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samedi 7 octobre 2017

L'affaire Lew Vanderpoole : le compte-rendu de l'audience accordée par le Roi Louis II à l'écrivain américain est-il un faux littéraire?

    Table des matières

    Introduction
    Résumé du texte de Lew Vanderpoole
    L'audience royale dans la littérature historique et la presse allemandes
    Vanderpoole, un faussaire avéré
    Elements d'analyse du texte de Vanderpoole
    Louis II et Edgard Allan Poe
    Conclusion

    Introduction

    En 1886, peu après la mort du Roi, Lew Vanderpoole, un auteur et chroniqueur américain, publiait un article dans un mensuel édité à Philadelphie, le Lippincott's monthly magazine, a popular journal. L'article, intitulé LUDWIG OF BAVARIA, a personal reminiscence (1), était supposé rendre compte d'une audience que le Roi Louis II aurait accordée au journaliste américain. 

    Au cours de ma lecture de cet article, ma première impression fut de le trouver trop beau pour être vrai, la narration me semblait construite comme une scène de théâtre, et je restai sur ma faim face aux nombreuses questions que sa lecture éveillait en moi: qui était ce Lew Vanderpoole, quand avait-il publié son article, comment avait-il pu recevoir une lettre de recommandation de Gambetta, quand et où la supposée audience avait-elle eu lieu, par quels intermédiaires Vanderpoole était-il passé et comment s'était-il débrouillé pour faire passer la lettre de Gambetta au Roi ? Y avait-il des témoins directs de cette entrevue ? Comment enfin se faisait-il que le Roi Louis II se confiât aussi ouvertement et intimement à un parfait inconnu et cela au moment même d'une première et unique entrevue ?

    Je me mis alors à faire des recherches sur Lew Vanderpoole tant dans la littérature historique consacrée à Louis II que dans la presse américaine, française et allemande de l'époque, et y découvrit des éléments qui confirmèrent mes doutes quant à l'authenticité de l'audience accordée par Louis II de Bavière. Je présenterai ici le résultat de mes recherches et de mes réflexions, après un bref rappel du contenu du texte de Lew Vanderpoole. Le texte original anglais de Lew Vanderpool est reproduit en fin d'article. 

    Certaines de mes questions sont restées sans réponses, et les réponses que j'apporte font état de l'état actuel de mes recherches et se verront à coup sûr modifiées ou révisées par la découverte éventuelle et espérée de nouveaux documents. Toute information, nouvelle ou ancienne, est la bienvenue. La littérature ludwighienne est immense et sans doute s'y trouve-t-il de précieux témoignages qui m'ont échappé.

    Dans son document, Vanderpool rend longuement compte de l'admiration que Louis II aurait conçue pour l'oeuvre et la personne d'Edgar Poe. Tel n'est pas le propos de cet article. Alfons Schweiggert, un des meilleurs spécialistes du Roi de Louis II de Bavière, y a consacré en 2008 un livre dans lequels il dégage les parallélismes entre les biographies, les réalisations artistiques et les pensées du roi de Bavière et du génial écrivain américain (2). On pourra se reporter vers cet ouvrage de référence pour ces matières. Nous remercions ici très vivement Monsieur Schweiggert pour son ouverture à notre recherche, pour la discussion très franche que nous avons pu avoir, et pour les précieuses indications qu'il a bien voulu nous fournir. Monsieur Schweiggert m'a incité à traduire cet article en allemand, tâche à laquelle je me propose de bientôt m'atteler.

    Résumé du texte de Lew Vanderpoole

    Dans son compte-rendu, Vanderpoole prétend avoir eu des problèmes de succession à régler suite aux décès de trois de ses parents français, remontant à huit années avant la publication de son article, et qui nécessitèrent un entretien avec le souverain bavarois. Il ne spécifie pas la date de l'entretien ni ce qui l'amène à demander l'aide du Souverain, mais affirme avoir reçu une lettre de recommandation de Gambetta qui lui servit de sésame pour être reçu par Louis II, sans nous préciser par quelle filière la lettre est parvenue au Roi. 

    Le Roi se montra extrêmement accueillant, examina les problèmes de succession de Vanderpoole et proposa des solutions. Alors que l'entretien touchait à sa fin, Vanderpoole prétend que le regard de Louis II tomba sur des articles que Vanderpoole avait rédigés pour une publication dans le Figaro, qui portaient sur l'écrivain américain Edgar Allan Poe, articles qui se trouvaient mêlésaux documents pour lesquels il demanda l'aide du Roi. Le Roi s'en empara, s'enflamma et confia à Vanderpoole son enthousiasme pour l'oeuvre de Poe, à ses yeux le plus merveilleux et le grand des écrivains. Louis II aurait avoué qu'il renoncerait à sa couronne pour une seule heure d'entretien avec E.A. Poe. Le Roi , très ému, demanda ensuite à Vanderpoole de lui laisser le temps de lire ses articles. Ensuite Louis II ouvrit son cœur à Vanderpoole et lui confia qu'il voyait un parallèle entre sa propre nature et celle de l'écrivain américain. Louis II se livra à une véritable confession témoignant sur sa sensibilité extrême et sur les rapports douloureux qu'il entretenait avec le monde. Il remonta dans le temps, évoqua son enfance et son éducation, et termina par une analyse où il évoquait en l'analysant la folie dont certains le soupçonnaient et l'accusaient. Les larmes aux yeux, le Roi prit congé de Vanderpoole et quitta la pièce.

