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samedi 11 juillet 2015

Gustav Kuhn dirige Tristan und Isolde au Festival tyrolien d´Erl

Isolde et Brangäne
Comme premier opéra de la saison d´été à Erl, Gustav Kuhn a repris sa production du Tristan und Isolde de Wagner. C´est à la fois une grande première, puisque c´est la première fois qu´un opéra de Wagner est joué dans la nouvelle Maison du Festival d´Erl, avec deux autres innovations: la fosse d´orchestre est recouverte d´un voile noir opaque, on ne peut donc plus apercevoir ni les musiciens ni le chef d´orchestre qui dirige les chanteurs par moniteurs interposés, et, touche internationale,  l´opéra est surtitré en anglais. Internationale encore, l´annonce de la tournée prochaine de trois productions de Gustav Kuhn en Chine: Tristan und Isolde et les Meistersinger seront joués en octobre à Pékin, tandis que Shangai accueillera le Ring des Nibelungen.

La mise en scène de Gustav Kuhn, si elle situe au 19ème siècle à en croire les beaux costumes conçus par Lenka Radecky, avec la très élégante crinoline de Brangäne et la mise en valeur de la croupe d´Isolde par une robe à tournure bleue à rubans noirs qui ajoute à la sensualité offerte du personnage. Le choix des costumes n´est pas innocent, il transpose le mythe dans un univers connu et réduit l´action à un drame passionnel bourgeois. Gustav Kuhn concentre l´attention sur la théâtralité et le chant des protagonistes, de la musique avant toutes choses, optant pour des décors à minima et une scène quasi vide. Au premier acte, la décoratrice Ina Reuter installe le pont supérieur d´un navire où se décline le nombre trois: trois voiles, trois bancs, trois coffres de voyage et trois paquets de cordages, une rambarde et un escalier qu´on suppose descendre vers le pont inférieur. C´est par cet escalier que Tristan fait son apparition en scène. Ici encore, l´impression d´etre sur un paquebot contribue à la banalisation du mythe. Pour la scène du coup de foudre qui suit instantanément l´absorption du philtre d´amour dans la coupe en or, Gustav Kuhn joue sur les lumières, il fait tomber la nuit et une lumière lunaire surréelle entoure les personnages dont on ne voit plus que les silhouettes. Plus tard, lors de l´arrivée à quai du navire, les trois voiles s´abaissent tandis que Brangäne revêt sa maîtresse d´une longue traîne de soie jaune. Au deuxième acte, le décor est encore plus dépouillé: un large escalier de bois descend de biais sur la gauche de la scène, un bouquet d´arbrisseaux lui fait pendant à droite, tandis que le centre de la scène est occupé par deux bancs placés sur une estrade noire précédée d´une estrade de bois sur laquelle viennent s´agenouiller Tristan et Isolde pour leur magnifique duo d´amour "O sink hernieder", que le metteur en scène traite, encore une fois par le biais des lumières, comme une scène de mariage mystique, une scène interrompue par l´arrivée de chasseurs en armes et du Roi Marke botté et vêtu d´une redingote de chasse beige à carreaux cintrée à la taille par une ceinture de munitions. Pendant toute la scène avec Marke, Tristan et Isolde ne se lâcheront pas la main. Le troisième acte commence par le magnifique solo de cor anglais joué sur scène. Une grande passerelle de paquebot traverse en oblique une moitié de la scène et sert de poste d´observation à Kurwenal, sur l´autre moitié un banc unique continue de souligner la symbolique des nombres. Tristan y est couché, blessé, les jambes recouvertes d´une couverture. Moribond, il se traînera pendant tout l´acte sur le sol. Lorsqu´il hallucine et croit voir Isolde, Gustav Kuhn lui fait traverser le fond de scène habillée d´une robe de mariée. C´est encore par le jeu des lumières que Kuhn isole Isolde debout au centre de la scène pour le final, sa mort étant signifiée par la lente fermeture du rideau.

La couverture de l´orchestre dans la fosse ne lui enlève rien sa puissance que renforce encore l´excellente acoustique de la salle, au point qu´il couvre à plusieurs reprises le chant. Gustav Kuhn en grand wagnérien dirige l´Orchestre et l´académie chorale du Festival tyrolien d´Erl avec une maestria solide et complice. La jeune chanteuse wagnérienne Mona Somm, qui a déjà incarné de nombreuses héroïnes du Maître de Bayreuth, a la puissance et l´endurance nécessaires pour incarner Isolde, avec de belles possibilités dans l´aigu, mais moins d´aisance cependant dans les registres plus graves. Elle irradie le personnage avec son jeu inspiré. Si Gianluca Zampieri joue un Tristan empreint d´humanité, il manque de projection au premier acte, restant en retrait de sa partenaire de scène, avec un chant parfois quasi inaudible et d´une diction des plus aléatoires. Il gagne heureusement en puissance au cours de la soirée et donne un beau duo amoureux au deuxième acte et un troisième acte des plus convaincants. Hermine Haselböck apporte son expérience à Brangäne. Excellente actrice, elle donne un beau relief au dévouement de la suivante, qu´elle interprète d´une voix fort claire et bien projetée. Franz Hawlata campe avec bonhomie un Roi Marke au coeur paternel et à l´ âme magnanime. Le baryton Michael Mrosek donne un Kurwenal au chromatisme remarquable.

Des applaudissements nourris saluent cette première soirée d´opéra du Festival tyrolien d´Erl dont on garde pour dernière image l´élegante  promenade des festivaliers qui s´en retournent chez eux dans la touffeur d´un soir d´été, en longeant la prairie magique entourée des montagnes de la vallée de l´Inn dont les dernières lueurs du jour soulignent encore les silhouettes.

Le festival dure jusqu´au 2 aout. Pour le programme et les réservations, voir le site du Festival tyrolien d´Erl. 

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