persdonnage central de Rosina. La coréenne avait récemment enchanté le public munichois en remportant le deuxième prix du concours international 2012 de l'ARD.
La mise en scène des deux oeuvres a été confié à Karsen Wiegand, qui dirige actuellement le Théâtre national de Weimar. Pour la farce de Donizetti, il a imaginé un caisson à trois compartiments aux murs capitonnés qui figure l'hôpital psychiâtrique, alors que le Bal se déroule dans un intérieur au luxe tapageur et criard d'un mauvais goût à la nouveau riche. Les décors de Bärbl Hohmann et Anika Söhnholz séduisent par leur efficacité évocatrice.
Avant le spectacle, le compositeur argentin a répondu à quelques questions que lui adressait un dramaturge lui aussi en formation à l'Académie Everding. Oscar Strasnoy y a insisté sur l'importance qu'il accorde au choix du récit à partir duquel il compose ses opéras. Il est primordial qu'il se sente inspiré par le récit et par le livret qui en est tiré. Cette inspiration, il l'a éprouvée à la lecture du roman éponyme d'Irène Némirovsky. Quant à la composition, Oscar Strasnoy évoquait son goût pour la citation. C'est le cas à diverses reprises dans le Bal, où des bribes de musique populaire irlandaise se font entendre dans la partition de la gouvernante irlandaise, et d'autres de musique klezmer pour évoquer les racines juives du père d'Antoinette, un Juif converti au catholicisme mais resté marqué par sa culture d'origine. Il ne s'agit pas de citations musicales directes, mais plutôt de créations d'atmosphères musicales évocatrices. Ici aussi le parallèle avec la farce de Donizetti est rendu possible puisque l'art de la citation, rossinienne en l'occurence, ou de l'auto-citation (Una furtiva lacrima par exemple), y est aussi présent (quelles soient dues à l'auteur ou ajoutées pour les besoins du spectacle).
La tragédie familiale du Bal est traitée avec humour et ironie, et cela s'entend dans la partition: bruits de machine à coudre en début d'opéra, soufflerie puissante et bruyante qui vient disperser et faire s'envoler les morceaux des lettres d'invitation déchirées par Antoinette et qui prendront la voie des airs à la place de l'acheminement postal, des lettres qui ne parviendront jamais à leurs destinataires, ce qui mènera au fiasco de la soirée de bal que voulait donner la mère parvenue, citations amusées des musiques klezmer et irlandaise. Les effets de la partition de Strasnoy participent à la théâtralisation de l'oeuvre, avec un traitement très réussi des voix, spécialement des voix féminines avec de belles stridences dans l'évocation de la folie de la gouvernante, de l'hystérie de la mère ou de la révolte de l'adolescente, avec ausssi des vents et des cuivres qui savent ménager des effets comiques. Son écriture musicale interpelle, intéresse et séduit, le ton en est à la fois nouveau et intelligible, même à certains moments, la composition semble trop convenue comme lors de l'utilisation du tic tac de l'horloge pour marquer le temps qui passe et l'attente.
Les étudiants de l'Académie Everding nous font vivre des moments d'opéra d'extraordinaire qualité, avec toute la fougue et l'enthousiasme de débutants aux talents déjà affirmés. Si plusieurs ont maille à partir avec la diction française, on apprécie les performances vocales, les talents d'actrice et le soprano aigu de Dorothee Koch qui incarne la mère et le remarquable jeu de scène de Katharina Ruckgaber qui donne une adolescente torturée et facétieuse en pleine révolte contre des parents m'as-tu-vu, parvenus et d'une indécence sexuelle qui serait monstrueuse si elle n'était pas simplement caricaturale.
Le compositeur a semblé ravi de la production et, invité sur scène aux applaudissements, a reçu un accueil à la mesure de la qualité de son écriture musicale. On sort enthousiasmés du travail des étudinats de l'Académie Everding et ravis d'avoir pu assister à la création d'un nouvel opéra sur les scènes munichoises.
Prochaines représentations:
Les 10, 16 et 18 novembre à 19H30
Soirée jeune public le 14 novembre à 19 heures (pour jeunes à partir de 14 ans)
Matinée scolaire le 11 novembre à 11H (uniquement Donizetti)
Les 10, 16 et 18 novembre à 19H30
Soirée jeune public le 14 novembre à 19 heures (pour jeunes à partir de 14 ans)
Matinée scolaire le 11 novembre à 11H (uniquement Donizetti)
au Prinzregententheater de Munich
Plus d'infos sur www.br.de/radio/br-klassik/muenchner-rundfunkorchester
Tél.: (089) 21 85 19 70
Plus d'infos sur www.br.de/radio/br-klassik/muenchner-rundfunkorchester
Tél.: (089) 21 85 19 70
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Plus d'infos sur le compositeur: visiter son site http://www.oscarstrasnoy.info/
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