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mercredi 18 septembre 2019

Quand Léon Bloy évoquait le roi Louis II de Bavière et son soutien à Wagner

Léon Bloy vers 1906
Le romancier et essayiste français Léon Bloy (1846-1917), réfléchissant sur le manque de soutien du pouvoir aux artistes, évoquait le roi Louis II de Bavière et sa protection de Richard Wagner dans Belluaires et porchers, un recueil d'articles littéraires publié en 1905 et depuis souvent réédité dans lequel l'essayiste s'attaque avec férocité à la société bourgeoise et à sa décadence. 

"Je ne peux pas me flatter d'être un républicain d'une bien excitante ferveur, mais, enfin, les maîtres, quels qu'ils soient, qu'on nous a donnés, laissent encore les artistes à peu près tranquilles, quand la magistrature est assez assise pour ne pas montrer trop de sa pudeur. On peut, en s'y prenant bien, publier un livre d'art sans aller au bagne

Mais nous serions, à coup sûr, moins favorisés par un très-grand prince qui tremblerait devant la canaille des Parlements ou des sacristies dans son carcan d'idole voleuse. Napoléon, lui-même, l'Etre étonnant dont tout est dire, qu'a-t-il donc fait pour la Pensée en ses quinze ans de toute-puissance ?

Je n'en vois qu'un seul de ces Pharaons européens qu'on puisse nommer, à ce point de vue, sans vomissement, et Dieu sait s'il fut un prodige assez lamentable! C'est le petit roi vierge de Bavière, protégeant Wagner avec faste pour l'amour de sa musique et de ses poèmes, où il croyait se deviner en le chaste Lohengrin. Cet étrange souverain, malheureusement toqué, paraît avoir été le seul roi propre en ce triste siècle. Il eut l'indicible honneur de se ruiner lui-même, non pour des catins, mais pour un grand homme qui, sans lui, serait mort obscur, et même de ruiner un peu, du même coup, ses sujets allemands qu'il creva d'impôts, jugeant avec grandeur qu'il valait mieux embêter les boutiquiers de Munich que ne pas faire entendre Parsifal.

Les artistes, ces grands inutiles, ainsi que les renomme la salope sagesse des emballeurs et des négriers, ont absolument besoin d'un pavillon qui les protège et d'une providence humaine qui les empêche de mourir de faim.

Quand les rois ou les puissants, dont c'est le devoir, viennent à leur manquer, ils périssent aussitôt de leur belle mort, ou ils tombent dans les crucifiantes mains, dans les redoutables et profondes mains, en forme de cercueil, des impresarii."

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