    L'audience royale dans la littérature historique et la presse allemandes

    Les études historiques consacrées au Roi Louis II de Bavière mentionnent fréquemment l'audience que le roi Louis II de Bavière aurait accordée au journaliste américain. Le texte de Vanderpoole est connu des historiens allemands depuis au moins 90 ans. Ainsi Ludwig Below dans son roman Dem Toten die Ehre- Entsiegelte Dokumente. Treue Bayernherzen ihrem Liebling als Denkmal. Roman eines Königstraumes nach ganz neuerschlossenen Quellen, publié en 1926, cite-t-il déjà de larges extraits du texte de Vanderpoole (3). Plus récemment et pour ne citer qu'eux, Thomas Ammon (4), Maria Seitz (2010) ou Oliver Hilmes (5) mentionnent ou citent brièvement l'article de Vanderpoole. Alfons Schweiggert (2) introduit son ouvrage déjà cité par l'évocation de l'audience royale accordée à Vanderpoole suivie de la traduction en allemand du compte-rendu qu'en a rédigé l'écrivain américain. Schweiggert est le seul à évoquer de plus le témoignage d'un serviteur du Roi, Alfons Weber, qui aurait noté la présence de l'Américain auprès de Louis II (6). Alfons Schweiggert ne mentionne cependant pas la source de cette dernière allégation, qu'il tenait d'un confrère aujourd'hui décédé, ce qui ne permet pas de la prendre en compte comme fiable. Il avance aussi le mois de la rencontre, février 1882, mais là encore sans en mentionner la source. Enfin la radio Bayern 2 s'empara en 2016 du sujet avec l'émission de la série Bayerisches Feuilleton, Ludwig II. und Edgar Allan Poe de Markus Metz und Georg Seeßlen, dans laquelle intervient Alfons Schweiggert (podcast actuellement disponible) (7).

    A noter qu'à notre connaissance, aucun historien n'a à ce jour mis en cause l'authenticité de la rencontre entre Vanderpoole et Louis II.

    La presse bavaroise de l'époque est aujourd'hui accessible en ligne grâce au remarquable travail toujours en cours de la Bayerische Staatsbibliothek avec son site digiPress (8) qui s'est donné pour tâche de mettre en ligne les journaux historiques qui font partie de son fonds. DigiPress dispose d'un moteur de recherche performant qui ne livre aucun résultat pour l'entrée Vanderpoole, ce qui ne manque pas d'étonner. La visite d'un écrivain/journaliste américain qui visite la Bavière pour y rencontrer le Roi et qui obtient une audience royale n'aurait pas manqué de susciter l'intérêt journalistique. Comment cette visite et le caractère exceptionnel de cette audience ont elles pu échapper à la vigilance de chroniqueurs qui devaient suivre avec intérêt tout ce qui concernait le Souverain, sinon à celle des informateurs du gouvernement bavarois qui ne devaient pas manquer en 1882 de surveiller les allées et venues du Roi  et de ses éventuels visiteurs?
    Le faux avéré de Vanderpool: sa traduction de la
    Princesse Nourmahal de George Sand, un roman
    que Sand n'a jamais écrit (14)

    Vanderpoole, un faussaire avéré

    Si la presse allemande ne fait pas mention de Vanderpoole, ce n'est pas le cas de la presse américaine qui évoque abondamment en 1887 deux escroqueries dont Vanderpoole s'est rendu coupable, une information que relaye la presse française qui a été informée de l'affaire par une dépêche de l'Agence Havas.

    En 1887, soit un an seulement après la publication du supposé entretien accordé par le Roi Louis II, Lew Vanderpoole est attaqué en justice pour escroquerie littéraire par le Cosmopolitan Magazine de New York. Voici l'article qu'y consacre le quotidien parisien Le Temps dans son édition du 9 octobre 1887 (p.2) (9), un article qui commente longuement l'arrestation de Lew Vanderpoole à Oyster Bay (Long-Island, Etats-Unis) suite à la plainte de l'éditeur du Cosmopolitan Magazine qui l'accusait d'escroquerie. :

    Article du Temps, 09.10.1887
    "BULLETIN DE L'ETRANGER

    (Dépêches Havas et renseignements particuliers)

    [...] Etats-Unis
          On vient d'arrêter à Oyster-Bay (Long-Island) un nommé Vanderpoole, accusé d'avoir vendu à M. Smith, éditeur du Cosmopolitan Magazine, revue qui se publie à New-York, un prétendu manuscrit de George Sand.
           Voici comment M. Smith raconte les incidents qui ont motivé cette arrestation:
          Il y a un mois environ, Vanderpoole, dont j'avais accepté des manuscrits à diverses occasions et qui s'était présenté à moi comme étant, avec un M. L'Amercaux, du Figaro de Paris, l'exécuteur testamentaire de George Sand, m'a offert en vente un prétendu manuscrit d'une œuvre inédite de ce grand romancier français, intitulée la Princesse de Nourmahal. Vanderpoole, ayant immédiatement besoin de quelque argent, m'a supplié de lui prendre le manuscrit et de lui donner un premier acompte de 100 dollars. Je lui ai dit de me donner d'abord la preuve de l'authenticité du manuscrit, et, peu après, il m'apportait une lettre de M. Redpath, de la North-American Review, dans laquelle celui-ci déclarait que M. L'Amercaux, du Figaro, lui avait assuré que le manuscrit qui était en la possession de Vanderpoole était authentique. M. Redpath ajoutait qu'il avait la plus grande confiance en Vanderpoole.
       J'achetai le manuscrit pour mille dollars, payables par acomptes, et le lendemain, Vanderpoole m'en ayant livré une partie traduite en anglais, je lui fis un premier versement de cent dollars. Je dois dire que la Princesse de Nourmahal est un des plus beaux romans que j'aie jamais lus et qu'il dénote, chez son auteur, un grand talent littéraire. Mais mes soupçons ont été éveillés par un article de l'Argus d'Albany dénonçant Vanderpoole comme se vantant d'être l'auteur d'un ouvrage qui avait été écrit en réalité par le révérend Hughes.
           Vanderpoole m'ayant dit qu'il avait été le correspondant du Figaro pendant la guerre russo-turque, j'ai télégraphié à ce journal pour demander si c'était exact. On m'a répondu qu'on ne connaissait rien de M. Vanderpoole. J'allai trouver M. Redpath, et il m'avoua alors qu'il connaissait fort peu Vanderpoole et qu'il n'était pas.familier avec l'écriture de Mme Sand. Mais un de ses amis, M. Thorndyke, qui connaissait l'écriture du grand romancier français, lui avait dit que le manuscrit montré par Vanderpoole était authentique. D'autre part, Vanderpoole étant venu me voir sur ces entrefaites je l'ai confondu avec les preuves de son imposture et, comme il cherchait à se dérober, je l'ai fait arrêter. [...]"

    La même information se retrouve en France sous la forme d'un court entrefilet dans L'Intransigeant du 10 octobre 1887 (11), ainsi que, aux Etats-Unis, dans de nombreux quotidiens datés de la fin du mois de septembre ou du début du mois d'octobre. Ainsi de cette coupure de presse du Daily Alta California du 22 September 1887 : 


    ou dans cet article du Chicago Tribune du 9 octobre 1887:

    The examination of Lew Vanderpoole was held today at Oyster Bay on the charge of having obtained money by false representations from the publishers of the Cosmopolitan. Mr. Vanderpoole has represented himself as the literary executor of George Sand, and has offered manuscripts of alleged translations of what he claimed to be her posthumous works to various magazines. For the one in question, the translation of "Princess Nourmahal," he had been given 120 dollars on accounts when it was discovered work . It was held at the examination that, as Vanderpoole was not a resideut of New York City, where the translation occurred, he could not be held by the proceedings at Oyster Bay, and he was discharged. (11)

    Comme on peut le lire ci-dessus, les autorités de Oyster Bay ne purent cependant pas maintenir Vanderpoole en détention en raison d'un problème de prodécure, Vanderpoole n'étant pas un résident de New York City, le lieu où la transaction avait eu lieu. […]

    Un an après, The Indianapolis journal du 19 novembre 1888 revient en page 2 sur l'affaire, en évoquant la fraude littéraire, ce qui n'a visiblement pas empêché que le livre de Vanderpool soit alors proposé à la vente (photo de la coupure de presse ci-contre).

