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mercredi 1 avril 2020

Il y a 150 ans - Les Bavarois me font mourir de rire, un article du Charivari

Illustration du Charivari du 4 août 1870
 (Source : Gallica, BnF)
Un article du Charivari du 2 août 1870.

Il y a 150 ans, à l'été 1870, l'Empire français déclarait la guerre  au royaume de Prusse. La Bavière, alliée à la Prusse, devait selon les accords passés prêter main forte à sa puissante voisine du Nord. La guerre venait de commencer le 19 juillet et la presse française voit encore le pays victorieux. La France va donner une raclée à ces amateurs de choucroute ....

Le journal satirique Le Charivari s'en donne à coeur joie dans cet article dans lequel le journaliste Arthur Pougin s'attaque au roi Louis II de Bavière, sans avoir pourtant révisé son histoire puisqu'il fait de Louis Ier le père de Louis II, alors que le roi amateur de jolies femmes était son grand-père... Curieux car Pougin fut à la fois critique musical et journaliste. Pougin s'attaque également au compositeur favori du roi, " son Etourdissance Richard Wagner ".

LES BAVAROIS ME FERONT MOURIR DE RIRE

     Je confesse que j’adore les Bavaroises. 
     A la crème, avec un peu d’eau de fleur d’oranger, bien chaudes et bien sucrées, c’est un vrai régal pour moi. Au chocolat, avec une au deux douzaines de biscuits (non purgatifs), elles me procurent encore un certain plaisir. 
     Mais, et malgré des relations déjà anciennes, toute l’affection que je ressentais pour les Bavaroises s’est reportée depuis peu sur les Bavarois. 
    Vous allez comprendre pourquoi. 
   Vous savez tous aussi bien que moi que les Allemands ne sont pas généralement d’une gaieté folle et que les Bavarois particulièrement n’ont jamais rien fait pour nous faire épanouir la rate. Le père du roi actuel avait pour.... amie une maîtresse femme qui vous menait les gens à la baguette, c’est-à-dire à la cravache, et qui faillit le faire mettre à la porte de ses Etats pour avoir voulu s’y conduire trop cavalièrement. Il est vrai que cette donzelle, appelée Lola Montès, était une ancienne écuyère. 
   Le fils de ce souverain, le roi actuel de Bavière, est encore, s’il est possible, moins gai que son estimable père. Celui-ci veut se faire passer pour un dilettante, un mélomane, et c’est dans ce but qu’il a attiré à sa cour Son Etourdissance Richard Wagner, dont il s’amuse (?) à faire jouer tous les ouvrages en faisant payer les frais de représentation par ses contribuables. Mais je n'ai pas ouï dire jusqu’ici que Tannhaüser, Lohengrin et le Vaisseau fantôme prêtent à rire seulement pendant cinq minutes et soient de nature à faire concurrence un seul instant à Arnal et à Mme Thierret. 
   Mais voici où la question change de face et où le jeune roi Louis II semble arborer ce qu’on pourrait appeler sa seconde manière. Celle-ci est tout simplement délirante, et les deux premiers échantillons qu'il nous en donne peuvent fournir une idée de la valeur de ce qui suivra. 
   Premier échantillon. — A la suite de la déclaration de guerre qu’il s’est attirée de la part de la France, le roi de Prusse— qui est un malin — écrit à son copain le roi de Bavière pour lui annoncer qu’il veut bien prendre le commandement de son armée et l’engage à tenir celle-ci prête à tout événement. » Que Dieu bénisse nos armes, lui dit-il, dans les hasards de la guerre. » 
   Le roi de Bavière aurait pu répondre : « — Que le bon dieu vous bénisse vous-même ! » Cela aurait eu l’immense avantage de ne vouloir rien dire et de vouloir dire beaucoup, ce qui est, comme on sait, le triomphe de la diplomatie. 
   Il a préféré répliquer par un télégramme qui commence ainsi : « Votre communication fait naître en moi l'écho le plus joyeux. » 
   Vous voyez ça d’ici. Le roi de Bavière va faire casser la mâchoire à ses soldats pour le plus grand plaisir du roi de Prusse— et cela fait naître en lui l’écho le plus joyeux ; 
   Il va dépenser à ce petit jeu une cinquante de millions que ses fidèles sujets seront obligés de payer — et cela fait naître en lui l’écho le plus joyeux. 
   Il expose son pays à une invasion pour une cause qui n’est pas la sienne et pour une chose qui ne le regarde en aucune façon — et cela fait naître en lui l’écho le plus joyeux. 
   Vous voyez bien que le roi de Bavière devient folichon et que la gaieté commence à lui venir. 
   Mais ce n’est pas tout. En annonçant à « son cousin » qu’il était prêt à l’aider, le jeune roi lui faisait pourtant savoir qu’il mettait à son concours quatre conditions, parmi lesquelles se trouvait celle-ci : La Bavière aura une part dans l'indemnité de guerre éventuelle
   Ah ! pour le coup, je n’y tiens plus, et je me tords de rire. Voyez-vous le jeune souverain qui règne à Munich se figurant déjà que ses soldats sont campés à Saint -Maur ou casernés à la Nouvelle-France, et réclamant une part dans l’indemnité éventuelle (ce mot-là est pourtant gentil de sa part) que nous pourrons avoir à payer à son allié ! 
  Ah! celle-là est trop jolie par exemple, et j’avoue que je ne peux conserver mon sang-froid plus longtemps. 
   Oui, chéri, tu auras ta part de ce que la France réserve à la Prusse; oui, sois tranquille, on pensera à toi, on ne te frustrera pas ; seulement cette part-là, je l’espère, ce sera celle d’une forte pile en la naturel majeur, avec trois dièzes à la clef, que tu recevras en compagnie de ton vieil ami, et dont ton autre ami Richard Wagner peut se mettre dès aujourd’hui à écrire les accompagnements. 
   Oui, tu seras servi à souhait, oui, tu auras ce que tu demandes, et peut-être plus que tu ne demandes. Seulement, je t'en conjure, ne continue pas sur ce ton-là, parce que j’ai assez ri et que ça me ferait mal de rire davantage. Mais c’est égal, va, pour une fois, je t’assure, tu m’as crânement amusé. 

Arthur Pougin. 

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