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mercredi 7 novembre 2018

Charles de Wurtemberg - Le roi spirite qui ne voulut pas subir le sort de Louis II de Bavière.



Un article potinier paru dans Le Matin du 18 octobre 1891.

LE ROI SPIRITE

DÉTAILS INÉDITS SUR LA VIE DE CHARLES II DE WURTEMBERG 

Etrange testament - Charles II et Mme Fritz - Deux favoris - La maison des spirites - Reconnaissance royale - Le nouveau souverain.

STUTTGARD, 17 octobre - Par service spécial. 

Maintenant que le roi Charles de Wurtemberg est mort et que son étrange testament a fait parler tout le monde, il est permis de publier, sur la vie de ce monarque, certains détails connus seulement de son entourage et de ses intimes.

Homme mystique, d'une intelligence médiocre, Charles II monta sur le trône le juin 1864, à la mort de son père le roi Guillaume. Il inaugura son règne par le bannissement de la maîtresse du défunt roi, Mlle Stubenrauch, artiste dramatique, et celui du fameux écrivain Hacklaender.

Il exécutait ainsi les ordres de sa femme, la reine Olga, née Olga Nicolajevna, grande-duchesse de Russie, sœur du feu tsar Alexandre II.

Mlle Stubenrauch avait offensé la souveraine en disant, à un bal de la cour, que la maîtresse d'un roi valait bien une grande-duchesse. Quant à M. Hacklaender, son crime était d'avoir servi de compagnon de plaisir au roi Charles.

Le mariage du prince héritier avec une fille de Nicolas Ier avait été fait par le prince Gortschakoff, alors ambassadeur de Russie à la cour de Wurtemberg. L'empereur NiJolas, très satisfait de cet. événement, favorisa la carrière de l'habile diplomate qui devint plus tard chancelier de t'empire russe. Pendant quelque temps, là roi Chartes subit avec une telle docilite la domination de sa femme qu'on ne l'appelait pas autrement que « le roi Olga ». Mais il se lassa de cette servitude et chercha des distractions au dehors.

Fille d'un roi et d'une concierge.

Vous n'avez pas oublié le fameux procès de la baronne de Becke, jugée il y a un an environ, à Vienne, sous l'inculpation d'escroqueries. Cette baronne était la fille d une concierge de Baden-Baden, Mme Fritz; son père était le roi Charles.

Le procès fut étouffé. Cependant le scandale eut un si grand retentissement que l'empereur François Joseph s'en mêla personnellement et exila de ses Etats cette encombrante personne.

Au cours des débats; on donna lecture d'une lettre de la baronne, datée de Paris, où elle écrivait à sa mère : « Je me suis présentée, ici, à Paris, pour le concours de beauté et, le même soir, j'ai fait la connaissance d'un homme très- chic qui m'a offert un bracelet de 2,000 francs, m'a conduite au bal de l'Opéra et m'a donné beaucoup d'argent. Chose drôle, cet homme-là était aussi un roi, comme papa, mais seulement un roi en exil. »

Le roi Charles était forcé de payer des sommes considérables pour cette fille illégitime car, partout où elle passait, elle faisait des dettes et commettait des escroqueries. Pour éviter les ennuis, le pauvre roi payait à Paris, à Berlin, à Munich, à Londres, etc. Il ne réussit a se débarrasser de cette fille gênante qu'en la faisant enfermer comme folle dans un établissement voisin de Cologne.

Je n'ai pas à vous parler de la politique de Charles Ier, non plus que de la lettre fameuse qu'il adressa, en 1866, à Guillaume Ier, roi de Prusse, où il le suppliait de lui pardonner ses « erreurs », et de lui conserver son trône. Il était devenu un fidèle allié de l'empereur d'Allemagne, s'occupait à peine de son gouvernement, et semblait avoir cédé tout pouvoir à la Prusse.

