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jeudi 25 août 2016

René Jacobs revient à Innsbruck avec l´Alceste de Gluck

Photo Festival d´Innsbruck

En août 1976, René Jacobs avait été le premier chanteur à être invité au Festival de musique ancienne d´Innsbruck, un festival qu´il a marqué de sa présence pendant plus de trois décennies tant par sa voix qu´en tant que chef d´orchestre et par sa redécouverte de nombreux opéras des 17e et 18e siècles. Il est revenu à Innsbruck pour célébrer le quarantième anniversaire du Festival en y donnant avec l´orchestre B'Rock et le choeur Musica Aeterna PermAlceste de Christoph Willibald Gluck en version concertante, dans la première version viennoise de 1767 en italien. Cet opéra est une production de la Triennale de la Ruhr en collaboration avec le festival d´Innsbruck. Il vient d´être joué à Bochum dans une mise en scène de Johann Simons en ouverture de la Triennale.

Dans sa présentation de l´oeuvre, le Festival de musique ancienne d´Innsbruck nous communique l´enthousiasme de René Jacobs pour l´Alceste de Gluck.  René Jacobs trouve déjà le livret de Ranieri de' Calzabigi grandiose, dans lequel il estime que certains passages ont une force dramatique encore supérieure à celle d´Euripide. La musique de Gluck accentue encore cette dramatique dans les récitatifs accompagnés et l´expressivité des motifs orchestraux qui en disent long sur le personnage d´Alceste dans cet opéra très noir constamment obscurci par l´ombre de la mort. Au contraire de son Orphée et Eurydice composé quelques années avant son Alceste, l´opéra se termine dans la joie puisque Apollon ramène Alceste à la vie après son séjour au Royaume des Ombres. René Jacobs apprécie la radicalité et l´extrême précision de la composition de Gluck qui ne laisse pas de places aux variations et aux ornements de la colorature.

Il est devenu inhabituel de présenter  la première version italienne de l´opéra de Gluck, mais ce choix correspond bien à la vocation du festival d´Innsbruck de redécouvrir la première façon des opéras baroques et de les jouer sur des instruments d´époque. Cette première version rend bien la vision de la réforme de l´opéra que soutiennent Calzabigi et Gluck avec la fluidité accrue des arias et des récitatifs soulignant la continuité du drame, l´absence de colorature et l´introduction de grandes pages chorales qui rappellent la place prépondérante du choeur dans la tragédie grecque.

A Innsbruck , les excellents chanteurs qui viennent de porter l´oeuvre à Bochum, nous ont proposé une version concertante dynamique, sans costumes mais aussi sans partitions, avec des mouvements scéniques et un jeu extrêmement expressif. L´orchestre B 'Rock et le choeur russe Musica Aeterna, tout de noir vêtus, forment sur scène un ensemble impressionnant dont la qualité d´interprétation est des plus remarquable. La soprano norvégienne Brigitte Christensen incarne Alceste avec une théâtralité bouleversante qui déploie l´héroïsme d´un personnage qui reste profondément femme, mère et épouse aimante qui se donne à la mort pour sauver le Roi Admète.  Brigitte Christensen utilise sa  voix à la tessiture très large, avec une belle facilité dans l´aigu et des changements d´octaves vers des graves profonds des plus réussis, pour rendre toute l´humanité de cette belle figure du drame antique. La baryton basse Georg Nigl donne une entrée d´opéra éclatante avec son crieur public, on le retrouve ensuite dans trois autres rôles secondaires, grand prêtre, Apollon et l´Oracle. L´Ismène de Kristina Hammarström et l´Evandro d´Anicio Zorzi Giustiniani enchantent également.

En clôture d´opéra, René Jacobs a préféré faire l´impasse sur la musique de Franz Aspelmayr composée pour le ballet Les petits riens, un ballet qui n´avait rien à voir avec la tragédie d´Alceste et qui serrvait au seul divertissement du public. Il l´a remplacé par des extraits d´une musique de ballet plus opportune, celle que composa le compositeur viennois pour La festa d´Alceste, que l´on donna à Vienne après la première série de représentations. René Jacobs et le´orchestre B´Rock en ont donné le premier et le dernier mouvement, passecaille et chaconne.

Le public d´Innsbruck, ravi de retrouver un  maestro au faîte de son art, lui a réservé une immense ovation.


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