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jeudi 3 décembre 2020

Un portrait de l'impératrice d'Autriche par Pierre Bertrand dans la presse française de 1894

 

Stahlstich von J. Sonnenleiter u. I. Lechleitner in Wien 
nach Original-Zeichnung v. F. Laufberger.
Illustration hors article

Les Annales politiques et littéraires publiaient ce portrait de l'impératrice dans l'édition du 11 mars 1894

PORTRAITS CONTEMPORAINS

    [L'empereur et l'impératrice d'Autriche sont en ce moment nos hôtes. On trouvera leur portrait dans le Supplément illustré de cette semaine. Nous croyons devoir y joindre un document curieux : c'est le portrait intime de l'impératrice, tracé par une de ses dames d'honneur. M. Pierre Bertrand a bien voulu traduire pour les Annales cette étude, qui montre la souveraine d'Autriche sous un jour inattendu. — A. B.]

L'IMPÉRATRICE D'AUTRICHE

    Une des dames d'honneur de l'impératrice d'Autriche, outrée de la malveillance et de la fausseté des portraits que l'on publie de sa souveraine, vient d'en tracer la silhouette originale.
    L'article est écrit de verve, avec un tour d'esprit charmant, par « une femme qui a eu le précieux privilège de vivre dans l'intimité de l'impératrice. »
    « L'intense horreur d'Elisabeth, dit-elle, pour toute publicité, son amour profond de la solitude, sa personnalité même, très belle mais très étrange, ont contribué à la rendre victime des propos les plus cruels. »
    Ne sachant presque rien d'elle, on a dû recourir, pour satisfaire les curiosités du public, à de pures inventions, — et tant pis si elles étaient outrageantes ou douloureuses.

I
LA FOLIE DE L'IMPÉRATRICE

    L'on a dit et répété, au point que beaucoup de gens en Europe y ont ajouté foi, que l'impératrice souffrait de la triste maladie héréditaire de la maison de Bavière. Ce n'est exact en aucune façon. Elle n'est pas folle, elle ne l'a jamais été, fût-ce une minute. Elle a eu le coeur brisé, certes, par les plus vives douleurs qui se puissent éprouver ; mais son esprit ne s'est point troublé, pas même assez pour devenir la proie de cette mélancolie spleenique dont on a tant parlé.
    Si elle n'est pas populaire, la faute en est surtout à la droiture et à la fierté de son caractère. Très remarquablement douée par la nature, intelligente et fine, elle a su voir les défaillances des personnages qui l'entouraient et n'a pas consenti à feindre de les ignorer.
    L'extrême délicatesse, l'extrême pureté de son esprit la rendaient, d'ailleurs, d'une singulière intolérance à l'égard des faiblesses et des inconséquences habituelles dans la vie de cour. Elle condamnait trop haut les intrigues qu'elle découvrait, et souvent le muet reproche de ses yeux a profondément troublé autour d'elle tous ceux dont la conscience n'était pas sans reproche.
    Pour ses goûts raffinés, exigeants et parfois satiriques, il y a, dans toutes les intimités, une vulgarité déplaisante. L'amour, tel qu'il est ordinairement compris, lui est odieux ; et nul homme n'a jamais pu prendre la plus légère influence sur elle. Tous ceux qui, de simples courtisans ont voulu devenir des admirateurs déclarés, ont rencontré dans sa froideur un infranchissable obstacle.
    Entourée de chaudes passions, elle ne leur a jamais accordé qu'un sourire de pitié dédaigneuse. Dans cet organisme exquis et complexe ce délire ne peut pénétrer.
    Il est advenu même que ce refus persistant de comprendre les sentiments qu'elle inspirait aux hommes a failli tourner au tragique.

II
UNE AVENTURE D'AMOUR

    Ce fut le cas notamment avec le comte H..., un jeune magyar qui s'était pris pour elle d'une irrésistible tendresse.
    Beau, bien fait, loyal, de belle allure, il était officier des gardes du corps, et adorait l'impératrice avec toutes les folles extases d'un premier amour. Il aurait volontiers accompli les choses les plus difficiles et les plus dangereuses du monde pour obtenir d'elle seulement un sourire. Il ne lui avait encore cependant rien avoué.
    Mais, une nuit, pendant un bal au château de Schoenbrunn, se promenant à ses côtés sur la terrasse, par un doux clair de lune, il oublia tout pour ne se souvenir que de son irrésistible amour.
    L'incomparable beauté de l'impératrice était, semble-t-il, une suffisante excuse. Éclairée par les rayons silencieux du soir, avec ses expressifs et larges yeux bleus dans ce visage pâle, ses formes légères, ses épaules nues, l'éclat doux des émeraudes qui brillaient sur sa gorge blanche : aucun cerveau d'homme n'y eût résisté.
    Le jeune officier se rapprocha d'elle; et, tout d'un coup, ouvrit ses deux bras pour
l'y serrer, en murmurant des mots passionnés.
    Avant, toutefois, qu'il l'eût effleurée, elle l'arrêta d'un regard si hautain qu'il en parut hypnotisé. Tremblant de la tête aux pieds, il hésita une seconde, puis il s'e prosterna désespérément, courbant son front jusqu'aux volants de la traîne et se mit à sanglotter sa tendresse.
    Mais, loin de lui inspirer aucune pitié, le désespoir du jeune homme, ses paroles, son attitude agenouillée lui parurent d'intolérables insultes. Elle ne voulut pas admettre cette minute d'égarement, et s'éloignant avec un geste d'écrasant dédain, elle rentra dans le palais.
    Deux jours plus tard, le comte H..., fut exilé dans ses propriétés du sud de la Hongrie, où il a dû vivre de longues et lourdes années par ordre de l'empereur à qui Elisabeth avait raconté cet incident.

III
L'EMPEREUR FUT-IL VOLAGE?

    François-Joseph, bien qu'il ait été mêlé, à un grand nombre d'affaires de coeur, n'a jamais aimé, au sens vrai de ce mot, que sa femme. Mais les oints du seigneur sont victimes de tentations auxquelles le commun des mortels échappe. Et cela fut spécialement vrai pour l'empereur d'Autriche qui réunissait tous les avantages physiques à tous les privilèges de la naissance. D'autre part, les sentiments de loyalisme du beau sexe prennent parfois une forme démonstrative à l'excès. Toutes les beautés, tous les charmes, tous les efforts tendent au but d'attirer l'attention impériale ; et si celui qui en est l'objet, dit un mot aimable ou jette un regard sympathique, on en déduit immédiatement toute une intrigue. Ce sont là médisances que les personnages royaux ne peuvent éviter.
    Certainement, l'empereur, durant sa jeunesse, n'a pas mené une vie de saint ; mais comme on prête toujours aux riches, il y a beaucoup d'exagération dans ce que l'on raconte. Il n'aurait pas même eu le loisir de faire le dixième des conquêtes qu'on lui accorde.
    Travailleur acharné et consciencieux, levé à cinq heures du matin, il se consacre jusqu'au déjeuner aux affaires de l'Etat, qui lui prennent encore la plupart de ses après-midi, de ses soirées même. La vérité est qu'il a le coeur faible. Des femmes de tout rang l'ont adoré et souvent il n'a pas eu la force de résister à ces délicieux hommages, faisant ainsi d'involontaires blessures à celle-là même dont il était le plus aimé et qu'il aimait le mieux.
    Au début de son mariage, l'impératrice Elisabeth eut contre lui plus d'un accès de colère et d'indignation. Elle ne montrait pas sa douleur parce qu'elle estime que la jalousie de la femme ne peut que lui enlever l'estime de son mari et la ridiculiser aux yeux de ses rivales ; elle refusait même de reconnaître qu'elle fut négligée. Mais elle souffrait cruellement et ne trouvait de consolations que dans sa foi religieuse.

