Un article paru dans le Journal du 2 novembre 1937
Ce que dit notre signature
« Non seulement l'écriture révèle notre caractère, mais dans notre signature nous répétons inlassablement, sous la forme d'un dessin symbolique, l'image nette de l'objet autour duquel pivote notre activité la plus intime et la plus personnelle. Examinez votre signature, et vous y trouverez sans doute cette image typique. »
M. W. Wolff, jeune savant allemand, auquel nous devons des révélations curieuses sur la voix, la démarche et le visage humains, en relation avec le caractère, me parlait ainsi entre une séance et l'autre du congrès de graphologie qui se tint, sous la présidence de M. P. Janet, de l'Institut, et qui a réuni à Paris nombre de savants de toutes les parties du monde.
« Voyez ce petit papier, fait, à présent, M. Wolff, sortant de sa serviette bourrée de documents une vraie collection de signatures d'hommes et de femmes célèbres, de toutes époques.
» Voici la signature du malheureux Louis II de Bavière, protecteur de Wagner, le roi fou, le dément magnifique « venu en ce monde trop tôt ou trop tard ».
» Le L majuscule de son prénom montre exactement la silhouette d'un cygne. Or, depuis toujours le cygne fut l'emblème de la royauté et de la solitude. Partout, dans les châteaux qu'il faisait construire pour lui seul et qui épuisaient toutes les ressources de l'Etat, Louis II faisait peindre des cygnes. Son enthousiasme pour Wagner ne date-t-il pas de l'audition de Lohengrin, où le cygne joue son rôle ? Pour mourir même, enfin, le roi se jeta dans un lac, hanté par ces oiseaux orgueilleux et solitaires.
» Tenez, dans la signature de Charles-Quint ressortent parfaitement une croix et un sabre menaçants ; dans celle de Udet, le grand aviateur, des loopings combinés, dans celle de Malcolm Campbell des courbes prises à grande vitesse, et, à la fin, un coup de frein énergique. Voici encore celle de la divine Suzanne, dont la signature exprime deux drives de tennis croisés.
Franz Liszt entrelaçait à sa signature son profil caractéristique et l'écriture musicale n'est pas moins révélatrice : celle de J.-S. Bach exprime le calme, la sérénité grave de sa musique ; tandis que celle de Beethoven révèle une âme tumultueuse secouée par des orages surhumains.
» Nous avons d'ailleurs répété mille fois cette expérience : ayant examiné le caractère d'un sujet à la lumière de notre science, nous avons prié ce même sujet de tracer sur le papier un dessin inconscient, un griffonnage quelconque.
Eh bien, ce griffonnage porte les mêmes caractères personnels décelés par l'écriture, aussi immuables que des empreintes digitales sur un papier gras. »
D'autres choses bien curieuses nous ont été révélées au cours de ces séances.
Saviez-vous que l'amour n'osant pas dire son nom se découvre par des triangles symboliques dans l'écriture ? Les maladies aussi peuvent être diagnostiquées de la même façon, et les voleurs dévoilent dans leurs manuscrits l'attention qu'ils portent à.ce qui ne leur appartient pas. La prophylaxie criminelle peut tirer de cela des données très utiles.
Dans une communication fort intéressante sur l'écriture tracée avec un autre organe que la main, Mlle R.-A. Schuler a présenté M. Ludwig Preyer, qui s'est exercé à écrire avec les pieds, les coudes, le genou et la bouche, y parvenant avec des efforts suivis, malgré la grande difficulté pour atteindre l'agilité, l'indépendance et l'énergie nécessaires. De ces signes malhabiles, rappelant les lettres gauches des écritures enfantines ressortent des ressemblances essentielles avec l'écriture à la main, et ces tentatives évoquent curieusement les inscriptions cunéiformes des anciens. On peut se demander même si, primitivement, la maladresse naturelle des membres ne conduisait pas à ce genre de graphisme, ou bien si les primitifs n'ont pas commencé à écrire avec les pieds, réservant la main pour des usages plus courants.
Le sens de la mort dans l'écriture, la réglementation de la profession de graphologue dans certains pays, en Allemagne notamment, les gribouillis des enfants et leurs significations, les rapports entre l'hérédité et la graphologie, voilà les sujets bien graves que l'on a discutés à ce congrès, dans le langage technique et avec la solennité, la précision de toute autre assemblée savante.
La graphologie, dont les fondements, ne l'oublions pas, furent jetés par le Français Hippolyte Michon, en 1873, a cessé d'être une amusette de salon pour servir à projeter un peu plus de lumière sur l'homme, « cet inconnu » dont on n'a pas encore épuisé tous les secrets et les mystères.
Ferdinand REYNA.
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