En 1888, le roi Charles fit la connaissance d'un jeune Américain nommé Jackson, attaché à la légation des Etats-Unis à Stuttgard. C'était un très joli garçon, sans moustache ni barbe, qui avait tout à fait l'air d'une jeune fille habillée en homme. Le vieux roi s'éprit de lui follement et lui donna des titres et des décorations autant qu'il en voulut. Cet Américain avait pour ami un de ses compatriotes, nommé Woodcock-Savage, que le roi prit aussi en affection, et qu'il fit baron wurtembergeois, décoré de tous les ordres du royaume.

Profitant de la faiblesse de leur royal protecteur, les deux jeunes gens l'initièrent aux mystères du spiritisme. Le monarque acheta à Stuttgard une maison qui coûta deux millions de marks, où il les installa princièrement, et, chaque soir, il venait chez eux pour mettre en pratique les préceptes d'Allan Kardec. Le roi n'avait pas de fortune personnelle, et c'était sa femme qui devait garantir toutes les dépenses de son mari qui, à la fin, furent payées par l'empereur de Russie.

L'âme de Mme de Pompadour.

Ce qui se passait dans cette maison était presque incroyable. Voici, entre autres, un fait absolument authentique.

Il y a un peu plus de deux ans, le prince Henri de Prusse, frère de l'empereur Guillaume II, vint inopinément à Stuttgard. Très lié avec le vieux souverain, il demanda, au palais royal, où était Sa Majesté. On lui répondit que le roi devait se trouver chez les « Américains ».

Le prince Henri se rendit dans cette maison qu'il connaissait bien, et sans vouloir se faire annoncer, il pénétra, à l'improviste, dans le salon où était le souverain de Wurtemberg. Un spectacle étrange frappa ses regards: le roi était nu, habillé seulement d'une grande étoile en papier doré collée sur son ventre et ses deux amis portaient le même costume. Il y eut un moment de confusion puis, le roi Charles, s'approchant de son impérial visiteur, lui dit, d'un air penaud « Pardonnez-moi, Altesse impériale, de ne pas être en grande tenue pour vous recevoir dignement, mais mes amis et moi nous étions en train de converser avec l'âme de la marquise de Pompadour. »

A Nice.

A Nice, où le roi de Wurtemberg se rendit durant les hivers derniers, des scènes semblables se reproduisaient chaque soir, ce qui n'empêchait pas le baron de Woodcock-Savage de perdre à la roulette, pour le compte de Sa Majesté, des sommes importantes placées sur les numéros indiqués par les esprits.

A la fin, ce scandale prit de telles proportions que le premier ministre, M. de Mittnacht, se rendit auprès du roi et le plaça dans la rigoureuse alternative de renoncer à la couronne ou de renvoyer ses favoris américains. Ne voulant pas subir le sort du malheureux Louis de Bavière, le roi Charles sacrifia ses amis, qui furent chassés de Wurtemberg et de l'empire d'Allemagne, non sans avoir reçu, sur la volonté expresse de Charles II, une indemnité de plus d'un million,de marks.

Tout récemment, quand, on a ouvert le testament du roi défunt, ,on a constate, non sans surprise, qu'il léguait une somme, considérable aux deux Américains, « les seuls gens au monde qui lui ont procuré du plaisir et de la félicité sur cette terre », ainsi que le dit le texte même du testament. De par la loi wurtembergeoise, le nouveau roi Guillaume II est tenu d'exécuter la volonté de son oncle, et les adroits Américains doivent bénir le jour où le destin les a conduits à Stuttgard,

Le successeur de Charles Ier.

Le nouveau monarque est un camarade de collège de notre ami le baron Edouard d'Orgies-Ristemberg, cousin de Mlle de Kolzebue, chargé d'affaires de Russie à Paris. Le roi Guillaume est un homme charmant et simple; il adore le schnaps et la vie facile, dédaignant la politique et les occupations fatigantes. Malheureusement, il n'a pas de fils et, après sa mort, le Wurtemberg, s'il n'est pas absorbé par la Prusse, tombera sous le sceptre d'un roi catholique, le duc Albrecht, fils aîné du duc Philippe, qui appartient à la ligne catholique de la maison royale actuelle.

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