IV
BELLE-FILLE ET BELLE-MÈRE

    Les incidents des premières années de son mariage, sur lesquelles l'histoire est étrangement silencieuse, expliquent en même temps que sa haine de Vienne, son amour passionné pour tout ce qui est hongrois.
    Il avait été décidé entre les familles que François-Joseph épouserait la princesse Hélène, soeur aînée d'Elisabeth. Ce fut pour être officiellement fiancé à la première que l'empereur se rendit chez son futur beau-père. Mais là, il devint si follement amoureux de la princesse Elisabeth qui, toute jeune, portait encore des robes courtes, qu'il brisa son engagement avec la princesse Hélène.
    Les Viennois auraient préféré une plus grande alliance. Ils considéraient la famille de l'archiduc Maximilien, qui n'était même pas altesse royale, comme indigne de cet honneur. Il en résulta que pendant les dix ou douze premières années de son mariage, la jeune impératrice fut traitée avec froideur, presque avec dédain, par le public, par la haute aristocratie, même par certains membres de la famille impériale, et tout particulièrement par l'archiduchesse Sophie, mère de l'empereur. Celle-ci, femme d'un grand esprit et d'un caractère impérieux, qui exerçait sur son fils une profonde influence, se montra, dès les premiers jours, jalouse de sa belle-fille. Elle alla même si loin dans cette voie qu'elle se mit à la tête de toutes les cabales contre elle, soit pour la ridiculiser, soit pour incriminer les moindres incidents de sa pure et noble vie.
    Ces amertumes, l'impératrice n'a pu ni les oublier, ni les pardonner.
  Ceux qui l'accusent de n'avoir pas de coeur et de préférer à toute autre la compagnie de ses chevaux et de ses chiens, ne connaissent pas les raisons vraies de la retraite dans laquelle elle a vécu. C'est parce qu'elle ne trouvait aucune sympathie autour d'elle qu'elle s'est retournée vers les humbles amis de sa jeunesse, vers ceux qui ne déçoivent, ni ne trompent jamais.
  Ses détracteurs prétendent qu'elle est impitoyable, incapable de tendresse, audessus des émotions humaines. Mais ce ne sont là qu'erreurs et calomnies. Elle est au contraire une des plus nobles femmes qui se puissent rencontrer, très discrète, très brave, très résolue, très généreuse, toujours sincère dans les petites et les grandes choses. On ne peut imaginer, si l'on n'a vécu dans son intimité, quelle grâce infinie elle a et combien ce mélange rare de vivacité et de langueur la rend irrésistible.
    Pour les sujets qui l'intéressent, elle parle bien, même avec éloquence, et déploie sans effort un esprit des plus cultivés. Elle a aussi un réel talent de peintre et de musicienne. Elle joue avec une égale supériorité de la guitare ou de l'orgue et elle chante avec cet accent pathétique qui cause toujours une émotion poignante aux privilégiés admis à l'entendre. Enfin, en dépit de tout ce que l'on a dit à ce sujet, elle a toujours été très attachée à ses enfants.

V
LE MARIAGE DU KRONPRINZ

  Le projet de mariage du kronprinz Rodolphe avec la princesse Stéphanie de Belgique rencontra en elle une vive opposition. La suite a prouvé qu'il eut mieux valu tenir compte de ses avertissements.
    Pendant les fêtes qui précédèrent et suivirent cette union qui devait tragiquement finir, tout le monde remarqua son air abattu ainsi que son attitude froide, presque hostile, à l'égard de sa belle-fille, du roi Léopold, de la reine Henriette.
    Le festival populaire du Prater, donné à cette occasion, fut certainement un des plus beaux spectacles qu'il soit possible de voir. Des milliers et des milliers de gens étaient accourus de toutes les provinces de l'Empire pour assister au défilé de l'imposant cortège, où ne figuraient pas moins de soixante-deux équipages de la cour.
    L'impératrice Elisabeth avait l'air si jeune dans sa toilette claire qu'il semblait impossible d'admettre qu'elle fût la mère du kronprinz. Pendant tout le long trajet elle parla fort peu à la reine Henriette, regardant de droite et de gauche, l'air absent de la fête, avec une secrète angoisse sur ses traits délicats.
    A l'église, elle parut absolument désespérée et, n'y tenant plus, éclata en sanglots. L'empereur était, lui, d'une évidente mauvaise humeur ; et le kronprinz même ne semblait rien moins qu'enchanté. Quant à la princesse Stéphanie, assez mal à son aise, elle gardait un air très insignifiant.
    Le printemps qui suivit fut une époque des plus troublées pour l'impératrice qui ne parvenait pas à vaincre sa tristesse. Seul, un long séjour à Godollo, où elle mena une vie agitée et libre, put dans une certaine mesure rendre le calme à son esprit.

