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mercredi 1 mars 2017

Le roman de la Baronne Truchseß, un article dans la presse munichoise du 7 février 1914


Photographie de la Baronne de Truchsess-Sarachaga et de son frère
le Baron Alexis de Sarachaga dans leur villa cannoise

Dans son édition du samedi 7 février 1914, le quotidien munichois Münchner Neueste Nachrichten publiait suite au décès récent de la Baronne Spera von Truchseß-Wetzhausen, née Sarachage, un article daté du 6 février intitulé Der Roman des Baronin Truchseß, que nous traduisons ici.



Photographie d'une coupure de l'article
sous rubrique
"Munich le 6 février

Le roman de la Baronne Truchseß

     Le décès de la Baronne Truchseß auf Wetzhausen survenu il y a quelques jours à Cannes réveille des souvenirs du Roi Louis II, dont elle était une des admiratrices des plus ferventes et des plus fidèles. Elle descendit d'une vieille famille espagnole, celles des Sarachaga, et nacquit le 7 juillet 1839 à Saint-Péterbourg. Au mois de juillet 1862, elle épousa le Baron [Freiherr] v. Truchseß auf Wetzhausen, qui travaillait dans les services diplomatiques en tant qu'ambassadeur à la Cour de Russie [...]. Le mariage est resté sans enfants. Le Baron v.Truchseß décéda le jour de l'an 1894. La Baronne Truchseß occupa la fonction de dame de palais auprès de la Duchesse Sophie Charlotte en Bavière, la future Duchesse d'Alençon, qui perdit si tragiquement la vie dans l'incendie du bazar parisien de mai 1897.
   Lorsque en janvier 1867 le Roi choisit pour épouse la Duchesse, alors âgée de 20 ans, la Baronne Truchseß fut fréquemment en contact avec le Roi. Le Roi avait coutume de faire parvenir à sa fiancée  des fleurs ou quelque autre présent au beau milieu de la nuit ce pour quoi il se servait de l'entremise de la Dame de Palais. Ces relations furent à l'origine de l'inclinaison exaltée de la Baronne pour le Roi.Lorsque la Duchesse se maria en 1868 avec le Duc d'Alençon, la Baronne se retira de son office de Dame de Palais.

La Baronne Spera de Truchseß-Wetzhausen
© Fondation  Sarachaga
     Son nom revint au devant de l'actualité lorsque en juin 1886 débuta la tragédie royale à Hohenschwangau. Au moment où la Commission d'Etat se rendit pour informer le Roi de la reprise de la Régence par le Prince Luitpold, la Baronne [alors âgée de 47 ans, ndlr*] résidait à l'hôtel Alpenrose à Hohenschwangau. Peu de temps auparavant elle était sortie d'un établissement de soins des troubles mentaux [dans le texte Nervenheilanstalt, soit une clinique psychiatrique, ndlr].  Lorsque tard dans la soirée elle fut informée des desseins de la Commission, elle se dépêcha dès le lever du jour de monter par un chemin latéral au château de Neuschwanstein pour être admise [auprès du Roi];  les gendarmes ne l'autorisèrent pas à entrer, et elle se mit alors à crier à voix haute. Deux infirmiers psychiatriques, qui avaient accompagné la Commission, se saisirent alors d'elle et voulurent l'éloigner du portique. Lorsque sur ces entrefaites les membres de la Commission arrivèrent, elle les accabla des plus vives remontrances, en particulier les messieurs qu'elle connaissait de Munich, comme le Conte Holnstein, le Comte Törring et le Ministre v. Crailsheim. Ensuite elle invita les personnes présentes à lancer des vivats en l'honneur du Roi. Comme il ne fut pas possible de calmer la dame et encore moins de l'inciter à s'en aller, on la laissa finalement passer. Dans son excitation, elle se précipita dans l'antichambre des appartements royaux, dans laquelle le Roi était justement en train de s'habiller. Le Roi ne fut pas peu effrayé de son apparition, mais il supporta avec beaucoup de patience et de calme le discours très excité de la dame. Il lui demanda cependant de faire appeler son mari, de manière à ce qu'elle puisse rentrer en sa compagnie à la maison, mais elle le conjura de se rendre immédiatement à Munich, et cela en sa compagnie. Il fallut encore quelques arguments persuasifs du Roi et du Comte Dürckheim pour amener la baronne à quitter le château.


L'hôtel Alpenrose avec le château d'Hohenschwangau

     Après la mort du Roi, la Baronne Truchseß montra son attachement et sa dévotion au Roi en offrant des couronnes magnifiques et d'un grand prix, qu'elle fit déposer chaque année au jour anniversaire de la mort du Roi et à la Toussaint sur le sarcophage dans la crypte royale de l'église Saint-Michel [Michaelskirche]. Feue la Baronne était d'une nature extrêmement impulsive et enthousiaste. Lorsque en 1895 l'Espagne se trouva en guerre avec l'Amérique, elle fit une donation de 250.000 marks à ses compatriotes comme contribution à l'effort de guerre. Elle offrit la villa "Abendruhe" [Repos du soir], qu'elle possédait près de Füssen au Prince Georg, alors qu'il était encore en son jeune âge; mais ce n'est que plus tard, suite à des pressions répétées, qu'il se déclara prêt à accepter la villa. Elle prit alors résidence dans un hôtel d'Hohenschwangau. A l'occasion d'un séjour de chasse du Prince Régent à Hohenschwangau en 1912, elle fut honorée d'une invitation à un repas au château d'Hohenschwangau. En octobre 1911, elle avait laissé son Palais de l'Amalienstrasse [il se situait au  numéro 89/1 de l'Amalienstrasse] à des conditions extrêmement avantageuses à la Mensa archiépiscopale de München-Freysing (c'est-à-dire pour la création d'une nonciature)."

Amalienstrasse près de l'université
L'Amalienstrasse en 1914. Photo Hoffmann.

*La mention de l'âge de la Baronne a ici toute son importance, car plusieurs biographes du Roi Louis II de Bavière évoquent  "une vieille dame armée d'un parapluie" qui a voulu sauver le Roi de sa destitution.  Le lecteur jugera si une dame âgée de 47 ans peut être qualifiée de vieille dame.

© Traduction Luc Roger. Tous droits réservés.

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