    A ce stade de notre enquête, il devient intéressant d'effectuer des recoupements entre le compte-rendu de la supposée audience accordée par Louis II à Vanderpoole et l'affaire George Sand. On voit que Vanderpoole a dans les deux cas recouru à de mêmes procédés: prétendre à un héritage et se présenter comme journaliste du Figaro. Dans le cas de l'affaire George Sand, il s'agit d'une escroquerie avérée: Vanderpoole est un faussaire littéraire qui prétend être chargé de la succession de George Sand et avoir traduit une oeuvre non encore publiée de l'écrivaine; il se présente d'autre part comme un correspondant du Figaro.  L'éditeur du Cosmopolitan nous signale qu'il n'en était pas à son coup d'essai, il s'était déjà attribué aux Etats-Unis la paternité d'un roman composé par un autre écrivain. Le même éditeur a télégraphié au Figaro pour s'enquérir de la véracité de l'allégation de Vanderpoole qui se prétendait correspondant du Figaro lors de la guerre franco-russe et le Figaro avait répondu que Vanderpool était inconnu de la rédaction du journal. Dans le cas de l'entrevue avec Louis II, Vanderpool avait déjà employé le procédé du prétexte d'un héritage, des difficultés rencontrées dans le règlement d'une succession, il prétend aussi écrire pour le Figaro.

    Ainsi le ver est-il dans le fruit : le mensonge de sa collaboration avec le Figaro est un élément fallacieux qui pourrit de l'intérieur le texte de la rencontre avec le Roi. Le parallélisme de l'allusion à un héritage en devient des plus troublant. 

    Ces seuls éléments permettent de mettre en doute l'authenticité de l'entrevue avec le Roi : on est en présence d'un faussaire littéraire dont l'escroquerie est reconnue pour deux romans. 

    Elements d'analyse du texte de Vanderpoole

    A côté de ce qui relève du vérifiable et qu'atteste la presse de l'époque, on peut se pencher sur divers éléments du texte de l'audience qui posent question : la progression narrative théâtralisée, la question de la datation du texte, la recommandation de Gambetta et la confession du Roi.

    Une narration théâtralisée

    La première partie du texte évoque l'obtention de l'audience royale comme quelque chose de banal. Un Américain essaye de régler des problèmes de succession, il demande l'appui du roi de Bavière et pour s'introduire auprès de lui est parvenu à obtenir une lettre d'introduction de Gambetta. Il se dit étonné d'avoir été reçu par le Roi alors qu'il s'attendait à être éconduit et renvoyé vers un subalterne. Notons qu'à ce stade du récit, le Roi ne sait pas que l'Américain s'intéresse à Edgar Poe au point de rédiger des articles à son sujet. L'idée même que le Roi ait pu recevoir un quidam empêtré dans des problèmes de succession paraît incongrue. A une époque où Louis II fuyait le monde et jusqu'à ses propres ministres, aurait-il soudain changé d'attitude et ouvert sa porte au premier venu ? Bien sûr la lettre supposée de Gambetta, dont nous ne connaissons pas la teneur, pourrait avoir révéle au Roi que Vanderpoole est auteur ou journaliste. Mais même dans ce cas : les journalistes allemands eux-mêmes n'avaient pas bonne presse auprès du Souverain, et ce depuis belle lurette, depuis les campagnes de presse de 1865 contre Richard Wagner, le compositeur ami et protégé du Roi. De plus, dans l'état actuel des connaissances, en dehors de Vanderpoole, on ne connaît aucune interview du Roi Louis II. 

    Après l'évocation du règlement de la succession, coup de théâtre, le Roi découvre les articles écrits par Vanderpoole sur E.A. Poe. L'apparition soudaine sur la table du Roi des épreuves d'articles que Vanderpoole destinait au Figaro et qu'il avait de manière fort insouciante mêlé à ses documents de créance ou aux documents des prétendues successions à régler, laisse songeur. Elle fait penser au deus ex machina d'une pièce de théâtre populaire. Ce retournement de situation spectaculaire, qui éveille l'intérêt du Roi et va prolonger l'audience de deux heures, est un élément clé de la structure de la narration. Le problème, on l'a vu, c'est que ces articles du Figaro n'ont jamais existé. Ensuite, connaissons-nous beaucoup de personnes qui se rendant à un rendez-vous d'importance avec rein moins qu'un Roi s'encombrent de liasses de papier inutiles à l'objet de la rencontre? Cela relève de l'invraisemblance.

    Le roi se livre alors à un long monologue sur le génie de Poe et établit nombre de parallélismes entre sa propre destinée et celle de l'écrivain américain jusqu'à évoquer la possibilité de sa propre folie.

    En clôture, le Roi larmoyant quite la pièce où a eu lieu l'audience.

    Ce canevas narratif en quatre épisodes n'est pas dénué de qualités littéraires ni d'intuitions quant à la personnalité du Roi, que Vanderpoole a cependant pu puiser à loisir dans la presse lors de la mort du Roi

    -le prétexte de la succession, l'accès à l'audience royale
    -le coup de théâtre : l'apparition des articles consacrés à Poe.
    -l'exaltation du Roi et sa confession 
    -le roi quitte la scène. Fin de partie.

    La question de la datation de l'audience supposée

    Certains auteurs, dont Alfons Schweiggert, avancent même une date: la rencontre aurait eu lieu en février 1882. Lew Vanderpoole n'avait cependant publié le compte-rendu de cet entretien qu'au plus tôt en juillet 1886, soit juste après la mort du Roi dans le Lippincott's monthly magazine. Si la première date s'avérait correcte, cela poserait aussitôt la question de la raison pour laquelle Vanderpoole a attendu plus de quatre ans pour publier un document aussi extraordinaire que celui de la confession d'une tête couronnée régnante, rien moins que le roi de Bavière. Si par contre le texte de Vanderpool est une escroquerie littéraire, on comprend bien la raison de sa publication juste aprés la mort tragique du Roi de Bavière, qui fait sensation dans le monde entier, y compris dans la presse américaine, Quel scoop et quelle publicité pour Vanderpoole de présenter l'unique rencontre d'un journaliste avec le Roi de Bavière, dans laquelle de plus le Roi aborde sa passion pour un grand écrivain américain et, cerise sur le gâteau, le thème de sa propre folie. Voila un article qui a dû se vendre son pesant d'or. 

    Mais pourquoi avancer février 1882 ? Le texte contient peut-être des éléments de réponse.

    La date de la publication de l'article dans le Lippincott's monthly magazine se situe entre juillet et décembre 1886, soit peu de temps après la mort tragique du Roi, ce qui nous nous fournit le "terminus a quo". Lew Vanderpoole date son voyage en Europe d'au plus tôt huit ans avant cette publication ("terminus ad quem"): des questions d'héritage, dit-il, l'amenèrent à voyager en France puis en Bavière. La supposée rencontre entre le journaliste et le roi aurait donc eu lieu entre 1878 et 1886. L'évocation de la lettre de recommandation de Gambetta donne une autre indication chronologique : Léon Gambetta est un homme politique français qui est décédé le 31 décembre 1882; il a nécessairement dû rédiger la prétendue lettre de recommandation avant cette date. En novembre 1881, Gambetta devint président du Conseil et reçut le portefeuille des affaires étrangères. Si la lettre de recommandation de l'homme politique français a existé, elle a probablement dû être rédigée avant le 30 janvier 1882, date de la chute du gouvernement français qui tomba suite au projet de réforme constitutionnelle introduit par Gambetta. Ce dernier se retira alors de la vie politique et, malade, asthmatique et diabétique, il se retire dans sa maison de Sèvres. 

    La lettre de recommandation de Gambetta

    Voila une lettre bien singulière pour qui connaît les idées politiques antinomiques de Gambetta et celles du Roi Louis II. Le Roi, très Ancien Régime, a pour idéal la monarchie absolue du Roi-Soleil et se sent fort à l'étroit dans ses habits de monarque constitutionnel. Gambetta, franc-maçon anti-clérical, républicain, démocrate farouche, l'homme qui de toutes ses forces s'était opposé au second Empire (il en avait provoqué la chute) et aux monarchistes, a de plus toujours paru aux yeux des Allemands comme la personnification de l'idée de guerre de revanche, que Gambetta prônait suite à la guerre franco-allemande de 1870-1871.  Si Vanderpoole avait véritablement eu des problèmes de succession à régler pour lesquels la Bavière était concernée, il aurait pu plus simplement prendre contact avec le représentant bavarois en place à Paris.

    La confession du Roi

    Les propos attribués au Roi semblent très proches de ce qu'on sait de la personnalité de Louis II, mais le Roi aurait-il pu baisser toute garde et tenir des propos aussi directs et aussi intimes lors d'une première rencontre avec un parfait étranger muni de si curieuses lettres de recommandation? On le sait par l'histoire récente de la peinture, les faussaires peuvent produire des oeuvres remarquables, et c'est ici le cas avec ce texte qui depuis plus de cent ans a été lu et apprécié, et, même s'il est très probablement un faux, reste un document troublant tant Vanderpoole est parvenu à y approcher la psychologie profonde de Louis II de Bavière. 

    Louis II de Bavière et Edgar Poe

    Que le document de Vanderpoole soit un faux n'oblitère pas la question de l'intérêt que put porter le Roi Louis II aux œuvres d'Edgar Allan Poe. 

    Que le Roi ait lu Edgar Poe relève matériellement du possible, même si en allemagne l'engouement pour l'auteur américain ne prendra de l'ampleur qu'après sa mort . D'abord parce que certains textes d'Edgar Poe avaient été traduits en allemand et publiés. Ainsi August Scheibe avait-il traduit Le Double assassinat dans la rue Morgue, et on trouve une traduction des Histoires extraordinaires par A. von Witenfeld (Des Unheimliche Geschichten in deutscher Bearbeitung nach A.B. Edwards und Edgar Allan Poe von A. von Winterfeld). D'autre part Louis II pratiquait fort bien la langue française et aurait pu lire les Histoires extraordinaires dans la traduction française de Charles Baudelaire parue en 1857. Il n'a par contre pas pu lire la traduction des poèmes de Poe par Mallarmé, qui parut après la mort du Roi.

