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mercredi 22 août 2018

Louis II vu par un Français en 1869: fou de musique et sur le point d'abdiquer


SALLES (F.), La Bavière depuis 1866 et la Question Allemande, A. Lacroix, Bruxelles, Leipzig et Livourne, 1869, 45 pp.

Cette étude de Félix de Salles (1834-1891) publiée en 1869 peut se lire gratuitement en ligne sur le site de la Bayerische Staatsbibliothek ou sur Google-Livres.  L'auteur
avait une bonne connaissance de l'Allemagne. Outre cet ouvrage, on lui doit des Lettres sur le bombardement de Strasbourg en 1870 et une traduction française du théâtre de G. E. Lessing.

Jacques Bainville cite et commente F. Salles dans l'édition de 1927 de son ouvrage consacré à l'Allemagne romantique et réaliste, dans lequel il reprend son Louis II publié en 1900 (1): "Ce livre, écrit au lendemain de la guerre, et où l'auteur jetait un cri d'alarme et avertissait la France du danger prussien, montrait qu'il ne fallait plus compter sur l'alliance ni même sur la neutralité du Sud en cas de conflit. On ne voulut pas écouter cette voix prophétique non plus que tant d'autres."

Il y est effectivement surtout question de la  guerre de 1866 et de ses conséquences pour la Bavière, de la question allemande, des politiques des différents Etats qui allaient constituer l´Allemagne, et du danger que tout cela représentait pour la France. Quelques paragraphes seulement sont consacrés au roi Louis II qui, en 1867, avait annoncé son intention d´abdiquer, un bienfait selon l´auteur qui préférerait voir Othon, le frère du roi, accéder au trône. On le lira, en 1867, la rumeur de la folie de Louis II court déjà parmi ses sujets. L´auteur insinue aussi, fort pudiquement, que le Roi est homosexuel. Il s'agit à notre connaissance actuelle, du premier livre en français qui mentionne le roi Louis II de Bavière, et, pour une première, l'auteur n'y va pas par quatre chemins  puis qu'il évoque les rumeurs de la la folie  de Louis II de Bavière et fait clairement allusion à son homosexualité. 


Extraits du Chapitre II - 1867 et 1868 -

[...] d'un autre côté le roi Louis II, las de régner, aurait publiquement annoncé l'intention d'abdiquer. Son frère Othon est très populaire et les Bavarois ne perdraient point au change. Louis II est bien, il est vrai, le fils de cette belle et forte race royale de Bavière , le vrai descendant de Max et de Louis Ier. Sa beauté poétique, ses grands yeux rêveurs et enthousiastes, son front élevé, ses manières élégantes et nobles lui gagnent au premier abord l'admiration et la sympathie. Mais s'il a tous les charmes, toutes les rêveries, tous les enthousiasmes de la jeunesse, il en a aussi toutes les indécisions et toute la versatilité. Ses sujets le croient atteint de folie; ils se trompent, il n'est que fou de musique et... mais la vie privée est murée. La rupture, incompréhensible pour les non initiés, de son mariage avec la princesse Sophie, fille de Maximilien, duc en Bavière, est très explicable pour ceux qui ont approché cet amant des clairs de lune et des œuvres de Richard Wagner. Et, pour dire toute notre pensée, l'abdication de Louis II et l'avènement d'Othon seraient un grand bonheur pour la Bavière, passant alors des mains du grand vizir Hohenlohe, entre les mains d'un jeune roi, généreux et libéral. La reine douairière est très favorable à cette abdication, quoiqu'elle soit princesse du sang royal de Prusse et qu'elle sache qu'Othon soit très peu prussophile. Mais fermons la parenthèse, il en est grand temps.[...] (p. 32 et 33)

[...] Où va la Bavière? Elle est incorporée militairement et commercialement; la fédération du Sud creuserait l'abîme entre cette incorporation et la médiatisation absolue; c'est précisément pour cela que M. de Bismark, ni M. de Hohenlohe ne consentiront à l'établissement d'une telle union. L'abîme creusé, il deviendrait trop difficile de le franchir. Où va donc la Bavière? Elle va, où sont arrivés les Etats au nord du Mein. Les populations protestent, les partis se coalisent pour la résistance, le tout est donc de savoir qui aura le dessus, des masses ou des cabinets. 

Quant au roi, il monte à cheval, il rêve, il lit le grand Goethe, il... laisse tout aller à la diable. Le réveil pourrait bien être un de ces coups de foudre qui ébranlent les trônes et en dispersent au vent les ais disjoints. L'événement n'aurait rien qui dût nous surprendre. [...] (p.36)

(1)  BAINVILLE (J.), L'Allemagne romantique et réaliste ; Louis II de Bavière ; Bismarck et la France ; Petit musée germanique (Édition définitive), A. Fayard et Cie, 1927, p. 88.

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