Edmond de Goncourt peint par Jean-François Raffaëlli (1888). |
Les frères Jules et Edmond de Goncourt, bien connus pour le prix qu'ils ont fondé, pour le journal qu'ils ont tenu et pour leurs romans naturalistes, furent aussi des historiens et collectionneurs passionnés: ils ont produit une oeuvre historique importante consacrée à la noblesse française du 18ème siècle, une oeuvre plutôt savoureuse et assez potinière. Un autre volet de leur oeuvre concernait l'art français du 18ème siècle. Leurs écrits n'avaient pas manqué d'attirer l'intérêt du roi Louis II de Bavière, passionné par la royauté et la cour françaises de Louis XIV à Louis XVI. Le roi avait été en contact direct avec le Ministre plénipotentiaire de France en Bavière, le comte Edouard Lefebvre de Behaine (1829-1897), qui fut en poste à Munich de 1872 à 1878. Il se trouve que Lefebvre de Behaine était le cousin d'Edmond de Goncourt. L'écrivain, de passage à Munich, résida d'ailleurs chez lui en août et septembre 1872. Il relata ce séjour dans son Journal et mentionne en date du 10 août une remarque faite par le roi au ministre français. ( Voir à ce sujet notre post Français célèbres à Munich: la Bavière en août 1872 dans le Journal des Goncourt).
Il est certain que le roi avait lu quelques-uns des ouvrages des deux frères, parmi les titres suivants, dont la liste n'est pas exhaustive: Histoire de la société française pendant la Révolution (1854), Portraits intimes du 18ème siècle (1857), Histoire de Marie-Antoinette (1858), L'art du dix-huitième siècle (1859-1870), Les maîtressses de Louis XV (1860), La femme au 18ème siècle (1874) ou La du Barry, Madame de Pompadour, ... Nous en avons la preuve grâce aux recherches de Jean Adhémar (1908-1987), qui rejoignent les informations connues bien plus anciennes de l'historien allemand Gottfried von Böhm.
Une lecture du roi Louis II |
Le conservateur et historien de l'art français Jean Adhémar a parcouru la volumineuse correspondance des Goncourt et y a notamment relevé les lettres adressés par le Roi Louis II de Bavière, via des intermédaires, à Edmond de Goncourt. Il les mentionne dans un article intitulé Lettres adressées aux Goncourt, concernant les Beaux-Arts, conservées à la Bibliothèque nationale qu'il avait publié dans la Gazette des Beaux-Arts, vol 72, 1968, pp. 229 à 236. Adhémar y signale que la correspondance adressée aux Goncourt est conservée au Cabinet des Manuscrits, classée en volumes reliés par nom d'expéditeur et que quelques 250 lettres concernent les beaux-arts.
Voici le passage dans lequel le conservateur mentionne le roi Louis II de Bavière:
"A trois reprises, on voit apparaître le prince des esthètes, le roi Louis II de Bavière. On le savait admirateur de Goncourt, bien que celui-ci n'en parle pas dans son Journal, mais ici on voit deux lettres des chargés d'affaires du roi à Paris (Rudhaet et de Reiter): dans l'une (1874), le roi demande des reproductions d'une série d’aquarelles et d’estampes mentionnées dans L'Art du XVIIIe des Goncourt (2), et Braun ira les photographier. Dans une autre, "l’Auguste Souverain" fait remercier Goncourt d'avoir laissé photographier par Braun (1) le "beau plafond qui orne un des salons de la maison d’un artiste" (1885). La même année, le Roi veut savoir dans lequel de leurs livres se trouve leur description d'ameublement dans le style japonais."
En note, Jean Adhémar ajoute encore que dans la Chronique des Arts d'octobre 1966, on trouve la "citation d'une lettre montrant le Roi soucieux d'avoir une photographie d'un dessin appartenant aux Goncourt; celle de Braun ne le satisfait pas, il envoie son photographe Albert."
Le roi cite nommément L'art du dix-huitième siècle (2), ce qui constitue une preuve incontestable de sa lecture de cet ouvrage. Intéressante aussi la mention de l'intérêt du roi pour l'ameublement de style japonais, bien dans la ligne de ses goûts orientalisants par ailleurs bien connus.
Bien avant Jean Adhémar, Gottfried von Böhm, un historien allemand sérieux et fort bien documenté, citait en 1922 une lettre d'Edmond de Goncourt dans laquelle l'écrivain répondait aux nombreuses questions (douze très exactement aux dires de Böhm) de Louis II de Bavière que lui avaient fait parvenir un intermédiaire. Les questions portaient sur des oeuvres dont certaines étaient en possession d'Edmond de Goncourt. La lettre est datée du 29 novembre 1874. Voici le passage cité en français par G. v. Böhm: "Je m'empresse de répondre à la demande que vous m'adressez au nom de votre Souverain S.M. le Roi de Bavière. Le goût de S.M. pour notre art français, goût qui avait plusieurs fois été attesté par mon cousin le comte de Bréhaine, chargé d'affaires de France en Bavière, fait de moi une personne toute disposée à être agréable autant qu'il est en mon pouvoir à un Souverain amoureux de nos grands et élégants siècles. " (in G. v. Böhm, Ludwig II. König von Bayern, Sein Leben und seine Zeit, Hans Robert Engelmann, Berlin, 1922, p.360). Gottfried von Böhm ne cite pas le destinataire de la lettre ni comment il a pu en prendre connaissance, mais il peut être considéré comme une source sûre, d'autant que ses informations rejoignent en tous points celles du conservateur français, qui sont elles parfaitement vérifiables.
Posts précédents sur le sujet:
Bien avant Jean Adhémar, Gottfried von Böhm, un historien allemand sérieux et fort bien documenté, citait en 1922 une lettre d'Edmond de Goncourt dans laquelle l'écrivain répondait aux nombreuses questions (douze très exactement aux dires de Böhm) de Louis II de Bavière que lui avaient fait parvenir un intermédiaire. Les questions portaient sur des oeuvres dont certaines étaient en possession d'Edmond de Goncourt. La lettre est datée du 29 novembre 1874. Voici le passage cité en français par G. v. Böhm: "Je m'empresse de répondre à la demande que vous m'adressez au nom de votre Souverain S.M. le Roi de Bavière. Le goût de S.M. pour notre art français, goût qui avait plusieurs fois été attesté par mon cousin le comte de Bréhaine, chargé d'affaires de France en Bavière, fait de moi une personne toute disposée à être agréable autant qu'il est en mon pouvoir à un Souverain amoureux de nos grands et élégants siècles. " (in G. v. Böhm, Ludwig II. König von Bayern, Sein Leben und seine Zeit, Hans Robert Engelmann, Berlin, 1922, p.360). Gottfried von Böhm ne cite pas le destinataire de la lettre ni comment il a pu en prendre connaissance, mais il peut être considéré comme une source sûre, d'autant que ses informations rejoignent en tous points celles du conservateur français, qui sont elles parfaitement vérifiables.
Posts précédents sur le sujet:
- Les lectures françaises du roi Louis II de Bavière (1) : Imbert de Saint-Amand
- Les lectures françaises du roi Louis II de Bavière (2) : les Mémoires du duc d'Antin
- Français célèbres à Munich: la Bavière en août 1872 dans le Journal des Goncourt
(1) Sur la maison fondée par Adolphe Braun à Mulhouse, célèbre pour ses reproductions d'oeuvres d'art provenant tant de musées et des collections privées , voir l'article sur Wikipédia. Louis II eut recours à leurs services. Voir aussi le compte-rendu publié en 2017 par le Stadtmuseum de Munich sur Adolphe Braun, auquel ce musée avait consacré une exposition.
(2) L'art du dix-huitième siècle peut se lire en ligne sur le site Gallica de la BNF. (Plusieurs séries).
(2) L'art du dix-huitième siècle peut se lire en ligne sur le site Gallica de la BNF. (Plusieurs séries).
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