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vendredi 10 août 2018

La croix du lac Starnberg. Le témoignage poétique d'Adrien Marx en 1888.



Le journaliste Adrien Marx, du Figaro, y publie le 10 mars 1888 en page 4 un article intitulé La vie en plein air, consacré au récit de son séjour de chasse et au gibier au Tyrol et en Bavière. Au retour, il fait halte chez un ami au bord du  lac de Starnberg. Là, au cours d'une chasse, il s'égare dans le parc du château de Berg:

La vie en plein air 

[...] Pour regagner la frontière alsacienne, il nous a fallu traverser la Bavière dans toute sa longueur. Nous avons été arrêtés dans notre route par un ami de notre hôte, propriétaire d'une villa sur les bords du lac de Würm. Là encore, il a fallu se soumettre à des dégustations de vins du Rhin, à des expériences de bière brune et blonde, et à des cours de jambons comparés, sans oublier une laborieuse recherche de gélinotes et de coqs de bruyère absents des crêtes, ce jour- là...

Mais il est des buissons creux que l'on ne regrette pas : Pendant cette dernière expédition, je me suis égaré dans le parc du château de Berg, où le roi Louis II de Bavière a fini son existence singulière de roi rêveur, fastueux et misanthrope. J'ai vu la place où l'on a retrouvé son corps. C'est à quelques mètres de la rive - dans un endroit si peu profond que le prince pouvait s'y tenir debout. Il a fallu, pour se noyer là, un cas vraiment exceptionnel, une attaque d'apoplexie ou quelqu'autre cause que Dieu seul connaît. Une croix de bois, enfoncée dans l'eau, marque le point où le cadavre est apparu au batelier : et la piété d'amis, restés aimants et fidèles, la couvrent tous les jours de guirlandes et de couronnes nouvelles. Rien n'est poétique comme ce tas de fleurs émergeant de la nappe azurée du lac. Et là, méditant et contristé, je suis resté un quart d'heure, contemplant le mausolée de ce fou couronné, personnage shakespearien, mort comme Ophélie, dans les roseaux et les nénuphars, sous l'oeil d'or des étoiles!..

Adrien Marx.

Remarquons qu'Adrien Marx qualifie Louis II de "roi rêveur". Dix années plus tard, l'expression se retrouve inversée sous la plume du poète Stéphane Mallarmé dans les "Planches et feuillets" de ses Divagations: il y  évoque "La jouissance vaine cherchée par feu le Rêveur-roi de Bavière dans une solitaire présence aux déploiements scéniques. "

C'est beau comme du Mallarmé!

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