La Lanterne fut au début du siècle dernier un journal politique parisien quotidien violemment anticlérical et républicain. En juillet 1908, le supplément de La Lanterne publie un feuilleton consacré intitulé L'Homosexualité en Allemagne et dû aux plumes de Henri de Weindel et F.-P. F Fischer. Nous en avons ici extrait les deux passages qui évoquent l'homosexualité supposée du Roi Louis II de Bavière. Ils sont répartis dans les huitième et neuvième livraisons du feuilleton, parues les 7 et 9 juillet 1908.
L'Homosexualité en Allemagne
Par Henri de WEINDEL & F.-P. FISCHER
Feuilleton du Supplément à la Lanterne du 7 juillet
VIII GALERIE D'ANCETRES
(Suite)
[...]Et c'est pour compléter dignement cette « collection », la figure la plus caractéristique avec celle de Platen : Louis II, roi de Bavière. Ce souverain, on s'en souvient, mourut d'une façon tragique, le 13 juin 1886, noyé dans le lac de Starnberg, et entraînant dans la mort, son médecin avec lui.
L'homosexualité indiscutable de Louis II se divise en deux manifestations d'ordre tout différent : l'homosexualité matérielle et l'homosexualité sentimentale.
En ce qui concerne le côté matériel, on ne peut nier les relations sexuelles que le souverain entretient avec les soldats du régiment de chevau-légers commis, tour à tour, à la garde royale du Palais royal de Munich et du château de Hohenschwangau. Le fait est tellement patent qu'il rencontra de l'écho jusque dans la salle du Reichsrath, ou Chambre-Haute de Bavière. Au cours d'une discussion sur la nécessité d'instituer une Régence, à raison de l'état mental du roi, des membres de rassemblée reprochèrent au ministère d'avoir envoyé des chevau-légers à Hohenschwangau, bien qu'il ne pût conserver de doute sur les gardes spéciales que les hommes de ce régiment montaient, à Munich, auprès du souverain.
La plupart des auteurs qui se sont préoccupés de l'homosexualité de Louis II, s'entendent pour établir deux phases de sa passion : la phase platonique, qui comprend toute la première partie de son existence, et la phase active, qui apparaît seulement lorsque la raison au roi perdit de sa force au point de ne plus former de barrière contre l'invasion de l'instinct.
Cette dernière phrase, nous la connaissons. Examinons donc la première, de beaucoup plus intéressante, d'aileurs.
Peu de temps après la mort du roi-fou un médecin qui l'avait soigné à diverses reprises, le Docteur Franz Karl Gerster, a pu établir, sur la foi de ses observations personnelles et avec la contribution d'observations relevées par plusieurs de ses confrères, une brochure qui prouve l'homosexualité de son « sujet ».
En parlant des anomalies psychologiques qu'il a constatées, il écrit:
"Tandis que le roi ressentait un vif intérêt pour différents hommes de son entourage et écrivait même, à quelques-uns d"entre eux, des lettres passionnées, comme un fiancé en écrirait à sa fiancée, son indifférence, pour ne pas dire' son aversion, à l'égard des femmes, est démontrée par une série de faits typiques (1).
Les lettres dont parle le D. Gerster, étaient adressées aux deux grands amis du roi, Richard Wagner et l'acteur Joseph Kainz, qui est aujourd'hui sociétaire du Burgtheater de Vienne.
Dans les lettres qu'il écrivait à Richard Wagner, les appellations sont d'une tendresse délirante.
Il nomme successivement le génial compositeur : « Mon ami tout aimé, mon unique, mon ami aimé -plus que tout, mon bonheur tout entier, mon ami divint mon chaleureusement aimé, mon seul chéri. » Le ton des lettres correspond aux noms qu'il donne à leur destinataire. En voici quelques extraits :
" J'espère revoir bientôt mon unique ami. Né pour toi, élu par toi, telle est ma seule vocation. "
" Comment va le bien-aimé ? La tranquillité est-elle rentrée en lui ? Est-il gai et serein ? 0! comme je vous aime, mon ami divin et adoré."
(A suivre)
IX GALERIE D'ANCETRES
(Suite)
Feuilleton du Supplément à la Lanterne du 9 juillet 1908
"Vous êtes l'astre dont ma vie se trouve éclairée. Votre vue seule me communique une force merveilleuse. Je brûle de vous revoir mon saint! mon adoré!"
"Je te suis tout dévoué, et rien qu'à toi. Je ne vis que, pour toi. Jusqu'à la mort, je suis ta chose."
On se demande quelle peine aurait appliquée à Louis II de Bavière, s'il avait eu connaissance de ces lettres, - d'ordre purement sentimental, nous y insistons, — le tribunal de Leibnitz qui infligea respectivement une année et six mois de prison, à deux pauvres diables coupables d'avoir l'un écrit, l'autre reçu une lettre ainsi formulée :
" J'ai vu. hier,un écuyer superbe, il il était moins beau que toi."
Ces quelques citations de la correspondance d'un homme que les homosexuels revendiquent comme un leurs meilleurs « ancêtres ", suffisent, semble-t-il, à justifier ces mots de Numa Numantius, qui peuvent, par dessus le personnage du roi-fou, s'appliquer à beaucoup d'homosexuels :
"C'est une âme féminine dans un corps masculin."
(1) Extrait de la brochure du Dr Gerster:
Le Caractère de Louis II de Bavière, étude psychologique et psychiâtrique, Leipzig, 1886
Remarques
- La Lanterne a été digitalisée et mise en ligne sur le site Gallica de la BNF.
- L'étude du Dr Gester a été digitalisé et peut se lire en ligne (en allemand et en caractères gothiques) sur le site de la Bibliothèque d'Etat de Bavière (Bayerische Statsbibliothek): Gerster (Franz Carl), Der Charakter Ludwig's II. von Bayern ,eine psychologisch-psychiatrische Studie auf Grund authentischer Mittheilungen und eigener Beobachtung, Leipzig, Staackmann, 1886, 43 p. Cliquer ici pour accéder à la ressource.
- Les illustrations sont hors articles.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire