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mardi 16 octobre 2018

Cora Pearl et le roi Louis II de Bavière

Cora Pearl photographiée par Disdéri
La célèbre courtisane Cora Pearl (née Emma Élizabeth Crouch  à Londres en 1835 et décédée à Paris le 8 juillet 1886) aurait en 1867 tenté sans succès de séduire le roi de Bavière de passage à Paris. 

Pour présenter cette intéressante personne, nous retranscrivons le portrait qu'en donnait à cette époque la revue Les Modes parisiennes et les paragraphes qu'y consacrent deux biographies françaises du roi de Bavière.

La revue Les Modes parisiennes dressait un portrait sans fard de la demi-mondaine dans son édition du 25 avril 1868. 

" [...] Miss Cruch n'est point la première venue; mademoiselle Cora Pearl peut se flatter de figurer parmi les célébrités de notre dix-neuvième siècle. Paris actuel ne consentirait plus à vivre si cette étoile venait à filer ou à s‘éteindre.

Pour ceux qui, par impossible, ne connaîtraient pas miss Cruch, il faut le rappeler, c’est une petite Anglaise qui est fort originale, en ce sens qu’étant brune elle paraît être blonde. C’est elle qui a mis à la mode l'art de changer la chevelure couleur aile de corbeau en cheveux d‘or. Comment y est-elle parvenue? Avec le savoir d'une magicienne et une série de petits pinceaux. Le fait est que sous le rapport de la tignasse on la prendrait volontiers pour celle que le vieil Anacréon appelle "Cythérée la blonde". En ce qui concerne la figure, c‘est un masque assez incorrect : le nez gros, un peu évidé en bouchon de carafe, le front trop bombé, les lèvres grosses; mais l'œil, bien ouvert, a un charme satanique, et l'ensemble du visage est animé de la flamme qui passionne les sociétés vieillies. Quant au corps, il est d'une forme parfaite.

Cora Pearl en Cupidon
On a été à même d'en juger un jour, l'an dernier, lorsque mademoiselle Cora Pearl, cédant au caprice de monter sur les planches d'un théâtre, joua aux Bouffes Parisiens le rôle de l‘Amour dans l'Orphée aux enfers de maître Jacques Offenbach.

Ce soir-là toute la jeunesse dorée était sous les armes, c'est-à-dire assise à l'orchestre, une lorgnette à la main. M. Henri de Pène a passé en revue ces beaux-fils et imprimé leurs noms, tous plus blasonnés les uns que les autres. Quel honneur pour les débris de la vieille noblesse d’accourir ainsi, afin de tomber en pâmoison devant le corps demi-nu d’une petite comédienne de hasard, la plus britannique et la plus maquillée qu’en eût jamais vue à Paris! Je suis l'Amour! chantait miss Crunch, en mêlant au poème un petit accent anglais fort mordant. - Et deux cents jeunes marquis, ducs et comtes étaient grisés d'enthousiasme, comme s'ils eussent coupé les lauriers de Bouvines ou vidé chacun un flacon de vin d'Aï après la bataille de Toulouse.

Un soir on siflla.

Revenant tout simplement à la vie aimable de Paris, loin des aspics du théâtre, mademoiselle Cora Pearl a repris ses belles allures. Je la vois, tu la vois, il la voit, nous la voyons, ils la voient. C’est elle qui excelle à conduire au bois, en côtoyant le lac, un attelage de petits cheveux couleur pain grillé , qui ont l‘air de levrettes lamartiniennes, tant ils sont légers. C'est elle qui porte, à l'instar de l'Uranie de Raphaël une couronne de diamants sur le front. C‘est elle qui commande des camées  portant dans leur cadre des figures d'impératrice et d'hétaïres antiques, et ce merveilleux éventail qui vient de mettre en l’air les robins du palais de justice.

On a beaucoup parle depuis quelque temps de la parole de saints hommes et de leur autorité sur les rejetons des grandes familles : le P. Lacordaire, le P. Félix, le P. Hermann, le P. Hyacinthe, le P. Gratry
et vingt autres pères pleins d‘onction. Croyez que notre jeunesse en gants blancs se laisse encore mieux persuader par  miss Crunch. [...] "

Jacques Bainville consacre un paragraphe à Cora Pearl au chapitre III de son Louis II de Bavière paru chez Flammarion en 1900.

" Des actrices, des aventurières de tous les étages, qui s’étaient juré de triompher du roi, ne furent pas plus heureuses. Louis II opposait à ces entreprises un dédaigneux noli me tangere. « Ne touchez pas à la Majesté », fut le mot dont il écarta un jour une dame indiscrète. Mais rien ne décourageait les prétendantes, et il en venait de partout. La célèbre Cora Pearl eut l’idée qu’elle pourrait jouer en Bavière un rôle au moins aussi brillant que celui de Lola Montez. Elle posa sa candidature avec portraits et documents à l’appui on ne lui fit même pas l’honneur d’une réponse. Cora Pearl eut pour consolation de se dire que d’autres porteurs de sceptre avaient été moins inaccessibles. "

Dans son Louis II de Bavière paru chez Lattès en 1987, Pierre Combescot se fait plus précis et donne les circonstances des envois de Cora Pearl au roi de Bavière. La courtisane aurait aperçu Louis II lors d'une représentation de la Vie parisienne aux Variétés  en 1867, alors que le roi de Bavière est à Paris pour y visiter l'Exposition universelle:

"Mlle Cora Pearl, depuis que le roi est entré dans la salle, n'a pas détourné de lui son regard. Cette belle Anglaise est une des courtisanes les plus célèbres de Paris. Elle a longtemps appartenu au parc réservé du duc de Morny, demi-frère de l'empereur. Sous ses airs de langueur, elle a un redoutable appétit; la Bavière et son roi y pourvoiraient tout juste.

Intriguée par ce qu'on lui a rapporté de Louis II, elle s'est prise soudain d'une passion folle pour la Bavière et est prête à abandonner sa situation parisienne pour quelque chalet tyrolien si le roi le désire. Depuis quelques jours elle poursuit Louis II de ses assiduités, le bombardant de lettres et de billets, Bientôt, un peu déçue de cette froideur qu'elle pense teutonne et devant le peu d'empressement que met le roi à lui répondre, elle abandonnera. D'ailleurs les princes et les rois ne manquent pas en cette saison à Paris."  (pp. 103 et 104).

Cora Pearl, qui publia ses Mémoires en 1886, n'y évoque pas, et pour cause,  sa tentative infructueuse. Elle mourut peu après leur publication, un peu plus de trois semaines après la mort tragique du roi Louis II. 

Remarque

Cora Pearl, comme d'autres cocottes de haut vol, se rendit à Baden-Baden en 1864 pour y prendre les eaux ou y assister aux courses hippiques. Certains spécialistes du roi Louis II mentionnent qu'on aurait pensé alors à la mettre dans les bras du jeune roi qui venait d'accéder au trône. Cela me paraît tout à fait invraisemblable que l'on ait tenté de jeter un jeune souverain auquel les plus grandes alliances étaient promises dans les bras d'une demi-mondaine de 10 ans son aînée. Ce qu'en disent Bainville ou Combescot me semble bien plus plausible.

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