    Dans son livre My royal relatives (12), la Comtesse Marie-Louise de Wallersee-Wittelsbach, parente du Roi, rapporte ce qu'a pu écrire Carl von Heigel de la connaissance qu'avait Louis II de la littérature américaine :

    […] he had a great admiration for another american writer, Edgar Allan Poe. For days on end, Ludwig II would steep himself in the melancholy, sensuous emotionalism of Poe's verse, or give himself over completely to the fear and the horror of his stories. All this should have furnsihed food for thought for the psychaitrists, for it questionably pontted the way toward the climax of Ludwig's unfortunate tendencies. […]. 

    Ludwig Bülow, dans l'ouvrage déjà précédemment évoqué, cite lui aussi Karl von Heigel : 
    [...] und Karl Heigel erzählt: Auf seinen Schlössern hatte er keine andere Gesellschaft als Bücher. Er las und las. Seine Belesenheit war erstaunlich. Er hatte Rankes Werke ebenso gründlich studiert wie die Duc de Lynes. An Erzählern zog ihn auch der Amerikaner Poe besonders an. [...]  Traduction: Et Karl Heigel raconte : Dans ses palais il n'avait d'autre compagnie que les livres. Il lisait et lisait. Son érudition était étonnante. Il avait étudié les oeuvres de Ranke [historien allemand 1795-1886, ndlr] en profondeur comme celles du Duc de Lynes. Parmi les conteurs, il était particulièrement attiré par l'Américain Poe. (13). 

    Le témoignage de Karl August Heigel (1835-1905) cité par Bülow est extrêmement précieux car Heigel travailla directement pour le Roi Louis II de Bavière à partir de 1875. A la demande du Roi, il rédigea les livrets de diverses pièces de théâtre pour les représentations privées que commandait Louis II.

    Si l'on souhaite pénétrer plus avant dans les parallélismes biographiques, psychologiques et artistiques qui existent Edgar Allan Poe et Louis II de Bavière, on lira avec intérêt le passionnant ouvrage déjà cité d'Alfons Schweiggert. 

    Conclusion

    La discussion qui précéde nous mène à penser que les souvenirs ludwighiens de Vanderpoole relèvent d'une escroquerie littéraire réalisée par un faussaire qui avait déjà volé l'oeuvre d'un auteur américain et qui voulait se faire payer grassement la traduction d'un roman frauduleusement attribué à George Sand. Ces escroqueries ont été déjouées par un éditeur américain qui a eu la présence d'esprit de vérifier les allégations de Vanderpoole auprès du Figaro. Le compte-rendu de son entretien avec Louis II n'est le plus probablement qu'un faux tissé de mensonges, qui n'est cependant pas dénué de qualités littéraires : le texte est bien construit et la personnalité du Roi si bien approchée que jusqu'ici personne n'avait mis l'authenticité de l'entrevue en doute. Depuis près de cent ans, le document est cité par des historiens et chroniqueurs de grande qualité. Ce sont les moyens de la recherche contemporaine, et notamment la digitalisation et la mise en ligne de la presse du 19ème siècle, qui ont permis de nouvelles avancées dans la connaissance du passé.


    Retranscritpion du document de Lew Vanderpool 

    LUDWIG OF BAVARIA:
    A personal reminiscence

    THE adjustment of the estates of three of my French ancestors, who died in Rouen about eight years ago, necessitated my going to Bavaria. As the three deaths, being almost simultaneous, resulted in unprecedented complications, it was manifest, from the very first, that audience must be had with the Bavarian king. So, in leaving France, I bore with me, to Ludwig, a letter of introduction from M. Gambetta, which fully explained my mission and requested the king to facilitate my endeavors as far as possible. Arriving in Munich, I sent my letter to his royal highness, expecting of course, to be turned over to the tender mercies of some deputy, after his usual custom. To my surprise, Gambetta's letter resulted in my being requested to wait upon the king at the royal palace the next morning at six o'clock. Punctual to the second, I was shown into a beautifully-decorated sitting-room, where the monarch joined me after a brief delay.

    To others he may have always been brusque, morose, and taciturn, but no one could have been more affable and gracious than he was that morning. He examined my papers with the most courteous interest, and weighed the whole matter with as much thoughtful consideration as if it had been something of vital concern to him. Waiving several Bavarian customs, for my convenience, and setting me straight in every possible direction, he was about ending the interview, when be suddenly caught sight of something which prolonged my audience with him, for two of the most delightful hours whic were ever owed to royal clemency. Leaving France, as I did, a day earlier than I had intended, in my haste I accidentally packed with my legal documents the proof-sheets of a paper which I had been writing for Figaro on Edgar Allan Poe. The proofs were left unnoticed with the other papers until the whole package was opened and spread out on the king's table. Until then his manner had been quite and gentle, almost to effeminacy ; but the moment he saw Poe's name be became all eagerness and animation. His magnificent eyes lit up, his lips quivered, his cheeks glowed, and his whole face was beaming and radiant.

