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mercredi 18 janvier 2017

Grandes cantatrices wagnériennes: Germaine Lubin, l'envers de la médaille (2)

Le 18 octobre 1944, la presse française annonce l'arrestation de Germaine Lubin à qui l'on reproche ses sympathies allemandes. Un article intitulé L'épuration en page 2 du quotidien  Ce Soir évoque ironiquement l'écrouement de Germaine Lubin et Mary Marquet à la prison de Fresnes, dernier salon du monde collaborateur. 


Bayreuth 1939,  Germaine Lubin, au centre de la photo

En 1939, Lubin avait triomphé dans Isolde à Bayreuth. Adophe Hitler l'avait adorée dans le rôle et avait souhaité la rencontrer. Il affirmait que de toute sa vie il n'avait jamais entendu une pareille Isolde. A ce propos, Brigitte Hamann rapporte dans  Winifred Wagner oder Hitlers Bayreuth que cette année-là , Germaine Lubin quitta Bayreuth dans la précipitation et ne chanta pas le dernier soir en raison de l'imminence de l'invasion de la Pologne par les armées du Reich. Hamann signale encore qu'en 1941 elle écrivit à Winifred Wagner en lui demandant d'intervenir auprès d'Adolphe Hitler pour la libération de son fils qui avait été fait prisonnier de guerre par les troupes allemandes. Durant la guerre, alors que Vichy avait rappelé Jacques Rouché à la direction de l'Opéra Garnier dont l'occupant voulait faire une de ses vitrines. elle y chanta en compagnie d'artistes allemands et entretint de trop nombreuses relations allemandes, notamment avec de hauts gradés militaires.

Germaine Lubin en compagnie de Winifred Wagner


Lors de son procès. elle se défendit d'avoir trahi et affirma s'être servie de ses relations pour aider ou protéger des compatriotes de la déportation. Mais sa ligne de défense sembla trop faible au jury populaire de la cour de justice d'Orléans. On lui reprocha aussi d'avoir dénoncé à la Gestapo un couple de jardiniers à son service. Elle fut frappée d'indignité nationale à vie, ses biens furent confisqués et sa peine ramenée à cinq ans. Elle passa trois années à l'ombre des prisons de Fresnes et de Drancy, puis fut accueillie par des amis en Italie. Elle ne se produisit plus sur scène et acheva sa carrière en donnant des cours de chant dans son appartement parisien du quai Voltaire. Dans la vidéo de l'interview déjà évoquée (voir notre article), elle prétend avoir refusé sept engagements aux Etats-Unis. La réalité est sans doute différente: le visa lui fut refusé.

On a souvent mis en cause l'impartialité des jurys populaires de l'immédiat après-guerre. Comme le signale Aurélien Poidevin dans La musique à Paris sous l'Occupation, Germaine Lubin " compte parmi les rares artistes à faire l'objet d'une peine sévère qui lui est infligée par les juridictions exceptionnelles créées à la Libération pour juger les collaborateurs ".  Pour alimenter le débat, signalons que  le Journal officiel de la République française du 7 décembre 1944 (p.460) rapporte les propos d'un membre de l'Assemblée consultative provisoire, Robert Pimienta, lors de sa séance du 6 décembre: Pimienta qui définit la collaboration comme une "trahison soumise" s'étonne du fait que Germaine Lubin soit à l'ombre alors que Jacques Rouché est au soleil. Selon Pimienta, Jacques Rouché aurait par exemple refusé l'engagement de Jenny Delisles dans ces termes: "Que voulez-vous que je fasse de vous, vous n'appartenez à aucun groupe de la collaboration!".

Reste le souvenir d'une grande cantatrice wagnérienne, une des meilleures Isolde du 20e siècle.




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