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jeudi 2 avril 2020

Richard Wagner et Louis II de Bavière à l'Hôtel de Beauharnais, rue de Lille à Paris

Crédit photographique : travail personnel de Jospe posté sur wikicommons
À 13 ans de distance, Richard Wagner et Louis II ont tous deux logé à Paris à l'Hôtel de Beauharnais, situé au 78 de la rue de Lille. Et tous deux y furent accueillis par des diplomates au service de Berlin : Wagner par le comte et la comtesse de Pourtalès, Louis II par l'ambassadeur d'Allemagne à Berlin, le prince Clovis Charles Victor prince de Hohenlohe-Schillingsfürst, lui-même d'origine bavaroise et que le roi de Bavière connaissait bien puisqu'il avait dirigé son gouvernement de 1866 (après la défaite de Sadowa) à 1870, année où il fut mis en défaite à la Chambre suite à son opposition au dogme de l'infaillibilité pontificale qui avait provoqué une réaction cléricale.

Wagner y dormit dans une " jolie chambrette ". On peut imaginer que les appartements préparés pour le roi Louis II disposaient de plus d'espace...

Cygnus atratus (cygne noir d'Australie)
Crédit photographique J.J. Harrison
Richard Wagner

Wagner a raconté dans Mein Leben (Ma vie) les circonstances de son séjour dans le somptueux immeuble qui était alors la résidence de l'ambassadeur de Prusse à Paris. Après le fiasco de ses tentatives pour se faire jouer à Paris,— le Tannhäuser de mars 1861 —, Wagner, qui avait été discrètement soutenu par le comte Albert de Pourtalès (1812-1861), ambassadeur de Prusse, et sa femme Anna, née Bethmann-Hollweg (1827-1892), dans les soucis d’argent et sans domicile, fut, à l’instigation de la comtesse de Pourtalès, accueilli trois semaines à l’ambassade de Prusse, du 11 au 30 juillet 1861 :

 « On m’y donna une jolie chambrette avec vue sur le jardin et d’où l’on apercevait les Tuileries. Dans le bassin se baignaient en solitaires deux cygnes noirs qui me plongeaient dans une douce rêverie. […] J’y composai deux pages d’album : l’une, destinée à la princesse Metternich […] l’autre, dédiée à la comtesse de Pourtalès, a été perdue ».

La page d'album pour piano consacrée à la comtesse de Pourtalès, composée et dédicacée par la main du Maître, a été retrouvée. Elle est datée du 29 juillet 1861. Elle comporte en fait trois pages, une page de dédicace et deux pages de musique. Son titre , Ankunft bei den schwarzen Schwänen [WWV 95], est la première ligne du texte de la dédicace à la comtesse de Pourtalès : 

« Ankunft bei den schwarzen Schwänen.
Seiner edlen Wirthin
Frau Gräfin von Pourtalès
zur Erinnerung
von
Richard Wagner »
[« Arrivée chez les cygnes noirs. À sa noble hôtesse Madame la comtesse de Pourtalès, en souvenir de Richard Wagner »]

On y retrouve, — c'est en 1861 de circonstance— , comme une réminiscence du  thème du motif de salutation d’Elisabeth (« Sei mir gegrüsst ») dans Tannhäuser. Cette page pour piano fut publiée à Leipzig en 1897.

Un des biographes de Wagner, Guy de Pourtalès, évoque ce séjour dans Wagner, histoire d'un artiste. Wagner est revenu à Paris en juillet 1861 pour empaqueter ses caisses :

" ... [] Grâce aux efforts d'Albert de Pourtalès, un passeport prussien lui fut remis qui lui rouvrait l’accès de l'Allemagne. Depuis dix ans il attendait cette amnistie, et la joie, à présent, en paraissait éventée, comme il arrive pour ce qui a été désiré trop longtemps. Il envoya Minna à Dresde et fit un séjour de trois semaines chez les Pourtalès. On mit un salon tranquille à sa disposition, prenant vue sur le jardin où trois cygnes d'Australie nageaient dans un bassin. On y installa son Erard - son «cygne » à lui - et il composa pour son hôtesse L'Arrivée chez les cygnes noirs. «Je suis considéré comme faisant partie de la famille », écrit-il à Mlle de Meysenbug ; « je sens un bien-être passager à cause du silence agréable de cette maison... Être seul, tout à fait seul, voilà tout de même mon unique désir. Je suis extraordinairement las. Deux belles années ont été gaspillées en pure perte. Mais ce qui a été perdu pour l’art, peut-être la vie l’a-t-elle regagné... »

Il put enfin revoir l'Allemagne après douze ans d'exil.

A noter que le manuscrit autographe offert à la comtesse de Pourtalès fut récemment mis en vente par les collections Aristophil, source partielle du texte qui précède. Voir la photo de la page de dédicace sur le site des collections Aristophil.

Louis II

Le roi Louis II fit un voyage à Paris les dix derniers jours du mois d'août 1874. Premier souverain allemand à visiter la France après la guerre de 1870-1871, il voyagea incognito sous le pseudonyme du Comte de Berg. Le but de son voyage fut seulement touristique. Il fut accueilli par le prince de Hohenlohe à la gare de Strasbourg et par son épouse à l'hôtel de Beauharnais. Il visita les principaux monuments et musées parisiens, et surtout se rendit à Versailles où il demanda qu'on fît jouer les grandes eaux. Son projet du château de Herrenchiemsee était déjà en cours et il rêvait de voir Versailles, qu'il n'avait pu visiter lors de son précédent séjour parisien, lors de l'Exposition de 1867.

L'hôtel de Beauharnais a conservé sa décoration en style napoléonien d'origine et les personnes qui sont admises à la visiter peuvent aujourd'hui admirer le cadre somptueux dans lequel Wagner et Louis II ont eu le privilège de résider. Une vidéo postée par Anticstore sur youtube, en permet une visite virtuelle  et, toujours sur youtube, on trouve un enregistrement de la page wagnérienne interprétée par Alexander Lonquich.



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