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mardi 17 janvier 2017

Grandes interprètes wagnériennes: Germaine Lubin. "Bayreuth, c'est le sommet!" (1)


Une interview de Germaine Lubin datée de mars 1965, sur ina.fr.

Germaine Lubin en Isolde
Germaine Lubin fut une des rares interprètes françaises à chanter à Bayreuth. Elle fut une brillante Isolde, un rôle qu'elle chanta aussi en français. 

Le 31 mars 1938, L'Intransigeant publie un entretien avec Germaine Lubin dans lequel elle évoque ses engagements allemands et son invitation à monter sur la scène de Bayreuth.

« Chanter “Parsifal ” à Bayreuth ... nous dit Germaine Lubin, ...C’est un honneur pour moi ; c’est aussi un hommage rendu à mon pays. » .

C’est un événement dans le monde musical : une cantatrice française, Mme Germaine Lubin, vient d’être engagée à Bayreuth pour interpréter le rôle de Kundry aux cinq représentations de Parsifal qui seront données dans le cadre du Festival. Il faut remonter à une trentaine d’années pour retrouver un fait semblable dans les annales de Bayreuth. Mme Grandjean avait, après engagement, interprété le rôle d’Elisabeth du Tannhauser. Enfin, il faut citer Mme Bunlet qui, il y a trois ou quatre ans, se trouvant à Bayreuth, remplaça au pied levé et avec beaucoup de succès une cantatrice allemande défaillante. Mais c’est là que s’arrête la liste des comédiennes lyriques qui montèrent sur la grande scène wagnérienne.

 Impressions d’Allemagne 

Mme Germaine Lubin, qui me reçoit dans le lumineux salon de son appartement d’où l’on découvre la Seine et le Louvre, ne me cache pas sa joie. Assise sur un large tabouret de cuir placé devant la cheminée, elle me raconte la suite des événements qui ont abouti à cet engagement, et j’écoute cette jeune femme à qui nous devons de si belles émotions artistiques. L’intendant des théâtres de Prusse, m’explique-t-elle, m’ayant entendue dans Ariane et Barbe Bleue, m’invita à aller chanter à Berlin, et il me demanda de préparer le rôle de Siegtinde de La Walkyrie », en allemand naturellement. Le hasard a voulu que je chante à l’Opéra de Berlin le 20 février dernier, le jour où le Führer a prononcé son grand discours. Cet événement, qui a eu dans la capitale allemande le retentissement que vous devinez, n’a pas empêché les spectateurs de l’Opéra de réserver à une cantatrice française un succès dont je reste fière. Après le premier acte, j'ai eu huit rappels enthousiastes et la presse a vraiment été extraordinaire. Mme Germaine Lubin me montre un paquet de journaux qui contiennent des colonnes de la plus chaleureuse critique.

Le Berliner Nachtsangabe écrivait: 

"L’événement marquant de cette soirée était... une Française, Mme Germaine Lubin, primadonna du grand Opéra de Paris. Quand il s’agit de stars internationales, on passe sur les imperfections inhérentes à la langue étrangère. Mais Germaine Lubin possède un allemand irréprochable. Mieux encore, elle montra une si admirable maîtrise du style de Bayreuth, et cela jusque dans les détails, que l’on croyait qu’elle était vraiment chez elle sur la scène allemande. Accentuant son personnage jusqu’à l’âpreté, elle l’éleva graduellement jusqu’à la passion sublime, jusqu’à l'héroïsme, et on n’oubliera pas de sitôt un organe aussi rare. "

De son côté, Mme Germaine Lubin a été grandement impressionnée par l’ordre, le silence, la propreté qui règnent en maîtres à l’Opéra de Berlin et par cette foi et cet esprit discipliné, cette méthode dans le travail qui permettent des réalisations presque parfaites.


-Ah ! me-dit-elle, obéir, quel mot sublime. Ici, pour obéir, il faut arriver au bord de l’abîme... On se sent déshonoré si l'on est obligé d’obéir ! Pour moi, obéir, c’est comprendre. Sur le plan artistique (qui est le seul sur lequel je me place), ce mot a la plus haute signification, il est à la base, de tout, rien n’est possible si l’on n’accepte pas d’obéir. 


Un hommage à la France 

Le magnifique succès qu’elle avait remporté à Berlin en interprétant le rôle de Sieglinde dont elle donna "une hallucinante figure" ( Berliner Tageblatt) allait la conduire à Bayreuth. On lui demanda d’interpréter le 16 avril, à Berlin, Kundry, de Parsifal. Mais, à cause de son travail à l’Opéra, qu’elle place avant tout, elle ne put entreprendre à temps l’étude de ce rôle. — C’est alors, me dit-elle, que la direction des Festivals de Bayreuth m’a demandé de participer aux cinq représentations de Parsifal, qui auront lieu cette année entre le 25 juillet et le 18 août. J’ajoute que si c’est un honneur pour moi, c’est aussi un hommage rendu à mon pays. Lorsqu’on sait l’importance que l’Allemagne accorde à ses représentations de Bayreuth, on mesure !e succès que viennent de remporter Mme Germaine Lubin et l’art lyrique français.


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