    " Is it a personal account of him ?" he asked;. "Did you know Poe? Of course you did not, though: you are too young. I cannot tell you how disappointed I am. For a moment I thought I was in the presence of someone who had actually known that most wonderful of all writers, and who could, accordingly tell me something definite and authentic about his inner life. To me he was the greatest ever born,-greatest in every particular. But, like many rare gems, he was fated to have his brilliancy tarnished and marred by constant clashings and chafings against common stone. How he must have suffered under the coarse, mean indignities which the world heaped on him ! And what harsh, heartless things were said of him when death had dulled the sharpness of his trenchant pen! You will better understand my enthusiasm when I tell you that I would sacrify my right to my royal crown to have him on earth for a single hour, if in that hour he would unbosom to me those rare and exquisite thoughts and feelings which so manifestly were the major part of his life."

    His voice softened into a low monotone-almost a wail-as he approached the end of his sentence, and his head kept settling forward until his chin rested upon his breast. He kept this attitude, in dead silence, for several minutes, his face wearing an expression of the most intense sorrow. Suddenly arousing himself, he glanced at me in startled surprise, as if he had for the moment forgotten my presence. Then his eyes beamed pleasantly, and he laughed-clear, merry, ringing laugh-at being caught in a day-dream.

    "Will you be good enough to let me read, what you have written?" he asked. "I see that it is in French, the only language I know except my own." 

    I handed him the proofs, and watched him as be read them. As the paper was chatty and gossipy, rather than critical, he seemed to enjoy it. 

    "I see by this that you, also, are fond of Poe," he said, handing the proofs back to me; "and so I will tell you of a little fancy which I have cherished ever since I first began reading the works of your great fellow-American. At first, because of my respect for his genius and greatness, the lightest thought of what I am going to tell you would make my cheeks bum with shame at my presumption. After a time, I would occasionally write out my fancy, only to burn it, always, as soon as finished. Eventually I confided it to two trusted and valued friends; and now, in some unaccountably strange way, moved, perhaps, by the sympathy born of our common interest in Poe, I am going to take you into my confidence in this particular, stranger though you are. What I have to say is this : I believe, for reasons which I will give you, that there is a distinct parallel between Poe's nature and mine. Do not be misled by assuming that I mean more than I have said. I but compared our natures: beyond that the parallel does not hold. Poe had both genius and greatness. I have neither. He had, also, force and strength, so much of both that he could defy the world, sensitive and shrinking as be was. That I never can do. Not that I am a coward, as the word is generally understood, because pain and death can neither shake nor terrify me. Yet any contact with the world hurts me. The same as Poe's, my nature is abnormally sensitive. Injuries wound me so deeply that I cannot resent them : they crush me, and I have no doubt that in time they will destroy me. Even the laceration my heart received from indignities which I suffered as a child are still uneffaceable. A sharp or prying glance from the eyes of a stranger, even though he be only same coarse peasant, will annoy me for hours; and a newspaper criticism occasions me endless torture and misery. The impressionable part of me seems to be as sensitive as a photographer's plate : everything with which I come in contact stamps me indelibly with its proportions. My impulses, it can be no egotism to say, are generous and kindly; yet I never, in my whole life, have done an act of charity that the recipient did not in some way make me regret it. People disappoint me; life disappoints me. I meet some man with a fine face and fine manner, and believe in the sincerity of his smile. Just as I begin to feel certain of his lasting love and fidelity, I detect him in some act of treachery, or overhear him calling me a fool, or worse."

    Arising, he began to walk slowly up and down the room.

    "Apparently," he continued, after a brief silence, "there is no place in the economy of life except for one kind of man. If one would be respected, he must be coarse, harsh, and phlegmatic. Let him be anything else, and friends and foes alike unite in declaring him eccentric. Much as I despise the gross, sensual creatures who wear the form and receive the appellation of man, I sometimes regret that I am not more like them, and, so, more at ease. They plunge into excesses with no more concern than a duck feels in plunging into a lake. With me the thought, or rather the dread, that I may some day so far forget myself as to debase and degrade myself, according to the common custom of man, is in itself sufficient cause for the most excruciating torture. When I look upon men as they average and see the perfect nonchalance with which they commit this, that, or the other abuse from which I would recoil with utter repugnance, I wonder if, after all, they are not really to be envied. My condition is as much of a puzzle to me as it possibly can be to you. Logically, there is no reason for it. My father and mother were neither abnormally sensitive nor excessively moral. So far as I am able to ascertain, they regarded things in life very much as every one else does. It was the same, I believe, with the parents of Poe. Things he has written prove to me that he felt the same disgust for whatever demoralizes that I have always felt, only he saw how the world would behave towards him if he did not seem in sanction and approve of its rottenness. I do not blame him. His way was wisest. Deceit is best in such a case, if it can only be assumed. With his sensitiveness were associated force and defiance,-two traits which I seriously lack. Perhaps, though, he could endure the world more easily than I can, because his childhood was less dreadful than mine. All through my infancy things were done which stung and wounded me. Not that I was treated more harshly than children commonly are, but because my nature was so unlike that of children in general that the things which never disturbed them were offensive to me. I soon learned that companionship meant pain, and that I could never know or feel anything like content unless I held myself aloof from every one. This, for a man, is hard enough to do; for a child it is next to impossible. I was forced to subject myself to the will of harsh, unfeeling teachers, and to the society of those who, scarcely more than animals themselves, accredited me with no instincts finer than their own. Most of the studies thrust upon me seemed dull, stupid, and worthless : because they so jarred upon me that my understanding faculties were dulled and blunted with pain, I was declared half-witted. For hours I would sit and dream beautiful day-dreams; and that won for me similar epithets. It is a misfortune to be organized as I am; yet I am what I am because a stronger will and power than mine made me so. In that lie my sole solace and comfort for having lived at all. If my reading and observation have not been in the wrong direction, much of the phenomenon which is called insanity is really over-sensitiveness. It is often hinted, and sometimes openly declared, that I am a madman. Perhaps I am; but I doubt it. Insanity may be self-hiding. An insane man may be the only person on earth who is not aware of his insanity. Of course I, for such reasons, may not be able to comprehend my own mental condition, except in an exaggerated and unnatural way. But I believe myself a rational being. That, though, may be proof of my insanity. Yet I doubt if any insane person could study and analyze himself as I have done and still do. I am simply out of tune with the majority of my race. I do not enter into man's common pleasures, because they disgust me and would destroy me. Society hurts me, and I keep out of it. Women court me, and for my safety I avoid them. Were I a poet, I should be praised for saying these things in verse; but the gift of utterance is not mine, and so I am sneered at; scorned, and called a madman. Will God, when he summons me, adjudge me the same?" 

    With tearful eyes, he pressed my hand, smiled, and left the room. The learned doctors have already declared Ludwig of Bavaria insane, and kindlier judgment from those who loved him would very likely be counted wasted sympathy by the world.
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    (2) Schweiggert (Alfons), Edgar Allan Poe und König Ludwig II.: Anatomie einer Geistesfreundschaft, Eos Verlag, 2008
    (3) Below (Ludwig), Dem Toten die Ehre- Entsiegelte Dokumente. Treue Bayernherzen ihrem Liebling als Denkmal. Roman eines Königstraumes nach ganz neuerschlossenen Quellen, München, Bayerischer Volks-Verlag, (pp. 195-196)
    (4) Ammon (Thomas), Ludwig II. für Dummies, 2007, p.56
    (5) Hilmes (Oliver), Ludwig II.: Der unzeitgemäße König, Siedler, 2013
    (6) Schweiggert (Alfons), Op.cit., p.1
    (7) Bayern 2, König verehrt Autor, Ludwig II. und Edgar Allan Poe
    (9) L'article du Temps peut se lire sur le site Gallica de la BNF
    (10) L'article de L'Intransigeant peut se lire sur le site Gallica de la BNF
    (11) De nombreux autres journaux américains ont rendu compte de l'affaire Vanderpoole. Charles Johanningsmeier (State University College at Cortland) les mentionne dans un article bien documenté , intitulé Expanding the Scope of "Periodical History" for Literary Studies: Irving Bacheller and His Newspaper Fiction Syndicateque l'on peut lire en ligne (voir le 13ème paragraphe de la troisième partie de cette étude). Dans la  note de bas de page n°23 de son étude, Charles Johanningsmeier répertorie les articles de la presse américaine qui ont répercuté l'information de l'arrestation du faussaire: le Syracuse Herald du 25.09.1887, le Journalist du 24.09.1887 et du 22 octobre 1887, le Publishers Weekly du 24.09.1887. La réponse de Vanderpoole fut publiée dans le Journalist du 5 novembre 1887.  La liste n'est sans doute pas exhaustive.
    (12) Larisch von Wallersee-Witterlsbach (Marie Louise), My royal relatives, John Long, London, 1936, p.177
    (13) Bülow (Ludwig), Op. cit. Retranscritpion d'une citation que m'a communiquée Alfons Schweiggert, que j'en remercie vivement.

    Copyright Luc Roger. Tous droits réservés. Vanderpoole en herbe s'abstenir!

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