Rechercher dans ce blog

samedi 25 novembre 2017

Karl Alfred Schreiner revisite le Casse-noisette de Tchaikovsky au Theater-am-Gärtnerplatz

La Reine des neiges, Rita Barão Soares, ensemble.
Les photos sont de Marie-Laure Briane

Karl Alfred Schreiner, le directeur de la danse du Theater-am-Gärntnerplatz, fait sa rentrée dans le théâtre fraîchement rénové avec une nouvelle production du Casse-noisette de Tchaikovsky.

D'entrée de jeu, le doublage du rideau rouge nous en avertit, cela va être une soirée théâtrale avec du théâtre dans le théâtre, ce qui correspond bien à l'esprit du livret d'Ivan Vsevolojski et Marius Petipa, lui-même basé sur le célèbre conte d'Hoffmann. On fête le réveillon dans la famille Stahlbaum. La jeune Clara qui, la veille de Noël, a reçu un livre de contes en cadeau s'endort en le lisant et voit en rêve les personnages s'animer, une action féerique s'installe au sein de l'action principale, au premier lever de rideau correspondra un second lever qui nous introduira dans le monde magique du rêve. Les décors très réussis de Rifail Ajdarpasic nous introduisent dans la grande pièce lambrissée de boiseries d'une opulente maison bourgeoise avec au centre d'une niche gothique un grand sapin de Noël, un motif que répète à l'envi le papier peint qui tapisse les murs du salon. D'innombrables cadeaux sont apportés. Sur la scène se trouve une demi-coque de noix dorée et surdimensionnée dans laquelle s'endormira Clara: la coquille de noix lui servira d'esquif pour naviguer sur les vagues du rêve.

Droßelmeier (Rodrigo Juez Moral) en grand-maître de la fantsamagorie


Schreiner se dit fasciné et inspiré par la musique de Tchaikovsky aussi parce qu'elle se prête magnifiquement à la danse. Après sa Belle au bois dormant, il aborde cette année le Casse-noisette. Il place l'amour au centre de sa chorégraphie en décortiquant les relations multiples et complexes qui se développent au sein de ce qu'il désigne comme une famille patchwork . Pourtant, alors que le livret et la structure musicale donnent les indications d'une narration facile à suivre, Schreiner s'en écarte et nous fait perdre les repères bien connus du conte. Le monde de Schreiner n'est en rien linéaire et on peine à retrouver ses petits dans les complexités oniriques et érotiques du chorégraphe. Un fil finit cependant par se dessiner. La mère Stahlbaum, qui semble au départ opposée aux amours naissantes de sa fille Klara et du fils Droßelmaier, finit par accepter leur relation. La nuit de Noël a transformé la jeune Klara, qui s'endort adolescente pour se réveiller jeune femme. Karl Alfred Schreiner fait éclater le cadre connu du conte de Noël féerique pour le transformer en une parabole qui nous parle des amours adolescentes comme des amours adultes, et qui cite ici et là d'autres modes amoureux. Ainsi d'un grand danseur barbu dont les jambes dénudées portent jarretelles. Le décodage de l'action n'est pas toujours facile, d'autant que même au niveau de la danse, Schreiner nous fait perdre nos repères en bousculant l'occupation traditionnelle des différentes scènes pourtant si bien découpées par la musique: certains des morceaux qu'on s'attend voir dansés par l'ensemble se voient interprétés par un danseur isolé ou en duo avec des désarticulations très étudiées. Souvent la danse va à contre-courant de la musique et du rythme. Alors qu'il y a de merveilleux moments absolument fascinants, comme ceux des deux grenadiers ondulant juchés sur le toit des armoires, le propos féerique accessible aux enfants finit par se perdre au profit du décorticage amoureux plus adulte qui oblitère la part du rêve. On se trouve devant un monde mouvant de couleurs et de formes qui parle davantage à l'émotion qu'à l'intellect, chorégraphié avec un grand sens de la scène et du tableau, dans lequel les costumes aussi beaux que réussis d'Ariane Isablell Unfried aident à trouver des repères.

Tchaikovsky, dont on connaît par ailleurs les aspects mélancoliques qui n'affleurent jamais dans cette oeuvre, donne ici une musique très euphorique et positive que rend avec entrain et brio l'orchestre du Theater-am-Gärtnerplatz dirigé par Kiril Stankow, récemment engagé comme Kapellmeister et assisant à la direction musicale du Gärtnerplatztheater.


Voyage fantastique dans une coquille de noix
Anna Calvo (Clara), Verónica Segovia (servante)

Rita Barão Soares interprète à la fois la mère Stahlbaum et la Reine des neiges, avec pour la première une composition un peu caricaturale qui correspond bien à la rigidité du personnage. La Reine de des neiges est elle aussi par nature assez froide, mais ces femmes finiront par se dégeler et par accepter l'amour naissant de Clara  et du jeune Droßelmeier. Rodrigo Juez Moral donne de sa haute stature une superbe interprétation du père Droßelmeier, avec un art de l'ondulation de son grand corps élancé extrêmement séduisant, qui rend bien compte de la bizarrerie de son personnage. David Cahier étourdit par ses prouesses acrobatiques en donnant un jeune Droßelmeier à la technique stupéfiante et aux mouvements serpentins. Clara (Anna Calvo, très applaudie), dont le rêve devrait servir de fil conducteur s'il était bien exposé, nous entraîne dans un voyage féerique autour du monde  avec son ours polaire  et ses cosaques de la Volga, ses toréros qui se comportent comme des coqs avec leurs coiffure punks, et son andalouse, ses Chinois. En début de deuxième partie, deux clowns siffleurs (Ping et Pong) font leur numéro de cirque, un peu long et incongru.


Si on est séduits par la chatoyance et l'originalité des costumes, par l'interprétation musicale et la beauté inventive des décors, la chorégraphie de Karl Alfred Schreiner, en décalage par rapport à la musique et par ses détournements de l'esprit du livret qui rendent la narration par trop confuse. On se demande si les enfants trouveront leur chemin dans ce Casse-noisette peu lisible au premier degré et au propos fort adulte.

Prochaines représentations 

Sa. 25. Novembre 2017 19.30 H
Di. 26. Novembre 2017 15.00 H
Di. 3. Décembre 2017 18.00 H
Sa. 9. Décembre 2017 19.30 H
Sa. 23 Décembre 2017 19.30 H
Lu. 25. Décembre 2017 18.00 H

Quelques places restantes

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire