Voici comment l'hebdomadaire parisien Le Monde artiste "célébrait" dans son édition du 8 avril 1911 le cinquantenaire de la première de Tannhäuser à Paris
"Au moment, où de Brillantes reprises à l'Opéra des oeuvres de l'illustre compositeur précèdent les représentations si impatiemment attendues de la Tétralogie, il nous a paru intéressant de reproduire un amusant dessin allemand, qui montre Wagner stupéfait de se voir interprété à Paris. On verra d'ailleurs, par la note qui est consacrée au cinquantenaire de Tannhaüser, que ce premier accueil fait par Paris au génial musicien fut un peu frais." (page 2)
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in Le Monde artiste, Paris, 8 avril 1911 (page 6) |
"LE CINQUANTENAIRE DE TANNHÄUSER.
Il y a eu ces jours-ci cinquante ans que les abonnés de l'Opéra huèrent Tannhäuser.
Il serait injuste de faire supporter a ces pauvres abonnés toute l'ignominie de leur verdict. Et il est curieux de rappeler aujourd'hui ce que des esprits « très distingués » ont osé penser et écrire à propos de cette oeuvre, pensées et écrits qui les ravalent au dessous de ces fameux abonnés.
Nous trouvons dans une des lettres de Berlioz (écrite le 2 janvier 1861), des phrases de ce goût :
« Tannhäuser, c'est l'école du charivari !... Ah, dieu du ciel, quelle représentation ! Quels éclats de rire ! On a ri du mauvais style musical, on a ri des polissonneries et de l'orchestration bouffonne... Quant aux horreurs, on les a sifflées splendidement !... »
Schumann, l'illustre musicien, qui se croyait surtout un critique impeccable, a trouvé ce même Tannhäuser « bien trivial ». Il déplore le goût artistique de son époque, qui ose comparer les chefs d'oeuvre de l'art dramatique allemand avec les productions Wagnériennes « musique d'amateur, sans signification et d'un caractère rebutant » (lettres à Dorn, janvier 1846 et 1853).
Et le bon Liszt qui trouvait Schumann plutôt « indulgent dans ses articles ! ».
Mais continuons, la revue des jugements formulés par des esprits très distingués. Prosper Mérimée a écrit : « Il me semble que je pourrais composer quelque chose de semblable, en m'inspirant de mon chat marchant sur le clavier d'un piano ».
Paul de Saint-Victor signait cet arrêt dans la Presse : « Obscurité compacte et pesante. Vacarme discordant qui ne parvient qu'à dissimuler les plus grossiers fracas des tempêtes physiques ».
Le Figaro prononçait cette autre arrêt sous la signature de Jouvin : « C'est un infini grisâtre où l'on entend le morne claplotement des sept notes de la gamme qui tombent jusqu'à la fin de ta partition. »
Oscar Comettant avait donné cette formule lapidaire dans son journal l'Art Musical : « M. Wagner a cru faire une révolution: il n'a fait qu'une émeute ».
Enfin, comme conclusion, Auber,le compositeur à qui l'on a fait une réputation d'homme d'esprit dissait :
— Comme ce serait détestable, si c'était de la musique !
Manière forte et manière rosse, cela se pratique encore de nos jours, fort heureusement d'ailleurs pour les gens curieux qui, dans cinquante ans, feront la revision de nos jugements contemporains. " (pp. 15 et 16)
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