VI
LES DAMES D'HONNEUR

    Tous les matins, l'impératrice assistait à la messe de cinq heures. Puis, après avoir pris une tasse de café noir sans lait, ni sucre, elle montait à cheval accompagnée d'une de ses dames d'honneur et s'en allait galoper longuement à travers le parc aux futaies épaisses. Changeant plusieurs fois de monture, elle restait en selle jusqu'à midi, heure à laquelle elle se plongeait dans un bain froid et lunchait ensuite. Vers quatre heures de l'après-midi elle se remettait en selle et ne rentrait guère que pour le dîner.
    Il est inutile de dire combien dix ou douze semaines de cette existence fatiguaient les plus énergiques de ses dames d'honneur, continuellement obligées d'être par monts et par vaux.
    Le soir cependant, l'impératrice se retirant dans ses appartements, en général, vers dix heures ; nous avions pris l'habitude de nous réunir chez la comtesse Goess, grande-maîtresse de la robe, et d'y rester jusques à deux ou trois heures du matin, riant, causant, fumant des cigarettes et même parfois dansant avec les aides de camp et les gentilshommes du château.
   L'affection d'Elisabeth pour ses dames d'honneur dépend beaucoup de leurs qualités sportives. Pour celles qui montent bien, elle est exceptionnellement indulgente ; mais elle n'a aucune sympathie pour les autres.
    Le seul trait de vanité que j'ai remarqué en elle est l'orgueil de sa magnifique chevelure qui, dénouée, tombe jusqu'à ses genoux. Elle avait l'habitude de la faire brosser tous les jours pendant que Mlle F..., lui lisait des romans anglais, français ou hongrois, et elle tenait follement à ce qu'on ne lui arrachât pas un seul cheveu. Cela était, sans doute, impossible. Aussi son infortunée femme de chambre, alerte et jeune, cachait-elle soigneusement dans la poche de son tablier ces soyeux et précieux fils blonds. Un jour, l'impératrice, jetant un regard dans la glace, aperçut ce manège. Se dressant d'un bond, elle s'écria :
    — Je vous y prends, enfin ! Voilà comment vous abîmez ma chevelure !
    Avec une présence d'esprit qui aurait fait honneur à un diplomate, la femme de chambre répliqua sans hésiter :
    — Je supplie Votre Majesté de me pardonner. Cela ne m'était jamais arrivé. Je désirais seulement avoir une petite boucle des cheveux de ma souveraine pour que ma fillette les porte comme un talisman.
    Que l'impératrice crût ou non à cette explication, elle n'en montra rien, se contentant de hausser les épaules et de sourire. Mais le lendemain, en offrant à sa femme de chambre un médaillon enrichi de diamants, elle lui dit avec un imperceptible air de raillerie dans les yeux :
    — Voici un talisman meilleur. Votre fille le mérite bien pour avoir une mère aussi adroite.

VII
L'IMPÉRATRICE EN VILLÉGIATURE

    Ischl est un des plus jolis sites du monde, et c'est celui que l'impératrice préfère. Au lever de l'aube, il est ravissant ; la nuit, quand la lune se lève doucement sur la sombre forêt de pins et tremble dans les flots rapides, le spectacle est d'une inexprimabre poésie. Elisabeth ne se trouve nulle part heureuse comme là, soit qu'elle aille visiter les chalets haut perchés sur la montagne, soit qu'elle erre à l'ombre des arbres géants couverts de mousse, soit qu'elle rame sur la rivière aux eaux bleues et rapides.
    A la Hofburg, le service des dames d'honneur est des moins fatigants. A part, de temps en temps, une promenade à cheval au Prater, ou une promenade en voiture aux environs de Vienne, il consiste uniquement à se tenir dans un salon adjacent à celui de l'impératrice, pendant le jour ; et, au dîner de huit heures, à occuper un siège à côté d'elle pour prendre soin de ses gants, de son éventail, de son bouquet. Vers dix heures, quand elle se retire dans ses appartements, la dame d'honneur de jour la suit et lui tient compagnie. C'est le moment, en effet, où l'impératrice, qui a déjà fumé cinquante ou soixante minces cigarettes, fume quelques gros et terriblement forts cigares.
    Cette habitude peut passer pour peu féminine, mais elle y trouve un calmant à l'excitation de ses nerfs et ne peut s'en passer. Je note qu'en dépit des prédictions de la Faculté ses dents sont restées de vraies perles.

VIII
ELISABETH ET LES VIENNOIS

    A la fin de l'exposition de Vienne, en 1873, l'impératrice Elisabeth prit à son service un petit berbère, du nom de Mahmoud, qui avait accompagné la mission du gouvernement égyptien en Autriche et qui faisait l'office de page dans le palais du Caire, érigé au Prater que le khédive Ismael offrit à Sa Majesté. Le petit compagnon, avec ses grands yeux noirs, son costume brillant et pittoresque, sa peau brune ressemblait à un bronze de Barbedienne. L'impératrice s'y attacha. Le froid cruel de l'hiver de Vienne ayant attaqué ses poumons, elle le garda, le soigna ellemême, le guérit. Mahmoud, qui adorait littéralement sa maîtresse, ne supportait qu'avec peine de n'être pas auprès d'elle. Cette intense affection avait son revers, car il était jaloux, d'une jalousie irraisonnée, morbide, sauvage. Mais l'horreur de l'aristocratie viennoise ne connut plus de bornes, quand elle le vit devenir le camarade de jeu de l'archiduchesse Marie-Valérie. La fille de l'empereur dans la compagnie de cet africain lippu, c'était plus qu'elle n'en pouvait supporter.
    L'impératrice, informée de l'indignation que causait sa tendresse pour Mahmoud, « son petit scarabée noir », répondit à leurs protestations en faisant photographier les deux enfants : la princesse impériale et le petit esclave, se donnant le bras.
    Cette fois, l'aristocratie viennoise poussa des cris encore plus stridents. Cette bravade accrut considérablement le nombre déjà grand de ses détracteurs. Ce fut à ce moment que l'on commença à répandre le bruit qu'elle n'avait pas tout son bon sens et que ses extravagances étaient des signes certains de folie latente. De cette époque aussi date la rumeur que l'impératrice passait plusieurs heures par jour dans son manège avec Elisa, la célèbre écuyère de haute école qui était l'étoile du cirque Renz, et qu'elle en pratiquait tous les exercices.
    Les faits étaient comme toujours exagérés et dénaturés. Il est vrai que très éprise d'équitation, elle faisait venir Elisa pour monter ses chevaux et pour lui donner des leçons de guides ; mais c'est une calomnie de prétendre, par exemple, qu'elle sautait à travers les cerceaux, comme font les coryphées du Renz.

IX
LA CHARITÉ DE L'IMPÉRATRICE

    Toujours prête à propager contre l'impératrice les plus cruelles absurdités, la frivole société de Vienne ferme volontairement les yeux sur ses innombrables actes de charité.
    Aux premières heures de la matinée, elle se glisse souvent hors de son palais de Vienne ou de Buda-Pesth, pour distribuer elle-même ses aumônes, et accompagnée seulement d'un confident discret. Elle ne connaît pas la peur. Elle va seule dans les quartiers les plus pauvres et les plus sombres, là où vivent les gens qui rêvent d'anarchie et font des révolutions.
    Elle y est, d'ailleurs, parfaitement en sûreté.
    On ne sait qui elle est, en effet, mais son courage, son charme, sa générosité font d'elle un ange pour ces malheureux. Et, certes, aucun n'a jamais soupçonné que cette bonne dame qui les secoure dans leurs besoins, est la froide, la hautaine souveraine, à laquelle la plus haute et la plus basse classe du pays reprochent également une inhumaine indifférence. Que de familles pourtant rachetées par elle ! Que de souffrances guéries ! Que de misères allégées! Que d'enfances sauvées, dans ces bas-fonds de l'empire, où seule elle peut se hasarder sans danger, car c'est là précisément que l'on a appris à l'aimer !
    Aucune calomnie ne peut prévaloir contre cette charité qui est digne de son homonyme glorieux : Elisabeth de Hongrie.

PIERRE BERTRAND.

Invitation à la lecture

(1) Sur l'affaire de Mayerling et les diverses versions de cette terrible affaire, Je vous invite à découvrir les textes peu connus que j'ai réunis dans Rodolphe. Les textes de Mayerling (BoD, 2020).


Voici le texte de présentation du recueil  (quatrième de couverture):


   Suicide, meurtre ou complot ? Depuis plus de 130 années, le drame de Mayerling fascine et enflamme les imaginations, et a fait couler beaucoup d'encre. C'est un peu de cette encre que nous avons orpaillée ici dans les fleuves de la mémoire : des textes pour la plupart oubliés qui présentent différentes interprétations d'une tragédie sur laquelle, malgré les annonces répétées d'une vérité historique définitive, continue de planer le doute.

   Comment s'est constituée la légende de Mayerling ? Les points de vue et les arguments s'affrontent dans ces récits qui relèvent de différents genres littéraires : souvenirs de princesses appartenant au premier cercle impérial, dialogue politique, roman historique, roman d'espionnage, articles de presse, tous ces textes ont contribué à la constitution d'une des grandes énigmes de l'histoire.


Le recueil réunit des récits publiés entre 1889 et 1932 sur le drame de Mayerling, dont voici les dates et les auteurs :


1889 Les articles du Figaro

1899 Princesse Odescalchi

1900 Arthur Savaète

1902 Adolphe Aderer

1905 Henri de Weindel

1910 Jean de Bonnefon

1916 Augustin Marguillier

1917 Henry Ferrare

1921 Princesse Louise de Belgique

1922 Dr Augustin Cabanès

1930 Gabriel Bernard

1932 Princesse Nora Fugger


Le dernier récit, celui de la princesse Fugger, amie de la soeur de Mary Vetsera, est pour la première fois publié en traduction française. Il n'était jusqu'ici accessible qu'en allemand et en traduction anglaise.


Luc-Henri Roger, Rodolphe. Les textes de Mayerling, BoD, 2020. En version papier ou ebook.


Commande en ligne chez l'éditeur, sur des sites comme la Fnac, le Furet du nord, Decitre, Amazon, etc. ou via votre libraire (ISBN 978-2-322-24137-8)


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