En clôture du festival de ballet organisé la semaine dernière, le Bayerisches Staatsballet avait programmé pour le plus grand bonheur des Bavarois le spectacle Babel de la Compagnie Eastman. La réputation de Sidi Larbi Cherkaoui et de Damien Jalet, les créateurs du spectacle, est telle qu'il n'était plus possible de trouver un billet bien avant la représentation.
Leur travail est un travail choréographique sur le langage: au centre de ce travail se trouve le Mot, sa signification, son rythme. La multiplicité des langues est-elle un obstacle sur le chemin de l'Humanité, ou constitue-telle une chance? Cherkaoui, un belgo-marocain et sa Company Eastman sont à la recherche dansante de l'utopie d'une identité polyglotte.
Treize danseurs de toutes origines parlent des langues diverses, cela va du japonais à l'anglais en passant par le français ou l'arabe. Ils se meuvent dans un décor minimaliste et mouvant: des cubes et des parallépipèdes rectangles qui ont l'apparence du métal et que les danseurs déplacent pendant toute la durée du spectacle pour réinterpréter l'espace. A leurs côtés ou en arrière plan, cinq chanteurs et musiciens accompagnent la choréographie avec de la Musique du Monde, qui va, elle aussi et notamment , de la percussion japonaise au chant polyphonique médiéval.
Eastman a engagé un sculpteur Antony Gormley, qui a imaginé ce jeu de structures simples, de squelettes de cubes et de parallépipèdes rectangles que les danseurs déplacent au gré de la choréographie dans un travail de réinstallation constante de l'espace scénique: les arêtes et les volumes creux délimitent des espaces tantôt infranchissables tantôt de passage ou d'ouverture , emprisonnent, s'emboîtent, se déboîtent, libèrent les danseurs qui parviennent à réaliser des acrobaties inouies et fluides en croisant leurs corps aériens avec les parallépipèdes en mouvement.
Eastman a engagé un sculpteur Antony Gormley, qui a imaginé ce jeu de structures simples, de squelettes de cubes et de parallépipèdes rectangles que les danseurs déplacent au gré de la choréographie dans un travail de réinstallation constante de l'espace scénique: les arêtes et les volumes creux délimitent des espaces tantôt infranchissables tantôt de passage ou d'ouverture , emprisonnent, s'emboîtent, se déboîtent, libèrent les danseurs qui parviennent à réaliser des acrobaties inouies et fluides en croisant leurs corps aériens avec les parallépipèdes en mouvement.
Dans ce spectacle, l'espace et les mots deviennent les moteurs des relations humaines.
Le spectacle pose quelques-unes des questions fondamentales de l'humanité: les peuples parlant des langues différentes peuvent-ils partager un espace commun, que se passe-t-il quand ils le font, quelles tensions sont-elles alors à l'oeuvre, ces tensions peuvent-elles être créatrices ou sont-elles la source du conflit et de la destruction?
La biographie de Sidi Larbi Cherkaoui est sans doute l'une des sources de ce spectacle: il est belge, un pays qui connaît bien la problématique posée par le spectacle (sans gouvernement depuis plus d'un an sur fond de questions linguistiques), il est né en 1976 à Anvers (pardon, Antwerpen) d'un père marocain et d'une mère flamande, porte un nom arabe et fut, avant même de commencer son parcours, le produit d'au moins trois cultures. La question: que se passe-t-il quand on crée un melting-pot culturel, quand trop de cultures s'entassent en un même lieu ou dans un même être? Une interrogation sur les chocs linguistiques et culturels et sur ce qu'il en résulte de chaos et d'innovation. Dieu punit-il vraiment les hommes que la vie contraint parfois à construire des tours de Babel?
A noter qu'en flamand, le terme biblique de Babel est proche du verbe babbelen, bavarder, papoter. Et de babiller, ce que font les danseurs, chacun dans sa langue, sans communiquer. Ils développent des théories et des argumentaires, chacun prétendant que sa langue est la meilleure. Mais à d'autres moments, la cacophonie linguistique peut réunir dans le brouhaha: sous les langues il y a le rythme et la musicalité, et ce fonds commun peut réunir. L'humour est omniprésent dans ce spectacle, dont il allège les aspects pathétiques ou tragiques.
Quand sort, ravi et porté par les applaudissements nourris qu'a reçu ce spectacle invité , on ne peut s'empêcher d'espérer que le Bayerisches Staatsballet tirera les conclusions de ce succès quasi délirant. Si la qualité du corps de ballet munichois dépasse l'imaginable, (-on navigue de fait dans le plus-que-parfait-), la programmation dénote par son conservatisme. Bien sûr on est transporté par les génies d'un Marius Petipa, d'un John Cranko ou d'un John Neumeier, mais on se dit qu'à côté de la reprise de leurs oeuvres, il y a aussi de la place pour de nouvelles formes de langage plus en accord avec notre quotidien sinon avec nos fantasmes et nos intuitions du futur. Le Bayerisches Staatsballet vient d'inviter le vingt-et-unième siècle à se produire. On espère qu'il y participera par des productions propres. L'argument économique convaincra peut-être: on a joué à guichets fermés pour le spectacle de Cherkaoui, alors que la reprise d'une choréographie de Neumeier en ouverture de festival, pour excellente qu'elle fût, n'avait pas fait salle comble, même si elle remporta un grand succès.
Crédit photographique: Koen Broos
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire