
LE VER, LA FOURMI ET L'ÉCUREUIL.
FABLE
« Que je vous trouve heureuse, ma voisine ! »
Disait le Ver à la Fourmi;
« Tristement enterré, je ne vis qu'à demi,
« Rongeant par-ci par-là quelque maigre racine,
« Trop souvent mutilé par les outils tranchants.
« Vous, au soleil, dans les bois, dans les champs,
« Sur vos six pieds marchant sans peine,
« Vous amassez l'été de quoi vivre l'hiver
« Et ne connaissez pas la gêne. »
La Fourmi répondit au Ver :
« Arrêtez-vous, ne vous déplaise.
« Admettons que je vis à l'aise ;
« Mais à quel prix ! on peut le voir :
« En marchant du matin au soir,
« Par ces maudits brins d'herbe cahotée,
« Avec mon fardeau culbutée,
« Bien souvent n'arrivant que le soir sur le seuil
« De la lointaine fourmilière ;
« Vous ne connaissez pas le sort de l'ouvrière.
« Ah! parlez-moi de l'Écureuil !
« Oui, l'écureuil est une heureuse bête,
« Qui court toujours, que rien n'arrête,
« Qui grimpe et qui saute à plaisir
« Et grignote tout à loisir
« La châtaigne et la blonde faine... »
L'Écureuil était sur un chêne.
Se laissant glisser tout d'un coup :
« Halte-là ! s'il vous plaît, dit-il, Fourmi, ma mie:
« Grimper, sauter, c'est une vie
« A se rompre cent fois le cou !
« Puisqu'il voulait nous voir à la cime fragile
« Des arbres, Dieu devait nous faire le cadeau,
« Au lieu d'une queue inutile,
« De deux ailes, comme à l'oiseau. »
Chacun regarde au-dessus de sa tête,
Et toujours on voit une bête
Qui semble heureuse sans effort
Et dont nous envions le sort.
Ce sont des plaintes éternelles ;
Ainsi le Ver voudrait trotter,
La Fourmi bondir et sauter,
Et l'Écureuil avoir des ailes.
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