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jeudi 12 avril 2018

Théâtre ludwighien: Monsieur Vénus ou le Rêve fou de Louis II de Bavière, une pièce de Pierre Spivakoff.

Louis II  (Pierre Haudebourg) en train de lire Monsieur Vénus de Rachilde

Le metteur en scène Pierre Spivakoff montait en 1988 au Théâtre des Mathurins  à Paris Monsieur Vénus ou le Rêve fou de Louis II de Bavière, une adaptation de Monsieur Vénus, le roman à scandale de Rachilde qui avait lancé l'auteure en 1884. Pierre Haudebourg y tenait le rôle de Louis II de Bavière.

A l'époque de la sortie du roman de Rachilde, Maurice Barrès en écrivait : « Elle [Rachilde] écrivit... Monsieur Vénus, dont la frénésie sensuelle, bien inutile au fond même de cette œuvre, qui ne vaut que par la perversité cérébrale, effraya l'opinion. Seuls un vilain public et quelques gourmets lurent ce volume estampillé de Belgique. Je note que c'est avec la Faustin de Goncourt un des romans préférés de ce charmant roi de Bavière qui vient de mourir...[mise en gras et soulignement de la rédaction ] » (in Mademoiselle Baudelaire, article publié par Barrès dans Le Voltaire du 24 juin 1886, quelques jours après la mort de Louis II). 




De cette pièce ne restent qu'une série de photographies de Daniel Cande que le site Gallica de la Bibliothèque nationale de France a mises en ligne. On en trouve encore également la distribution et des articles d'archives dans les journaux de l'époque. Ainsi le critique du monde évoquait un "délire raisonnable" en parlant de la pièce dont Spivakoff avait, outre la mise en scène, créé la lumière et le son, et dans laquelle il jouait le personnage de Raoule de Vénerande. Les costumes avaient été réalisés par les Ateliers Etienne et les peintures du décor par l'Atelier de décoration Berga.

Pierre Spivakoff, à qui n'avait pas échappé la simultanéité de la sortie du livre de Rachilde (1884) et de la fin de la vie de Louis II (décédé en 1886), et qui avait peut-être lu la critique de Barrès soulignant que Louis II appréciait ce roman, place l'action de sa pièce en Bavière, dans la grotte bleue du château de Linderhorf, ce monde étrange et enfermé où vivent des cygnes et des paons, deux des animaux fétiches du roi Louis II de Bavière, un roi pris par la peur de la solitude et de l'isolement qu'il s'est à lui-même infligés, et par la peur aussi de perdre la raison. Louis II, dont on sait la passion pour la littérature française,  a découvert le livre de Rachilde dont la lecture agit sur lui en effet miroir: l'histoire de Raoule de Vénérande, - cette femme aristocrate, riche, belle et intelligente qui voulait être un homme - , lui rappelle les affres de son propre destin royal, le destin d'un homme riche qui voudrait avoir des moyens illimités, d'un homosexuel avide de sexe et de plaisirs, d'amour sans doute, mais qui ne peut vivre ses passions au grand jour, d'un souverain qui rêve d'absolutisme mais qui se heurte au pouvoir de ses ministres. Au  cours de la pièce, Louis II perd de plus en plus ce qui lui reste de raison à la lecture du livre de Rachilde. 

Ticket de théâtre,
avec la distribution
L'action principale reste celle du livre: Raoule de Vénérande,  rencontre un beau mec au physique des plus avantageux, Jacques Silvert, fleuriste de son état. Raoule met un jeu pervers en place, et sans que Jacques y consente, elle fait de Jacques sa ... femme, sans que le jeune homme ne consente à cette transformation transsexuelle. 

Maurice Barrès, dans la préface de la réédition de Monsieur Vénus (1889), résumait ainsi le roman:

"Mlle Raoule de Vénérande est une fine jeune fille, très nerveuse, avec des lèvres minces, d‘un dessin assez désagréable. Dans l’atelier de sa fleuriste, elle remarque un jeune ouvrier. Couronné des roses qu’il tortille lestement en guirlande, ce garçon d’un roux très foncé l‘enchante par son menton à fossette, sa chair unie et enfantine, et le petit pli qu’il a au cou, le pli du nouveau-né qui engraisse ; et puis il regarde, comme implorent les chiens souffrants, avec une vague humidité dans les prunelles. Tout le portrait est de ce ton excellent, vraiment canaille et nature. Raoule installe dans un intérieur fort romanesque ce joli garçon si gras ; elle le surprend qui, fou d’une folie de fiancée en présence de son trousseau de femme, lèche jusqu’aux roulettes des meubles à travers leurs franges multicolores. Avec un cynisme de très spirituelle allure, elle le déconcerte quand il imagine d’être aimable ; elle le pousse dans un cabinet de toilette, elle le fait rougir par son audace à l’examiner et le complimenter, lui le rustre qu‘elle a recueilli sous prétexte de charité. Et le pauvre mâle humilié s’agenouille sur la traîne de la robe de Raoule, et sanglote. Car, Rachilde le dit excellemment, il était fils d’un ivrogne et d’une catin, son honneur ne savait que pleurer. Ce M. Vénus, absolument désexué de caractère par une suite de procédés ingénieux, devient la maîtresse de Raoule. Je veux dire qu‘elle l‘aime, l’entretien! et le caresse, qu’elle s’irrite et s‘attendrit auprès de lui, sans jamais céder au désir qui la ferait aussitôt l’inférieure de ce rustre, près de qui elle se plaît à frissonner, mais qu‘elle méprise. Elle définit son goût d‘une façon admirable: "J 'aimerai Jacques comme un fiancé aime sans espoir une fiancée morte." "

Pour en savoir davantage sur Rachilde et son roman Monsieur Vénus, lire l'article qu'y consacre Lionel Labosse sur son site altersexualite.com.

Crédit photographique: Daniel Cande

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