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lundi 23 janvier 2017

Die verstellte Gärtnerin: Sandrine Piau, exquise jardinière dans le concert du Münchner Rundfunk Orchester

Dans le cadre de ses concerts du dimanche, le Münchner Rundfunkorchester a donné hier soir en version concertante Die verstellte Gärtnerin (aussi appelé Die Gärtnerin aus Liebe), la version allemande de La finta giardiniera, le Singspiel dont W.A. Mozart avait autorisé la traduction et qui connut sa première à Augsbourg en 1780. Mozart avait alors 19 ans. Rappelons qu'Augsbourg était la ville natale de Leopold Mozart, le père du compositeur. C'est cette version allemande originale que présentait le Münchner Rundfunk Orchester.

La Finta giardiniera avait été quant à elle créée à Munich cinq ans plus tôt. le 13 janvier 1775, dans le cadre des traditionnels opéras de carnaval. A cette époque, la capitale bavaroise proposait deux créations d'opéra entre Noël et le début du Carême, un opera seria dans le cadre prestigieux du Théâtre de la Résidence, et un opera buffa dans l'ancien théâtre de la Cour près de la Salvatorkirche. L'opera buffa avait, cette année-là, été commandé au jeune prodige de Salzbourg.

La soirée, qui était diffusée en direct sur BR-Klassik, a connu un immense succès. C'est que l'Orchestre de la Radio de Munich s'était assuré le concours de Sandrine Piau, une soprano française, une des meilleures interprètes d'un rôle qu'elle a interprété à de nombreuses reprises et au service duquel elle met ses talents de grande baroqueuse.  Sandrine Piau a une approche extrêmement pensée et sensible du rôle. Il faut entendre Sandrine Piau évoquer sa conception de la musique écrite pour le personnage éponyme de Sandrina lors d'une interview mise en ligne par le Théâtre Royal de la Monnaie à Bruxelles (cliquer ici pour accéder à la vidéo de l'interview): elle apprécie la complexité d'un rôle qui comporte, au delà du tragique inhérent à la situation d'une femme éperdument amoureuse d'un homme qui a failli la tuer par jalousie,  des airs plus légers, plus anodins, ceux de la fausse jardinière obligée de jouer les ingénues et de flirter avec le bourgmestre pour garder sa place. Sandrine Piau, qui compare le personnage de la jardinière à celui de Dona Anna,  nourrit son chant de sa fine pénétration psychologique de Sandrina, et nous en offre une interprétation d'une sensibilité exquise, le fruit d'un travail extrêmement abouti. Enfin, last but not least, Sandrine Piau chante l'allemand comme une autochtone!

La direction musicale d'Andrew Parrott fut un autre atout majeur de la réussite de cette soirée. On a rarement l'occasion de voir ce Maestro de renommée internationale à l'oeuvre. Spécialiste de la musique des 16 et 17e siècles, il est apprécié comme chercheur, un travail qui lui permet de livrer une direction musicale très soignée, au plus proche de la partition originale. Il a tiré le meilleur parti de la composition encore très linéaire de l'oeuvre, par un développement délicat des nuances  ce qui permet de gommer ce qu'elle peut avoir de répétitif.

Autre découverte de la soirée, le jeune ténor Julian Prégardien a le physique séduisant qui convient au rôle du comte Belfiore avec son un ténor lyrique très pur doté de suavités si angéliques qu'on se demande comment, porté par une voix pareille, son personnage a bien failli tuer par jalousie. La diction est excellente, la voix bien projetée, avec des facilités dans l'aigu et de longues tenues de sons fins et flûtés. Un régal! Il fallait une telle voix pour le long duo final avec la Sandrina de Sandrine Piau, redevenue Comtesse Violante Onesti, qui a terminé la soirée en apothéose. Julian Prégardian avait déjà donné un Belfiore dans la Finta giardina produite en 2012 à Aix-en-Provence. Ceux qui ont alors eu l'occasion de l'entendre à Aix pourront mesurer le chemin parcouru.

La soprano Susanne Bernhard rend bien la dureté exigeante d'Arminda, la nièce du bourgmestre. Olivia Vermeulen, une mezzo néerlandaise, donne un bon Ramiro, mais son expression scénique, qui se veut parfois courroucée, est contredite par la brillance d'un grand collier extravagant pour un personnage masculin, alors que la chanteuse avait pourtant ramassé ses cheveux à la garçonne et portait un pantalon, d'un ensemble sans doute lui aussi trop soyeux.  Lydia Teuscher, une chanteuse mozartienne qui s'est déjà fait connaître par ses interprétations de Susanna, Zerlina ou Pamina, séduit en Serpetta qu'elle chante avec une belle authenticité, un des fleurons de la soirée. On est un peu étonnés, mais charmés, de retrouver le baryton wagnérien Michael Kupfer-Radecky dans un opera buffa, ici dans le rôle de Ramiro qu'il interprète avec beaucoup d'humour du haut de sa belle stature et de sa belle voix dont la puissance se joue de celle de l'orchestre. Enfin Wolfgang Ablinger-Sperrhacke déçoit en donnant un bourgmestre fort inconsistant, qui manque singulièrement de consistance scénique et de présence vocale.

Pour réécouter le concert

Le concert est disponible à l'écoute pour quelques jours sur le site du Münchner Rundfunk Orchester ou sur BR-Klassik.

Une gravure cd est également prévue par cpo (le label classique de jpc).












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