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samedi 21 février 2015

Kirill Petrenko grandiose et impérial dans l´Or du Rhin à l´Opéra de Bavière


Le Bayerische Staatsoper reprend actuellement le Ring d´Andreas Kriegenburg, mais peut-on encore parler de reprise quand avec la direction musicale de Kirill Petrenko on a l´impression d´assister à la création de l´opéra, tant les accents de cette sublime musique résonnent d´une manière nouvelle sous la coupole de l´opéra de Bavière? 

Revoir cette mise en scène créée il y a trois ans, en février 2012, en fait découvrir de nouveaux aspects et permet d´en apprécier encore davantage l´intelligence scénique, la manière dont Kriegenburg nous mène au coeur même de la mythique wagnérienne. Ainsi de la représentation du Rhin par ces couples mêlés d´actionnistes peinturlurés de bleu qui en forment les vagues, les frémissements et les ondulations, un long fleuve d´amour formé de couples s´unissant et unis les uns aux autres en une longue chaîne, au sein duquel vivent des nymphes érotomanes qui en protègent le trésor. Kriegenburg utilise la chair humaine comme une plasticine malléable à souhait. Une fois l´or volé, - et l´amour renoncé- , les corps bleuis deviendront les murailles du Walhalla ou les cubes piédestaux des géants faits des corps entassés et comprimés comme dans un horrible charnier. Plus tard, lors de l´apparition d´Erda, la bonne déesse omnisciente détentrice de l´antique sagesse, ils formeront autour d´elle un charmant tapis mouvant de matière organique.

La rencontre de cette mise en scène et de cette nouvelle direction d´orchestre est une totale réussite. Kriegenburg nous fait voir les mouvements du fleuve, Petrenko nous les donne à entendre. Il fait s´élever la musique de Wagner d´un orchestre ondoyant dont on ressent les vagues et les ondulations. On ferme les yeux et on entend le Rhin, fleuve puissant, sensuel ou chtonien, et mystique. La précision de la direction d´orchestre de Petrenko est désormais légendaire, mais ce n´est pas assez dire, cette précision, la minutie méticuleuse, cette manière de détacher le son de chaque instrument et de réussir à la fois l´unisson, sont au service d´une vision inspirée qui se nourrit  d´une compréhension intime et pénétrante du génie wagnérien. Ce chef, modeste et discret, presque en retrait lors des applaudissements, se montre généreux et impérial lorsqu´il se met au service de la musique, dont il se fait le ministre, au sens premier du terme. L´osmose avec l´Orchestre d´Etat de Bavière, est parfaite, on imagine la qualité du travail en amont pour parvenir à un tel aboutissement lors d´une représentation.

Le plateau de tout premier plan est dominé par la prestation époustouflante du baryton-basse polonais Tomasz Konieczny qui développe toute la dimension du personnage d´Alberich avec une puissance vocale et émotionnelle et une vigueur fulminante qui n´ont d´égales que son jeu de scène. Koniecczny emplit toute la scène. La sensation de son chant et de son talent d´acteur fait faire une bien pale figure au Wotan de Thomas J. Mayer, qui est le maillon faible de la soirée. Son Wotan n´avait pas rencontré l´unanimité lors de la création de l´opéra en 2012, il semble encore affaibli aujourd´hui et n´a pas la dimension pour donner la répartie à l´Alberich de Konieczny. Voila un Wotan bien crépusculaire alors qu´on n´en est qu´au prologue, et il ne s´agit pas là de la représentation de la faiblesse inhérente au dieu germanique, mais bien, hélas, de la performance par trop inconsistante du chanteur, qui ne recevra que des applaudissements polis, ponctués de huées qui l´étaient bien moins. Burkhard Ulrich, un vétéran du chant wagnérien, donne par contre un Loge raffiné et élégant avec des lignes vocales parfaitement modulées et une grande implication théâtrale. Le Mime d´Andreas Conrad est également apprécié, de même que le Fasolt de Günther Groissböck et le Fafner de Christof Fischesser. Coté féminin, on est subjugué par l´Erda d´Okka von der Damerau avec un mezzo ample et profond, une belle étendue vocale et une présence scénique imposante. Le trio des filles du Rhin (Woglinde, Hanna-Elisabeth Müller, Wellgunde, Jennifer Johnston et Floßhilde, Nadine Weissmann) est tout simplement magnifique, l´entame flûtée d´Hanna-Elisabeth Müller donnant le frisson dès les premières notes.

A l´issue d´une telle soirée d´opéra, on mesure pleinement la chance exceptionnelle que l´on a de pouvoir venir écouter le travail de l´Orchestre d´Etat de Bavière et de son directeur général de la musique, Kirill Petrenko.

Infos  sur cette reprise du Ring sur le site du Bayerische Staatsoper
Agenda (places restantes).



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