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vendredi 24 février 2017

Epitaphium, un poème de Wagner en forme d'inscription funéraire


EPITAPHIUM. 

Hier liegt Wagner, der nichts geworden, 
nicht einmal Ritter vom lumpigsten Orden; 
nicht einen Hund hinter'm Ofen entlockt' er, 
Universitäten nicht 'mal 'nen Dokter. 

Munich, 25. März 64.

EPITAPHE

Ci-gît Wagner qui n'est rien devenu 
Pas même chevalier de second ordre 
Ni même chien près du foyer 
Ni Docteur d'une université.

Munich, 25 mars 1864

in Gedichte von Richard Wagner, édité par Carl Friedrich Glasenapp chez G. Grote'sche, Berlin, 1905, p.36
(Traduction libre de Luc Roger)

Circonstances de l'écriture

En mars 1864, Wagner est en déserrance. A Vienne les représentations de Tristan ont été annulées parce que l'opéra a été estimé injouable, ce qui entraîne la perte des bénéfices escomptés. Il fuit la capitale autrichienne où la prison le menace en raison des poursuites de ses créanciers. En Suisse les Wesendonck ne lui accordent pas l'asile espéré. Il retourne en Allemagne et le 25 mars 1864 passe par Munich, où il séjourne au Bayerischer Hof. C'est alors qu'il écrit ce court poème à d'une ironie désespérée. 

Il a alors bien sûr entendu parler parler du jeune Roi de Bavière qui le 10 mars vient d'accéder au trône suite à la mort soudaine de son père Maximilien II, mais ne sait pas encore qu'il entrera dans sa vie quelques semaines plus tard.  Pourtant le huit avril, dans une lettre à Peter Cornélius, il écrit: Il faut qu'une lumière pointe, que quelqu'un se manifeste qui m'aide énergiquement (Ein Licht muß sich zeigen...). Bref il faut qu'un miracle se produise.

Le 28 avril, Wagner se trouve à Stuttgart. C'est là que l'envoyé du Roi Pfistermeister viendra le chercher le soir du 2 mai. Le miracle s'est produit, le Roi Louis II veut que Wagner vive à ses côtés et se consacre entièrement à son travail. Le matin du 4 mai Wagner était introduit près du Roi à la Résidence de Munich.

Le chien près du foyer

En allemand, on emploie l'expression figurée Etwas lockt keinen (Hund) (mehr) hinter dem Ofen hervor pour évoquer  quelque chose de désuet, qui est devenu ennuyeux ou inintéressant. L'origine de l'expression remonte à la pratique de laisser les chiens dans la cour de la maison ou attachés à l'extérieur. Lors des hivers rudes, on les laissait rentrer à la maison où les chiens allaient s'allonger à l'endroit le plus chaud, près du foyer. Dans le contexte du poème, Wagner affirme que dans sa vie, il n'est pas parvenu à susciter l'intérêt, qu'il n'a même pas obtenu la place qu'on réserve à un chien, prés du foyer.

Source de l'explication: le Redensarte-Index, qui signale que l'expression est déjà attestée au 17e siècle chez Grimmelshausen (1622-1676).

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