Matija Meić (Marcello), Camille Schnoor (Mimi). Crédit photo Marie-Laure Briane |
Un rideau d'avant-scène totalement couvert de graffitis enchevêtrés et stylisés blancs et noirs accueille les spectateurs. Viennent y défiler en surimpression les visages géants, eux aussi couverts et déformés par des graffitis, des protagonistes. Quand il se lève, on se trouve dans l'appartement partagé par Rodolfo, Marcello, Schaunard et Colline, une pièce que le peintre Marcello a couverte des murs aux plafonds de graffitis qu'il n'arrête pas de recouvrir d'autres graffitis et auxquels il ajoute constamment des détails avec une compulsion de perfectionniste. Les meubles sont tout aussi graffités et le corps du peintre est lui-même entièrement recouvert de tatouages. Les quatre artistes semblent apprécier les froidures hivernales puisqu'ils ont démonté toutes les fenêtres, trous béants sur le Paris hivernal. Une énorme ampoule à incandescence assure l'éclairage de la pièce.
Le groupe d'artistes ne semble pas trop souffrir de la faim. Le poète Rodolfo arbore une grande montre en or et travaille à ses oeuvres sur une tablette. Le musicien Schaunard, en ce soir de Noel, débarque les mains chargées de sacs des Galeries Lafayette contenant moultes victuailles, du vin et des cigares et l'argent qu'il vient de gagner. Et quand le propriétaire de l'appartement vient réclamer le loyer, ils l'éconduisent tout en le payant. Ce déplacement du temps et de la teneur de l'action vers le bel aujourd'hui et sa société d'abondance ne manque pas de faire question au début de la représentation. Ce n'est plus vraiment la faim et la misère la plus absolue qui tenaillent le groupe d'artistes. Mais très vite ce qu'on avait pu craindre de ce détournement du livret et du propos d'origine s'avère efficace, car la mise en scène centre son propos sur la misère psychique des acteurs du drame , sur leurs problèmes relationnels, sur leur difficulté à communiquer, sinon sur leur immaturité. Et, dans les beaux décors très efficaces de Friedrich Eggert, qui nous noient dans une mer de graffitis entrelacés, les personnages se dessinent et prennent leurs contours tragiques. Le traitement des deux couples, Marcello et Musetta, et Rodolfo et Mimi, est particulièrement réussi. Ces couples qui se séparent, ou veulent se séparer sans y parvenir, leur pauvreté affective apparente qui cache un amour profond, la jalousie morbide de Rodolfo, la fierté de Mini, le caractère très entier de Marcello et l'extravagance libertaire de Musetta, tout cela est magnifiquement mis en valeur. La misère sexuelle est également soulignée, celle du propriétaire dont le couple va à vau-l'eau ou celle du riche amant de Musetta qui le traite en esclave payeur, et plus profondément, le problème de la santé de Mimi, ou ceux de ces jeunes que l'on voit sortir drogués et alcoolisés de la boîte de nuit où danse Musetta et dont Marcello redécore, avec des graffitis bien entendu, les vitres de toutes les fenêtres. Soulignons au passage le joli chiasme réalisé par le décorateur : les fenêtres absentes de la mansarde hyper graffitée en opposition avec le mur extérieur nu de la boîte de nuit porteur de nombreuses fenêtres graffitées. Friedrich Eggert, qui réussit aussi admirablement bien les changements de décors qui s'opèrent tout en douceur, a fait du fort beau travail. C'est aussi le cas du grand costumier qu'est Alfred Mayerhofer, qui a su rendre la touche hype d'une société fortunée qui éprouve le besoin de se distinguer par son vestimentaire tout en parvenant à coller au caractère des protagonistes par la réalisation de leurs costumes. Mayerhofer traite la scène chez Momus, transformé pour l'occasion en un bar branché où interviennent les chœurs, avec une déferlante de couleurs et une luxuriance de détails vestimentaires, un pur bonheur. La distribution de cadeaux est faite par un figurant déguisé en sapin de Noël des plus réussi. Et comme Noël s'est paganisé, on bénéficie aussi du déshabillage d'un indispensable stripper bodybuildé.
Camille Schnoor chante une Mimi très intériorisée, toute en finesse, avec une justesse de ton et un magnifique jeu d'actrice qui nous fait assister à l'évolution de la maladie de la jeune femme à laquelle elle donne une intensité poignante. Le chanteur américano-philippin Arthur Espiritu interprète un Rodolfo fragile et inquiet, remarquable de sensibilité dans l'expression d'une jalousie qui ne fait que cacher un trop plein émotionnel, avec un beau ténor d'une grande souplesse et de belles couleurs. Le Croate Matija Meić livre un superbe Marcello avec un baryton puissant et sonore et une immense présence scénique, que l'on retrouve dans l'interprétation de l'excellente Musetta de Jasmina Sakr. Avec une telle équipe, la montée de l'émotion est garantie et le dernier acte prend le public aux tripes et à la gorge. Une soirée bouleversante !
Agenda et billetterie en ligne : cliquer ici (deux distributions).
Camille Schnoor chante une Mimi très intériorisée, toute en finesse, avec une justesse de ton et un magnifique jeu d'actrice qui nous fait assister à l'évolution de la maladie de la jeune femme à laquelle elle donne une intensité poignante. Le chanteur américano-philippin Arthur Espiritu interprète un Rodolfo fragile et inquiet, remarquable de sensibilité dans l'expression d'une jalousie qui ne fait que cacher un trop plein émotionnel, avec un beau ténor d'une grande souplesse et de belles couleurs. Le Croate Matija Meić livre un superbe Marcello avec un baryton puissant et sonore et une immense présence scénique, que l'on retrouve dans l'interprétation de l'excellente Musetta de Jasmina Sakr. Avec une telle équipe, la montée de l'émotion est garantie et le dernier acte prend le public aux tripes et à la gorge. Une soirée bouleversante !
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