En 1887, Joseph Bajovar, un pseudonyme pour l'auteure Johanna Baltz (1849-1918), publiait Alpenrosen und Gentianen: Eine Episode aus d. Leben König Ludwig II. v. Bayern. Ce petit livre fut traduit et publié en français en 1888 sous le titre Fleurs des Alpes : épisode de la vie du roi Louis II de Bavière (Bureau de la Bibliothèque universelle à Lausanne). On peut facilement faire l'acquisition d'une édition en allemand sur le marché secondaire du livre.
La Bibliothèque universelle et Revue suisse en donna un résumé dans son numéro d'avril 1887, que nous reproduisons ci-dessous:
" La vie et la mort du dernier roi de Bavière ont été trop romanesques pour ne pas allécher les romanciers. Voici déjà la troisième édition d'un petit volume, coquettement imprimé, contant un épisode poétique et touchant de cette existence fantasque et malheureuse. Ce récit a toutes les allures d'une déposition véridique. L'auteur ne s'est pas nommé, son pseudonyme de Bajovar n'est qu'une forme latinisée de Bavarois, mais il donne un fac-similé de la main du roi, des lettres, évidemment authentiques, de Louis II, et, sur le frontispice, un portrait de l'héroïne. Tout cela n'aurait pu voir le jour sous les yeux vigilants de la police de Munich sans de sérieuses garanties d'authenticité et sans l'autorisation de la famille royale.
L'histoire remonte à 1865. Le jeune roi Louis, beau comme Apollon, enthousiaste de la nature, des arts et de la poésie, connu déjà par la sauvagerie de ses goûts solitaires et rêveurs, est l'idole de toutes les femmes de la Bavière. Il cherche pourtant à se soustraire le plus possible aux regards importuns des citadins son séjour préféré est ce château de Hohenschwangau dont les quatre tours massives dominent les sombres forêts de la frontière tyrolienne. Non loin de cette résidence, un petit manoir féodal, bâti sur une colline escarpée, abrite deux sœurs, derniers rejetons d'une ancienne famille. La cadette est un type accompli de beauté allemande des traits fins et harmonieux, une profusion de cheveux blonds, des yeux d'un bleu céleste, le teint d'une blancheur éblouissante. Son âme est à l'avenant passionnée de la nature, elle adore la forêt; elle en connaît tous les sentiers, tous les blocs erratiques, tous les habitants, toutes les fleurs. Un jour d'été, elle rencontre sur le chemin qui monte à Hohenschwangau un jeune homme beau comme une statue antique, svelte, élancé, conduisant son cheval par la main. Elle a deviné le roi, elle pâlit d'émotion, et désormais la belle image ne sortira plus de son âme. Une flèche l'a blessée au cœur, une ardente passion s'est emparée de son être, comme une flamme qui le dévore et le consume.
Le second acte se passe à Munich. Le jeune roi va sortir d'une messe solennelle ; une cohue de curieux l'attend à la porte de la cathédrale. Quand il sort, on le mange du regard, et les vivats retentissent. Or voici qu'une ravissante paysanne, dans le costume pittoresque de la Vieille-Bavière, se détache de la foule; elle offre au prince un bouquet de rhododendrons et de gentianes, et disparaît comme une fée. Cette étrange aventure se renouvelant deux fois, le roi, rompant avec son indifférence habituelle pour les femmes, s'enquiert de la demeure de la jeune beauté. Il apprend ce que le lecteur devine la prétendue paysanne n'est autre que Mlle Elisabeth de Rehbach, sa voisine de Hohenschwangau. Une amitié de plus en plus étroite se forme entre ces deux êtres à part, tous deux enthousiastes de Schiller, de Beethoven, des grandes forêts et des mœurs primitives des montagnards. Dans des lettres à son amie, le roi confesse tout ce qui se passe dans son âme. Il appelle Elisabeth " sa conscience ", car elle ne craint pas de lui faire des reproches quand il a péché par orgueil ou dans un accès de furie. " II y a des abîmes dans mon âme, écrit-il, et j'en ai peur. Semblables aux vertes profondeurs de nos lacs de montagne, ils n'ont rien d'effrayant par le temps serein, mais survienne la tempête, ils sont prêts à nous dévorer, à nous engloutir pour toujours. " La conscience Elisabeth lui reproche aussi son engouement pour Richard Wagner. En revanche, elle pense comme lui que Schiller vaut mieux que Goethe ; les poésies du grand olympien paraissent froides à son âme de feu. Les lettres font voir aussi comment le roi en vint à se faire jouer des pièces pour lui tout seul. Il déplore la badauderie du public. Dès qu'il est entré dans la salle, dit-il, toutes les lorgnettes sont braquées sur sa loge; on ne montre plus le moindre intérêt pour le jeu des artistes et les beaux vers de Don Carlos. Ce spectacle l'écœure, et il forme aussitôt le projet de fermer les portes du théâtee; on ne jouera plus que pour lui et pour sa " conscience " . Quel bonheur de savourer ces délices à eux deux
Le troisième acte amène la catastrophe. Cet amour platonique est trop beau pour être de longue durée, et l'accord de ces deux âmes trop parfait pour que des événements ordinaires puissent le rompre il y faut une fatalité.
Elle survient.
Le roi ne peut se détacher de Hohenschwangau, même en hiver. Au milieu de la nuit, son traîneau passe comme une flèche sous les gros sapins chargés de givre, et les flambeaux jettent mille reflets fantastiques sur les sombres voûtes de la forêt, faisant étinceler comme sous une pluie de rubis et de diamants la glace et la neige des troncs séculaires. La veille de Noël, les pauvres enfants des chaumières voisines sont venus chanter dans la cour du château de Rehbach. Elisabeth les a accompagnés jusqu'à la porte; debout sur le seuil, elle plonge un regard rêveur dans les bois qui s'étendent à ses pieds. A ce moment un bruit de grelots retentit, et l'on entrevoit dans les arbres des lueurs de torches. C'est le roi qui monte à Hohenschwangau. Le tintement des cloches va s'éteignant dans les ténèbres, les lueurs s'effacent, lorsque tout à coup un fracas semblable à celui du tonnerre avertit la jeune fille de la chute d'une masse de rochers dans la gorge étroite où serpente le chemin. Un second roulement se fait entendre. Elisabeth voit le danger qui menace le prince. Dans une course folle, elle gagne un point élevé, d'où l'on peut avertir les voyageurs de ne pas s'engager dans la gorge. Elle y arrive à temps, mais, rentrée au château, elle devient la proie d'une fièvre violente. Elle meurt. A genoux au chevet de la mourante, le roi lui fait l'aveu de son amour.
Je ne sais quelle part a la vérité et quelle la fiction dans cette simple histoire. Nous le saurons peut-être un jour. Ce qui est certain, c'est que nous n'en avons pas eu depuis longtemps. de plus noblement conçue et de plus noblement écrite. "
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